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Le tremblement de terre de Lima du 28 octobre 1746 

Le tremblement de terre de Lima du 28 octobre 1746 Le tremblement de terre de Lima du 28 octobre 1746 
© Reggio Calabria (1783)
Écrit par Le Petit Journal LIMA
Publié le 28 octobre 2022, mis à jour le 27 octobre 2023

Au cours de son histoire, la capitale péruvienne a été touchée par des séismes majeurs qui ont causé destruction et mort. Le plus grand d'entre eux fut celui de 1746. Nicolas De Ribas nous raconte…

 

Le vendredi 28 octobre 1746, la Cité des Rois tremble comme jamais peut-être. Un séisme indescriptible, qui aurait atteint de nos jours le degré 9 sur l’échelle de Richter, détruit la ville avant d’être relayé par un tsunami aussi dévastateur. La catastrophe de Lima, qui recouvre avec ses spécificités les notions de « désastre » et de « calamité », va faire 6000 morts. Cet événement naturel inattendu bouleverse alors, dans un temps limité, les composantes de la société liménienne par ses déclinaisons contingentes : secousses, inondations, incendies, épidémies... Il met aussi à l’épreuve les autorités coloniales qui doivent lutter contre les maladies, la famine, les vols, et qui animent les débats architecturaux et urbanistiques. Ce désastre, avec sa violence soudaine et son ampleur qui réveillent des peurs ancestrales dans une atmosphère de fin de monde, mérite donc d’être réhabilité et sa dimension événementielle hors du commun doit figurer parmi les grandes catastrophes telluriques et historiques.

 

Le tremblement de terre de Lima de 1746 : témoignages, actions et pensées de la catastrophe naturelle (par Nicolas De Ribas - Maître de conférences en Civilisation latino-américaine, Université d’Artois)

Le vendredi 28 octobre 1746 est une journée paisible d’automne comme les autres. Mais vers 22h30, jour de processions de saint Jude et de saint Simon, patrons des scieurs de long, Lima va trembler de longues minutes. Dans le port du Callao, les animaux sont nerveux, mais personne ne comprend l’avertissement. L’onde sismique se propage en prenant au dépourvu une population estimée à environ 60 000 habitants. Le spectacle est étrange, l’eau se retire comme une invitation à s’avancer dans la mer, et l’on perçoit un grondement d’orage. Les signes avant-coureurs se succèdent : l’océan perturbé reflue très vite sur des centaines de mètres comme si une marée soudaine et imprévue s’était produite en aspirant l’eau qui se trouvait à proximité. Tout à coup, les habitants de la ville entendent au loin le mugissement de l’eau. Le vacarme est assourdissant, bien plus fort que celui des vagues habituelles et, précipitamment, avec une violence incroyable, un mur d’eau semble s’étirer, gonfler, monter agressivement dans la nuit pour atteindre avec fureur quasiment 24 mètres de haut.

Ce vendredi soir tourne alors à la catastrophe naturelle et à un des plus grands cataclysmes que connut le Pérou car cette vague haute et dévastatrice détruit tout sur son passage en se fracassant sur le port de la Cité des Rois, envahissant les habitations, entrant par les portes et les fenêtres, puis se retirant, emportant ces mêmes demeures, et noyant de nombreux habitants du Callao. Ce tsunami mortel, déclenché par le tremblement de terre survenu en mer, au large des côtes liméniennes, au fond de l’océan Pacifique, a encore une fois pris tout son sens, celui de « vague dans le port », en frappant la rade du Callao, et en faisant plus de 6000 morts et disparus, soit un dixième des habitants de Lima (…)

