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Pedro Castillo, nouveau président du Pérou, un novice face à d’énormes défis

Pedro Castillo, nouveau président du Pérou, un novice face à d’énormes défisPedro Castillo, nouveau président du Pérou, un novice face à d’énormes défis
© gob.pe - Presidencia
Écrit par Guillaume FLOR
Publié le 5 août 2021

Avec le slogan « plus de pauvres dans un pays riche », le président fraîchement élu, au désormais célèbre chapeau blanc, a promis un Pérou plus juste, mais son positionnement radical à gauche inquiète.

Peu connu du grand public avant la campagne électorale, cet ancien paysan, instituteur et syndicaliste a finalement été déclaré président élu du Pérou et a prêté serment, il y a tout juste une semaine, le 28 juillet, jour où le pays a célébré le bicentenaire de son indépendance.

 

Castillo veut mettre fin à la corruption dans le pays en réformant la Constitution

Alors que son ancienne opposante à l’élection, la candidate de la droite populiste, Keiko Fujimori, ainsi que d'autres voix importantes, comme celle de l'écrivain Mario Vargas Llosa, assurent que Castillo poussera le Pérou vers le communisme et que le pays pourrait subir le même sort que Cuba et le Venezuela, « le professeur », comme l'appellent ses partisans, tente de rassurer les 50 % de Péruviens qui n’ont pas voté pour lui et les milieux d'affaires qui redoutent un éventuel virage radical à gauche dans ce pays marqué par plusieurs décennies de politiques économiques ultra-libérales. Excluant toute volonté de copier des modèles étrangers, Castillo insiste sur le fait qu'il n'est ni « chaviste », ni « communiste », en référence aux pouvoirs en place à Caracas et à La Havane.

Le tout nouveau président péruvien a par ailleurs annoncé qu'il déposerait rapidement devant le Parlement un projet de réforme de la Constitution pour remplacer l'actuelle qui a été promulguée en 1993 par l'ex-président Alberto Fujimori et qu'il accuse de favoriser à outrance l'économie de marché. « Je jure devant les peuples du Pérou, pour un pays sans corruption et pour une nouvelle Constitution », a-t-il déclaré lors de son serment.

 

Une marge de manœuvre très faible face à un Parlement divisé et puissant

Le Pérou a vécu ces dernières années dans une grande instabilité politique, comme en témoigne le fait que Castillo soit le quatrième président en moins d’un an. Le président de la République semble être devenu le maillon faible d'un système qui confère un grand pouvoir au Parlement.

Castillo devra donc faire face à une Assemblée législative très fragmentée, dans laquelle son parti, « Pérou Libre », ne compte que 37 des 130 sièges qui le composent. Plusieurs des partis représentés, à commencer par « Force populaire » de Keiko Fujimori, ont annoncé une opposition frontale. Le succès de Castillo dépendra donc de sa capacité à parvenir à des accords dans un Parlement où il n’a pas de majorité absolue et qui est très divisé où pas moins de dix partis sont représentés, surtout s'il veut faire de son projet de nouvelle Constitution une réalité.

En outre, il ne faut pas oublier que Castillo a reçu moins de 20 % des voix au premier tour, et beaucoup de ceux pour qui ont voté pour lui au deuxième tour, l'ont fait juste pour empêcher le triomphe de Keiko Fujimori.

 

Gérer la lutte contre la Covid-19 au Pérou

Le Pérou est l'un des pays les plus durement touchés par la pandémie. Avec près de 200.000 morts, le coût humain dû à la Covid-19 a été brutal pour le pays qui a enregistré le taux de mortalité le plus élevé au monde pour 100.000 habitants.

Le premier défi du nouveau président sera donc de gérer l'épidémie de coronavirus, notamment en poursuivant la campagne de vaccination et en s'assurant que les laboratoires respectent bien les engagements pris. À ce jour, seulement un peu plus d'un tiers de la population a reçu au moins une dose. Quelques jours avant de quitter ses fonctions, le président Sagasti a annoncé un accord pour l'achat de 20 millions de vaccins russes Spoutnik.

 

Confirmer la relance économique du pays

Le Pérou était ces dernières années l'une des économies les plus dynamiques d'Amérique latine, mais de nombreux Péruviens estiment ne pas avoir bénéficié de cette croissance. 30 % de la population vit dans la pauvreté et 70 % de ceux qui travaillent le font dans l'économie informelle. Puis sont venues s’ajouter les difficultés liées à l'effet de la pandémie en 2020, année au cours de laquelle le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 11,1%. Mais pour 2021, la Banque mondiale s'attend à un « fort rebond ». Le plus grand défi pour Pedro Castillo va donc être sa politique économique, qui reste encore inconnue, afin notamment de ne pas décevoir les gens qui ont souffert de la crise de la Covid-19.

Par ailleurs, le Pérou, deuxième producteur mondial de cuivre, devrait profiter de la hausse du prix des matières premières qu'il exporte. Or, le nouveau président péruvien entend revoir le partage des revenus miniers pour investir dans l'éducation et la santé, mais aussi pour répondre à la crise sociale. En effet, Castillo réfléchit à une refonte du système fiscal sur l'extraction minière pour augmenter les revenus de son Gouvernement. Lors de son investiture, le chef d'Etat a promis de rendre au pays sa « souveraineté » sur les ressources naturelles de son sous-sol. Les sociétés minières qui exploitent les ressources du Pérou sont régulièrement accusées par de nombreuses communautés de nuire à l'environnement et de ne pas partager une part équitable de leurs bénéfices avec la nation.

Même si, en réponse à ceux qui l'accusent de vouloir reproduire la politique étatique de Cuba et du Venezuela, Castillo affirme qu'il ne « copiera le modèle d'aucun pays », l’inquiétude et l’incertitude sont toujours d’actualité au Pérou. Des marches de protestations ont eu lieu, à Lima, sous le slogan « non au communisme », en réaction à la mise en place du nouveau gouvernement par Pedro Castillo. La monnaie péruvienne a même chuté face au dollar (sa plus forte baisse sur une journée depuis plus de sept ans) après la nomination de Guido Bellido, membre de l'aile radicale du parti Pérou Libre, à la présidence du Conseil des ministres (également appelé premier ministre). Une décision qui a semé le doute sur l'orientation de la politique économique que suivra le pays, alors que Castillo avait montré des signes de modération.

 

Pedro Castillo, nouveau président du Pérou, un novice face à d’énormes défis
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