Le peintre Salim fut sans aucun doute le plus français des peintres indonésiens. Né à Sumatra, il part à 11 ans étudier en Hollande. Il sera ensuite l’élève de Fernand Léger. Profondément attaché à son pays, empreint de justice, il reviendra plusieurs fois en Indonésie. Mais c’est à Paris qu’il meurt à l’âge de 100 ans. Hommage à ce peintre surnommé par ses compatriotes “notre homme de Paris”
Salim est né le 2 septembre 1908 dans le petit village de Deli près de Medan sur l’île de Sumatra. En 1920, un couple germano-hollandais le prend sous son aile et décide de lui offrir une éducation aux Pays-Bas. Il y termine son lycée à Arnhem en 1928 et part ensuite étudier la peinture à Paris.
Premier séjour à Paris entre 1928 et 1932, rencontre avec Fernand Léger
Arrivé à Paris pour vivre sa vie d’artiste, Salim se rend vite compte que sans argent, c’est difficile. Il trouve alors un petit travail comme portier à l’académie de la Grande Chaumière, une école d’art. Son allure élégante séduit la propriétaire et elle lui permet de suivre des cours au sein de l’académie. Puis il intègre entre 1929 et 1932 l’académie de peinture Fernand Léger, un institut qui dispense des cours gratuits de peinture et de connaissance de l’art. Ce premier séjour, cette première rencontre avec le milieu de l’art parisien seront déterminants pour son avenir.
Retour à Amsterdam où il fait la connaissance des dirigeants nationalistes indonésiens Hatta et Sjahrir. Une rencontre qui le convainc de la justesse de la cause nationaliste. Il retourne aux Indes néerlandaises en 1932, à l’âge de 23 ans, comme baby-sitter avec la famille d'un beau-frère de Sjahrir qui vient d'obtenir son doctorat en médecine à Amsterdam.
Premier séjour en Indonésie, sous le signe de l’engagement
De 1932 à 1935, il s’engage comme membre du Partai Pendidikan Nasional et travaille dans la section éducation du parti. Mohammad Hatta, père fondateur de l’Indonésie avec Soekarno, en est son dirigeant. Salim apporte également son aide à la revue Daoelat Ra'jat (souveraineté du peuple).
Pour gagner sa vie, Salim travaille à la Java Neon Company à Batavia comme chef illustrateur ; son travail consiste aussi à monter sur les toits pour installer les enseignes lumineuses qu’il dessine.
L’atmosphère d’oppression qui règne à cette époque à Batavia, ainsi que l'arrestation de Hatta et Sjahrir et leur internement à Boven-Digoel en Nouvelle-Guinée (actuelle province de Papouasie) par les autorités coloniales hollandaises le poussent à quitter le pays. “Je préfère mourir de faim dans le centre artistique mondial que de vivre dans l’abondance dans un pays colonisé, sentiment de dépression” dira-t-il plus tard.
Retour en Europe, première exposition
En 1934, il arrive à Marseille sans argent. Il revient à Paris en 1936 pour mener la vie de peintre, allant souvent à l'académie de la Grande Chaumière. En décembre de la même année, il se marie avec Hanna Deppe. Il retourne aux Pays-Bas en 1939 et participe à une exposition collective à Amsterdam. On commence à acheter ses peintures.
De 1940 à 1945, en Hollande, Salim participe à un groupe de résistants contre l'occupant nazi en aidant à cacher des juifs. Il dessine des illustrations pour des livres et remet l'argent de son travail à la résistance. Il utilise comme nom d’emprunt Michael Gurney et André Duparc pour ses illustrations des livres de Lautréamont, Verlaine, Rimbaud, Paul Valery, Appolinaire…Ses illustrations peuvent aujourd’hui être vues à la bibliothèque nationale de Paris.
L'Indonésie proclame son indépendance en 1945. L'année suivante, Salim divorce de Hanna et revient à Paris, furieux de la politique des Pays-Bas qui cherchent à récupérer leur colonie. Il habite quelques temps une chambre de bonne, rue de Copenhague. Afin d’éviter un autre hiver à Paris, il se rend dans le sud de la France à Sète, où il prend en charge la gestion d’une auberge de jeunesse.