L’ampleur de cette catastrophe a évidemment effrayé les habitants de la Vice-royauté du Pérou et fait surgir des bas-fonds de l’imaginaire collectif le mythe de l’Apocalypse et son lot de peurs eschatologiques. Au centre de cet événement, se trouvent concurremment les enjeux, notamment politiques, religieux, et historiques des représentations de la catastrophe et de leurs effets sur les miraculés ainsi que sur leurs descendants. L’opposition binaire entre d’un côté, les avertissements et la colère de Dieu, et de l’autre, un discernement rationnel, pose aussi, une contradiction qui n’existe pas de manière aussi radicale dans les discours éclairés du XVIIIe siècle qui commencent à ébaucher une histoire des catastrophes : l’épidémie européenne de peste en l’an 1720, le séisme de Lima de 1746, la destruction de Lisbonne en 1755 et le tremblement de terre de Calabre en 1783 sont les événements les plus connus qui retiennent alors l’attention des écrivains publics et privés.

Dans le cas liménien, comme lors des autres tragédies, les autorités rédigent tout de suite des plans de surveillance et de contrôle alimentaire de la ville. De nombreux décrets sont rédigés dans l’urgence afin de parer au plus pressé : les épidémies, les vols et le déblaiement dans le but de faciliter la future reconstruction. Parallèlement, et logiquement, on commence à parler d’une nouvelle disposition urbanistique. De nouvelles techniques et des constructions plus basses sont alors envisagées dans un contexte de tensions extrêmes et de relais médiatiques diffus.

L’écriture protéiforme des tremblements de terre est d’ailleurs à la croisée de plusieurs types de discours et de plusieurs objets de la culture populaire et même savante, faisant appel à des légendes et des traditions différentes. Les séismes peuvent ainsi être des augures, relevant des arts divinatoires et des mancies avec des signes qui annoncent le futur, s’interrogeant sur les chimères, le mouvement des astres, et tous les prodiges.

Le débat philosophique et théologique suscité par le tremblement de terre de Lima est aussi et surtout issu de la réapparition à partir de la fin du XVIIIe siècle, d’un problème séculaire, celui de l’existence du mal et de la souffrance. Le désastre de 1746 est donc à son tour essentiellement appréhendé du point de vue de son impact religieux. D’ailleurs, dès un certain retour au calme les prêtres catastrophistes prêchent pour une punition divine et évoquent le péché originel. Les mauvais prophètes, quant à eux, se mettent en scène dans une ville traumatisée au sein de laquelle des répliques servent leur cause. Le problème du mal se pose, on le sait tous, dès l’origine du christianisme : comment expliquer qu’un Dieu bon, doté d’une sagesse sans pareille, puisse vouloir le mal, tolérer son existence ou encore ignorer que l’homme allait inévitablement pécher ? Certains rescapés et surtout certains penseurs réfléchissent alors sur l’angoisse de la catastrophe en recourant à la notion moderne d’événement abominable, brusque, destructeur, et subi comme tel, causant de nombreuses victimes et engendrant de graves conséquences pour la communauté.

Donc, que s’est-il passé ce 28 octobre 1746, et en quoi les quatre minutes ou plus qu’a duré le séisme ont-elles marqué l’ensemble de la société liménienne pendant des décennies ? Est-ce que les textes de loi et les règles morales qui organisaient la vie sociale ont assez de force pour canaliser les réactions de chaque sujet ? Comment ces moments de crise révèlent-ils les conflits cachés qui détruisent l’équilibre de la ville ? Comment les habitants vont-ils transmettre ou modifier le souvenir d’événements exceptionnels tels que ceux liés à cette catastrophe naturelle ? Enfin, en quoi l’étude de ce désastre nous permet-elle de mieux comprendre les codes sociétaux de la Cité des Rois à un moment charnière de son histoire ?

Voici les questions posées par cette catastrophe auxquelles essaie de répondre Nicolas De Ribas en suivant un plan en trois parties : Les représentations de la catastrophe ou le discours de la peur ; Les actions de la catastrophe et les attitudes collectives : contrôler et reconstruire l’espace ; Les perceptions de la catastrophe.

Retrouver le texte intégral en cliquant sur le lien suivant : Le tremblement de terre de Lima de 1746 : témoignages, actions et pensées de la catastrophe naturelle (par Nicolas De Ribas)

 

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