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Francois Beauducel et l'étude des volcans, c'est toute une vie

François Beauducel volcan Merapi Indonesie geophysiqueFrançois Beauducel volcan Merapi Indonesie geophysique
Écrit par Valérie Pivon
Publié le 24 mars 2019, mis à jour le 25 mars 2019

Avec 127 volcans actifs en Indonésie, il y a toujours simultanément au moins une dizaine de volcans en éruption, ce qui en fait un lieu privilégié pour les volcanologues. Nous avons rencontré François Beauducel, géophysicien qui étudie plusieurs volcans dont le Merapi

 

 

Comment devient-on chercheur en géophysique?

 

J’ai une formation d’ingénieur des Arts et Métiers spécialité électronique, ainsi qu’un un DEA et un doctorat en géophysique interne (physique de la Terre solide). Ce n’est pas le cursus classique qui est habituellement purement universitaire, mais cette double compétence me permet encore aujourd’hui d’aborder avec la même aisance des problèmes très techniques et des aspects scientifiques théoriques, depuis les mesures instrumentales sur le terrain jusqu’à la modélisation des processus physiques en laboratoire. J’ai complété cette formation de base par plusieurs expériences professionnelles à l’étranger et à l’outre-mer.

 

Quelle fut votre première rencontre avec un volcan ?

 

C’est en Indonésie que j’ai vu pour la première fois des éruptions de près. Entre 1992 et 1994 lors de mon Service National de coopération au sein du Volcanological Survey of Indonesia, j’étais en charge de l’installation et la maintenance d’une vingtaine de stations de mesure sur le Krakatau, le Merapi, le Semeru, ... dans le cadre de la coopération franco-indonésienne en volcanologie. Cette expérience a sans doute été la plus initiatique dans ma carrière, puisqu’elle m’a appris les enjeux de la prévention du risque volcanique et les difficultés de la surveillance, dans le pays qui a le plus de volcans au monde !

 

Ma thèse de doctorat a porté sur le volcan Merapi. J’ai installé le premier réseau GPS sur ce volcan et formé les Indonésiens à son utilisation pour la surveillance. Je me rendais dans ce merveilleux pays environ une fois par an.

 

Sur quels autres volcans vos études ont-elles porté ?

 

J’ai travaillé sur le Vésuve, puis je suis entré en 1999 au prestigieux Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP). J’ai ensuite été affecté aux Antilles pour diriger l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe, de 2001 à 2007. Cette petite structure doit assurer la surveillance 24/24 du volcan La Soufrière et de l’activité tectonique régionale (séismes et tsunamis) la plus élevée du territoire français. Au cours de ce long séjour, j’ai pu développer des outils innovants de surveillance opérationnelle et ai dû faire face à une crise sismique exceptionnelle qui est survenue en 2004 avec un séisme de magnitude 6,3 suivi de plus de 30.000 répliques. 

 

Vous êtes de retour en Indonésie depuis 2013, quel est votre rôle et qu’apporte votre présence sur la surveillance du volcan Merapi ?

 

C’est à partir de 2013, grâce à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), que j’ai pu de nouveau conduire un programme de recherches en Indonésie, d’abord par des missions de quelques mois, puis par mon expatriation actuelle depuis maintenant trois ans.

 

L’un des objectifs de l’IRD est de permettre aux partenaires des « pays du Sud » d’améliorer leurs capacités de développement en établissant un partenariat scientifique équitable et durable; dans mon cas il s’agit donc des Sciences de la Terre et de l’Indonésie, le plus grand archipel volcanique au monde. Il faut savoir que la France est la seule nation qui envoie des scientifiques volcanologues en expatriation pour plusieurs années, alors que les autres pays comme les États-Unis, le Japon ou même nos voisins européens se limitent à de brèves missions ponctuelles. Nous avons donc une façon très différente de travailler et une vision de la coopération internationale construite avant tout sur les relations humaines. De ce fait, nous avons toujours eu, avec nos partenaires indonésiens, une relation particulière et presque affective, et cela dure depuis près d’un demi-siècle maintenant.

 

Ma mission particulière s’articule autour de l’amélioration des outils de surveillance et de prédiction des éruptions volcaniques. Le Merapi est l’un des volcans les plus actifs et les plus dangereux du monde, ce qui explique le choix de mon lieu d’affectation. Je profite ici de tous les développements effectués sur les volcans français pour les appliquer et les améliorer sur les volcans indonésiens pour lesquels le risque est beaucoup plus élevé. Mon approche scientifique est exclusivement déterministe : à partir de capteurs très sensibles installés sur les flancs des volcans, je traite des flux de données en temps réel pour obtenir des paramètres quantitatifs pouvant être utilisés pour la surveillance, comme par exemple l’emplacement et la profondeur du magma et son volume potentiel. Ces informations même entachées d’incertitude importante, sont essentielles pour aider aux prédictions des éruptions.