Le soleil de la région et les couleurs, les villages de pêcheurs, le charme des femmes, les jardins vont l’inspirer. On retrouve dans ses peintures l’influence cubiste de Fernand Léger mais aussi celle de l’Indonésie dans le choix des couleurs et on peut y voir l'inspiration dans certaines toiles ou dessins l’influence du motif des batiks. Ses pastels, gouaches, huiles sont toutes des compositions où les touches de couleurs nécessitent tout un travail de préparation.
En 1948, Salim tient sa première exposition à Sète. D'autres expositions auront lieu ensuite à Amsterdam, Paris, Jakarta, Tokyo, Genève. Il obtient des médailles dans différents festivals en France.
Enfin, une reconnaissance des siens
Salim a souffert de ne pas être reconnu par ses compatriotes comme un des leurs, trop européen pour certains. Néanmoins une première exposition de ses œuvres se tient à Jakarta en 1951, organisée par l’association hollandaise-indonésienne de la culture. Pour le public indonésien, c’est la découverte de cet artiste. Malheureusement, Salim n’obtiendra pas la permission de venir en Indonésie.
En 1950, le célèbre peintre indonésien Affandi lui rend visite à Paris, il dira de son travail :
« Ce que je vais te dire, c’est ma première expérience durant ma visite à Paris en 1950. C’était la première fois que je venais à Paris. J’ai voulu immédiatement rendre visite au peintre Salim qui n’était jamais revenu en Indonésie. Quand je t’ai rencontré, j’ai été agréablement surpris. Pourquoi ? Je m’attendais à découvrir un peintre très européanisé, mais non. Tu as su rester Indonésien. Dans tes lignes, je vois l’influence du batik, que tu transformes dans ton style personnel. Ton style est très linéaire » lettre publiée dans le livre Salim Yazir Marzuki- Pelukis Painter.
Salim ne reviendra en Indonésie qu’en 1956, 22 ans après l’avoir quittée grâce à l’aide d’un admirateur Sutan Sjahsam. Son voyage à travers Java et Bali est pour lui une découverte et une expérience inoubliable. La région de Tegal sur la côte ouest de Java tout particulièrement lui rappelle Sète avec ses villages de pêcheurs et sa vie simple.
Durant ce séjour, Salim sera invité à la Faculté d’Art de Bandung et interviendra dans de nombreux colloques.
Il reviendra en 1971 en Indonésie grâce à l’invitation de la poétesse Toeti Heraty. Il rencontre de nombreux artistes dont Srihadi, Zaini, Mochtar Apin et de nombreux jeunes artistes. Son art est enfin reconnu ; il n’est plus question d’est ou ouest.
En 1974, une exposition de ses œuvres se tient à Jakarta à Taman Ismail Marsuki, haut lieu de l’art à cette époque, sous les auspices de l’Ambassade de France en Indonésie. Son œuvre sera en constante évolution.
Il reviendra en 1990 pour une exposition à Jakarta et Bandung. Ses œuvres seront exposées également en 2001 à Bali et en 2002 à Osaka au Japon.
En 1957, Il rencontre Hélène de Boer et le couple réside jusqu'à la mort de Salim, le 13 octobre 2008, dans un très petit appartement à Neuilly-sur-Seine. Le peintre aura vécu un siècle, avec la satisfaction d’avoir son travail reconnu par ses pairs, il restera pour les Indonésiens « notre homme de Paris ».
Vous pouvez voir des œuvres de Salim en Indonésie :
A Jakarta
Cemara 6 Galeri – Jalan HOS Cokroaminito No 9- Menteng- Jakarta centre
Galeri Nasional Jakarta - Jl. Medan Merdeka Timur No. 14- Jakarta centre
Duta Fine Art Foundation – Jalan Kemang Utara N 55 – Jakarta sud
A Bali
Museum Pasifika Bali. Complex Bali Tourism Developement – Area Block P – Nusa
Restez connectés avec Lepetitournal.com de Jakarta : recevez notre newsletter quotidienne et suivez-nous sur Facebook et Instagram.