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DIPLOMATIE EUROPÉENNE - "Nous sommes optimistes, l'Europe et l'Indonésie sont complémentaires économiquement"

VincentGuerend/ambassadeur EU/IndonesieVincentGuerend/ambassadeur EU/Indonesie
Écrit par Lepetitjournal Jakarta
Publié le 10 octobre 2016, mis à jour le 10 mai 2018

Vincent Guérend est à la tête de la Délégation de l'Union Européenne en Indonésie, ce qui fait de lui l'Ambassadeur de l'Europe. Comment son travail diplomatique s'intègre-t-il avec les ambassades nationales, quels sont les grands dossiers euro-indonésiens ? L'Ambassadeur, arrivé en poste il y a un an à Jakarta, a accepté de répondre en détail aux questions du petitjournal.com/jakarta. Lumière sur les relations diplomatiques européennes en Indonésie. 

Lepetitjournal.com/Jakarta : A quoi sert une représentation diplomatique européenne par rapport aux ambassades nationales ? 

Vincent Guérend : La Délégation de l'Union européenne met en oeuvre la politique extérieure de l'Union européenne dans tous les domaines : politique, économique et commercial, développement. Elle joue aussi un rôle de coordination des positions européennes sur tous ces sujets. Concrètement, ce rôle de porte-parole se traduit par des réunions de coordination mensuelles avec tous mes collègues, ambassadeurs des pays membres présents en Indonésie. Et nous avons la chance ici d'avoir 21 Etats membres de l'UE ayant un ambassadeur sur place sur 28 pays. Cela fait un beau tour de table et nous donne du poids lorsque je m'adresse au gouvernement indonésien au nom de tous. C'est le Traité européen de Lisbonne en 2009 qui a transféré un certain nombre de compétences et de champs diplomatiques du niveau national au niveau européen. 

Vous parlez de 21 représentations européennes, cela inclut-il encore le Royaume-Uni ? 

Oui, le Royaume-Uni fait toujours partie de l'Union Européenne : le Brexit n'est pas encore effectif, puisque leur demande officielle de sortie de l'Union Européenne interviendra en mars 2017 et on prévoit ensuite deux ans de négociations pour finaliser la sortie du Royaume-Uni. Par conséquent, nous négocions toujours avec et pour le Royaume-Uni. Le marché européen, c'est toujours 500 millions de personnes et nous passerons à 440 millions après la sortie du Royaume-Uni, ce qui fera toujours de l'UE l'un des premiers marchés au monde ! Cela suscite néanmoins beaucoup d'interrogations de la part de nos interlocuteurs. 

 

Quels sont les sujets dont vous êtes le porte-parole au nom des ambassades nationales en Indonésie ?

Parmi les sujets stratégiques, je suis le porte-parole de la voix européenne en particulier sur la question de la peine de mort, les positions en mer de Chine méridionale et les accords commerciaux. Les représentations nationales conservent leur autonomie sur le développement commercial de leurs entreprises, la défense et l'armement, le culturel.
Cela étant dit, même sur le domaine culturel nous avons parfois intérêt à jouer collectif : le Salon "Destination Europe" organisé à Jakarta en avril a accueilli 14 000 visiteurs indonésiens intéressés par l'Europe en tant que destination touristique et culturelle. Début novembre, nous organisons un salon étudiant, la "European High Education Fair" qui réunira 140 établissements d'enseignement supérieur européens. L'an dernier, cette manifestation avait attiré 18.000 personnes. On peut encore citer le Festival du cinéma européen qui se tient chaque année en mai, en marge de la journée de l'Europe le 9 mai et qui a accueilli 22.000 spectateurs dans 6 villes du pays en 2016.

Votre Délégation est maître d'œuvre des négociations commerciales, où en sommes-nous sur la liberté de circulation des biens commerciaux entre l'Indonésie et l'Europe ? 