 

Cependant mon rôle s’arrête à fournir des informations et interprétations scientifiques à nos partenaires indonésiens et je ne participe pas à la gestion de crise proprement dite (niveaux d’alerte, organisations d’évacuation préventive, intervention dans les médias), si ce n’est qu’en observateur.

 

Quel est l’intérêt d’une telle mission pour l’IRD ? 

 

L’un des objectifs avoués de la coopération franco-indonésienne est le retour d’expérience pour l’amélioration de la surveillance de nos volcans français, en particulier la Montagne Pelée en Martinique et la Soufrière en Guadeloupe, qui sont deux volcans de type explosif ayant de fortes similarités avec les volcans indonésiens. Déjà Haroun Tazieff, dans les années 70, avait identifié le

Merapi comme « volcan jumeau de la Soufrière », et y avait installé les premiers instruments de mesure car il était convaincu qu’avec un volcan très actif du même type on apprendrait tout simplement plus vite. Il a ainsi joué un rôle important dans les prémices de la coopération.

 

Grâce aux nouvelles technologies et à la magie d’internet, je continue à travailler en parallèle sur les volcans français dont l’IPGP a la charge, et les nouveaux outils développés à Yogyakarta peuvent être quasiment utilisés le même jour par mes collègues de la Réunion ou de la Guadeloupe, aux antipodes de la Terre !

 

Pour nos partenaires indonésiens, je leur apporte mon expertise au quotidien, assure des formations techniques, encadre des étudiants et donne des séminaires scientifiques. En tant que chercheur je contribue également à construire et mener des recherches fondamentales permettant des publications communes.

 

Quelle est la situation du Merapi aujourd’hui ?

Le Merapi a connu une éruption majeure en 2010, de type centennale, provoquant près de 350 morts et des centaines de milliers de personnes évacuées. Depuis on a pu observer la « recharge » du système volcanique pendant près de 8 années au cours desquelles les signaux géophysiques et géochimiques étaient très faibles et difficiles à capter, sauf pendant quelques épisodes explosifs mineurs. C’est en août 2018 que le magma a de nouveau fait son apparition en surface, sous la forme d’un petit dôme de lave au beau milieu du gigantesque cratère formé en 2010 au sommet.

Depuis ce dôme ne cesse de croître, à une vitesse de 4000 m³ par jour en moyenne. Fin décembre 2018 il avait atteint un volume critique ce qui fait que des blocs ont commencé à s’en détacher vers le Sud, provoquant des avalanches de lave chaude et de petites « nuées ardentes ». Celles-ci ne sont pas encore assez importantes pour présenter un danger pour la population.

 

En ce 18 mars 2019, le niveau d’alerte est maintenu à 2 (sur une échelle de 4), et une zone de 3 km de rayon autour du sommet a été définie interdite d’accès à toute activité humaine, ce qui exclut l’ascension habituellement très touristique de ce volcan. Nous, les scientifiques, sommes évidemment autorisés à y accéder pour maintenir les instruments de surveillance, mais avec des précautions spéciales et des règles de sécurité accrues pour minimiser les risques.

 

Et que dire des autres volcans d’Indonésie ?

 

Le Merapi est sans nul doute le volcan le mieux équipé et de ce fait le mieux surveillé d’Indonésie qui en compte 127 actifs. Les 126 volcans restants ne sont pas tous équipés; seuls 66 d’entre eux sont dotés d’un poste d’observation muni au minimum d’un sismomètre et de plusieurs opérateurs techniques se relayant 24/24 et qui peuvent demander du renfort du centre de Bandung ou de Yogyakarta en cas de regain d’activité.

Actuellement les volcans faisant l’objet de surveillance renforcée sont principalement le Sinabung et le Marapi à Sumatra, l’Agung à Bali, le Rinjani à Lombok, le Krakatau (détroit de la Sonde), le Soputan aux Célèbes, le Gamalama à Ternate, l’Ibu et le Dukono à Halmahera.

 

 

Lepetitjournal.com de Jakarta félicite Francois Beauducel qui reçoit aujourd’hui des mains de l’ambassadeur de France à Jakarta, les palmes académiques au grade de chevalier.

 

Crédit photo : Boris Behncke

Valerie Pivon
Publié le 24 mars 2019, mis à jour le 25 mars 2019

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