Depuis 20 ans, l’association française Mano a Mano vient en aide aux habitants des quartiers pauvres de Lima. Le Covid a handicapé sa progression, mais l’ONG n’a pas dit son dernier mot…
Il est presque midi, la poussière tourbillonne entre les chiens errants sur les trottoirs. Le taxi s’arrête devant un restaurant vide : les anciens locaux de Mano a Mano, aujourd’hui presque désertés. Le Covid et ses restrictions ne permettent plus à l’association de faire vivre ce lieu solidaire. “La pandémie nous a empêché de continuer cette activité. Mais ça nous donne aussi l’opportunité de nous recentrer ici, là où c’est le plus nécessaire”, décrit Sylvie Dumans, directrice de l’ONG depuis 2005. Ici, c’est la communauté Jazmines, ou plutôt un bidonville, situé à la cime d’une colline, à la périphérie de Lima.
Mano a Mano cherche à fournir une aide adaptée aux besoins des Péruviens du quartier. La plupart d’entre eux sont d’anciens agriculteurs, contraints de fuir les Andes du Nord à cause du terrorisme. “Nous avons construit une arche devant nos locaux car c’est assez commun d’en trouver à l’entrée des villages des Andes. Ça leur permet de se sentir chez eux”.

La pandémie, un désastre humanitaire à Lima …
Mano a Mano agit depuis 1994 dans la périphérie de la capitale péruvienne. Ce n’est qu’à partir des années 2000, qu’elle obtient le statut d’association française au Pérou. Après avoir aidé deux communautés émigrées dans la région de Lima, Jazmines appelle à l’aide. “Pendant la crise sanitaire la municipalité a fermé le centre de santé du quartier. C’était comme abandonner 40 000 habitants. Alors nos promotrices de santé se sont rendues directement chez les gens pour les aider”. Face à des services publics inexistants, l’organisation met en place un “bus covid”, pour emmener les malades à l'hôpital et au centre de vaccination. “Notre objectif était d’agir au plus vite pour protéger les gens, mais aussi de les accompagner. Il y a énormément de discriminations dans le pays, ce n’est pas toujours facile d’être pris en charge par les services publics. Nos relations avec le personnel médical nous ont permis d’être efficaces".

… et l’occasion de nouer des liens avec les dirigeants
Mano a Mano a toujours œuvré pour la santé des populations péruviennes. Avec le temps, elle a réussi à créer un réseau auprès du personnel médical. “C’est important de connaître les rouages des services publics, pour savoir où aller, que faire, qui demander en cas de besoin”. L’association a joué un rôle vital dans le secours apporté à ces peuples andins. En dehors du matériel et du soutien apporté, elle a aussi su s’adapter en travaillant main dans la main avec les dirigeants des quartiers. “Grâce à la collaboration des institutions et des 40 dirigeants des six communautés, nous avons pu faire des distributions de vivre, prendre en charge les malades…”. Aujourd’hui, Sylvie Dumans est en contact quotidien avec ces leaders désignés par les habitants. A travers des réunions fréquentes, elle propose d’élaborer des routes, des parcs communs et individuels, des zones sportives etc. Du côté administratif, l’association se retrouve en pénurie de volontaires, “à cause du covid nous n’avons plus de volontaires français, mais ça nous a permis de travailler plus avec des bénévoles péruviens“.
Avant la crise sanitaire, nous avions 50% de fonds propres. Mais maintenant que nous avons perdu le restaurant, et que la France ne nous finance plus autant, on boite fortement.
Des lieux de vie sortis de terre grâce à Mano a Mano
Lorsque l’association arrive dans une communauté, sa priorité est d’établir des lieux de vie où les enfants sont en sécurité, et où leur santé est sauvegardée. “Nous avons établi une pharmacie populaire pour la partie basse du bidonville. Mais les enfants n’avaient pas d’endroit pour faire leurs devoirs. Comme ils venaient souvent, nous avons voulu construire une ludothèque”, décrit la directrice, résidente au Pérou depuis 30 ans.

A Jazmines, Mano a Mano travaille depuis 2004 à améliorer le quotidien des habitants. Après avoir réhabilité une autre infirmerie, Mano a Mano a créé des parcs pour “apporter du vert au milieu de la poussière du bidonville”. Ces jardins solidaires permettent aux anciens agriculteurs de “se sentir chez eux et intégrés”, pour à terme “se bâtir une nouvelle identité” dans le quartier. Aujourd’hui, la communauté compte près de 16 parcs, soit environ 6 000m2 d’espace verts. Grâce aux efforts d’une architecte, Marion Verdiere (membre de l’association), plus de la moitié des familles bénéficie de ces parcs. Chacune peut cultiver des légumes, des fruits, des épices, pour ensuite cuisiner avec. Certains sèment même des plantes médicinales traditionnelles. La plupart du temps, ce sont des femmes qui travaillent à construire les routes, les lieux de vie et les parcs. Elles sont souvent mères célibataires et résolues à améliorer le quotidien de leur communauté.

En plus de prendre soin de la santé physique et mentale des habitants (grâce aux parcs, aux aires de jeux et de sports…), Mano a Mano a souvent construit des bibliothèques pour les enfants. “Le covid a entraîné une augmentation des décrochages scolaires, surtout chez les jeunes filles”. Ouverte toute la semaine, les élèves peuvent venir lire sur place, bénéficier d’un soutien scolaire et d’un endroit de calme, en dehors de l’école et de leur maison. Pendant les vacances, le lieu sert de centre aéré, où les enfants peuvent prendre soin du jardin, lire, apprendre le recyclage, jouer etc. Depuis peu, six femmes viennent aussi prendre des cours d’alphabétisation pour apprendre à lire et à écrire.
Le rêve de Mano à Mano serait qu’il y ait du vert dans toutes les commauntés, qu’il y en ait partout sur les collines de Lima. (Socorro, mère célibataire, travaillant pour la communauté depuis plus de 30 ans).

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