Nous avançons bien sur ce sujet et les négociations sont enclenchées : en juillet 2016, l'Indonésie et l'Europe ont officiellement annoncé le début des négociations pour un accord de coopération économique. L'Indonésie souhaite conclure les négociations d'ici deux ans, là où le Vietnam a mis trois ans. Ensuite interviendra la phase de ratification du traité, ce qui prendre 18 mois environ. 

Nous sommes optimistes car l'Indonésie et l'Europe sont complémentaires économiquement : le marché européen constitue déjà le deuxième débouché pour les exportations indonésiennes, juste après les Etats-Unis. Mais les produits indonésiens sont aujourd'hui en forte concurrence avec les produits vietnamiens et philippins, dont les pays ont tous deux déjà signé - ou sont aussi en négociation en vue d'un accord - avec l'Europe. Côté investissements européens en Indonésie, alors que l'Indonésie représente 35% du PIB de l'ASEAN, elle ne reçoit que 10% des investissements européens dans la zone, ce qui est loin de refléter son poids réel.  Il y a donc une forte marge de progression alors même que les entreprises européennes emploient déjà plus d'un million de personnes en Indonésie.

Les lois, régulations, règlements tant côté européen qu'indonésien sont un frein aux relations commerciales, attendez-vous la finalisation de l'accord de coopération économique ou y-a-t-il des actions déjà menées pour faciliter les choses ?  

Bien entendu, la diplomatie économique n'attend pas et lorsque nous avons des opportunités d'actions et de facilitations nous les saisissons. A chaque occasion, nous soulevons ces sujets et encourageons les réformes économiques en Indonésie pour faciliter l'investissement étranger, comme par exemple la levée des contrôles indonésiens sur des produits répondant déjà aux normes et standards internationaux. 

Parallèlement à cela, nous sommes fiers de la mise en place à partir du 15 novembre prochain de l'accord commercial sur le bois indonésien ("FLEGT-VPA") : l'Indonésie fournit à elle-seule un tiers de la valeur des importations de bois tropicaux arrivant en Europe, l'une des  plus importante consommatrice de bois et produits dérivés au monde. Cet accord qui entre en vigueur comporte un volet de certification de la filière bois indonésienne indispensable pour l'accès au marché européen. Jusqu'à maintenant chaque importateur devait par lui-même s'assurer de cette certification. Ce n'est plus le cas et cela va donc rendre le bois indonésien encore plus compétitif sur le marché européen et lui ouvrir de nouvelles voies commerciales. 

L'Union Européenne a annoncé la semaine dernière qu'elle ratifiait l'Accord de Paris sur la réduction du changement climatique, la COP21. Où en est l'Indonésie sur ce sujet ? 

L'Indonésie a annoncé qu'elle ratifierait l'accord de Paris avant la COP22, qui aura lieu à Marrakech en novembre. Nous le souhaitons vivement d'autant que l'Indonésie est un « acteur de poids » dans ce domaine : elle est le 4ème ou 5ème pays émetteur de gaz à effet de serre. Par conséquent, si l'Indonésie ratifie l'accord et s'engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, cela aura un impact non négligeable sur le climat mondial. 

Enfin, comment l'Europe se positionne-t-elle par rapport à l'Indonésie sur la question du radicalisme violent ? 

C'est un sujet sur lequel nous portons une attention toute particulière bien entendu. Nous saluons et soutenons les efforts du gouvernement indonésien pour maintenir un islam modéré et tolérant comme c'est sa tradition, nous dialoguons constamment avec les deux grandes organisations du culte musulman en Indonésie. Et nous observons avec intérêt le modèle de coexistence des communautés religieuses en Indonésie et la façon dont nous pourrions promouvoir ce modèle en Europe. 

Crédit Photos : M. Dassonville, C. Feder, P. Grenouilleau, V. Ouvrard

Amélie Heim (www.lepetitjournal.com/jakarta) mardi 11 octobre 2016

 

 

 

 

 

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Publié le 10 octobre 2016, mis à jour le 10 mai 2018