Comme en 2014, Joko Widodo et Prabowo Subianto s’affrontent dans une semaine pour présider l’archipel indonésien. Analyses et sondages laissent supposer une issue du scrutin similaire à celle d’il y a cinq ans.
Le feu d’artifice électoral indonésien est programmé pour ce 17 avril. Des bulletins jaunes, des verts ou encore des rouges seront alors mis à disposition d’environ 192 millions d’électeurs, à travers quelque 800.000 bureaux de vote. Chaque couleur représente un des cinq scrutins différents, de l’échelon local jusqu’au plan national, qui se tiendront au même moment mercredi prochain. En tout, ce sont ainsi près de 300.000 candidats qui briguent l’un des 20.000 sièges en jeu au sein des 34 provinces de l’archipel.
Parmi tous les aspirants à des postes de députés et autres représentants du peuple, deux hommes sont plus particulièrement au cœur de ce vaste spectacle de pyrotechnie démocratique : Joko Widodo et Prabowo Subianto. Le gagnant de ce duel, disputé à l’aide de bulletins gris, sera le prochain président de la République indonésienne. En 2014, la même affiche électorale avait conduit à la victoire de ‘Jokowi’ avec 53% des suffrages.
Les candidats
Joko Widodo porte pour cette nouvelle élection le numéro 1. L’ancien maire de Solo et éphémère gouverneur de Jakarta parait le mieux placé pour se succéder à lui-même tant sa popularité demeure importante. ‘Jokowi’ n’est pas issu du sérail politique traditionnel et jouit d’une image de président proche du peuple, relativement soucieux par exemple de développer l’accès à la sante et à l’éducation des populations les plus pauvres. Même si une partie de son électorat lui reproche de ne pas être à la hauteur sur la question des droits de l’homme.
Les attaques les plus brutales de ses adversaires l’accusent par ailleurs de vendre l’archipel à la Chine, notamment à travers sa politique de développement des infrastructures. Les radicaux religieux, eux, lui ont toujours reproché de ne pas mettre suffisamment l’islam en avant à leur gout et se sont donc massivement tournés vers l’alternative unique que représente son adversaire.
Celui-ci, Prabowo Subianto, le numéro 2, en est à sa troisième campagne présidentielle. Cet ancien général a bénéficié d’une carrière éclair au sein de l’armée, en particulier grâce à son mariage à l’époque avec l’une des filles du dirigeant Suharto. En 2009, le militaire au CV controversé est candidat à la vice-présidence sur le ticket de Megawati Sukarnoputri, qui sera sèchement battue par le président sortant Susilo Bambang Yudhoyono, dit SBY. Après sa défaite de 2014, Prabowo Subianto va donc à nouveau tenter d’ici quelques jours de prendre la tête d’un pays, dont il deviendrait en cas de succès le 8e président.
Joué d’avance ?
Ce second match électoral est souvent présenté comme déjà joué, en raison de l’apparente avance irrattrapable du président sortant, et cela avant même le coup d’envoi de la campagne. De fait, sur quatre sondages différents publiés fin mars, Jokowi est toujours crédité de 13 à 20 points de plus que son adversaire.
L’attention s’est donc souvent portée sur leurs colistiers, les candidats à la vice-présidence. Aux côtés de ‘Prabowo’, Sandiaga Uno - l’homme d’affaires au physique de gendre idéal dont les ibu-ibu raffolent - est généralement considéré comme en période de chauffe pour 2024. Après avoir déjà fait campagne à Jakarta, en soutien d’Anies Baswedan, ‘Sandi’ continuerait à prendre la lumière politique, en attendant l’heure prochaine du lancement de sa propre fusée.
Le rôle de Ma’ruf Amin, conservateur religieux de 76 ans, en appui de Jokowi, est lui perçu comme celui d’un bouclier pour ‘Jokowi’ face aux attaques religieuses de ses adversaires, attaques qui avaient été très nombreuses lors de la campagne précédente. Si ce choix a crispé la frange la plus progressiste de l’électorat du président sortant, il semble pourtant efficace et payant d’un point de vue électoral.
L’humilité face à la poigne
À la sortie de la bouche de métro Bundaran HI, fraichement inaugurée, Fiona Dila est une employée de banque de 30 ans aux anges. Elle qui habite non loin du terminus de Lebak Bulus n’a plus besoin de prendre sa voiture et peut ainsi économiser environ deux heures de transport par jour.
« Je ne suis pas le genre d’électrice qui change d’avis. Je me suis forgée cet avis il y a cinq ans et il est resté le même. Je sais pour qui je vais voter et ce sera pour l’actuel président ‘Jokowi’. Il n’est pas du genre à faire des promesses en l’air et en plus il est extrêmement humble. C’est le plus important pour moi cette humilité. »
De son côté Trissa Sintya sirote un jus de fruit dans un café chic. C’est pour ‘Prabowo’ qu’elle a l’intention de glisser son bulletin dans l’urne. « Dans ma famille, on pense que ce serait bien de changer de président. ‘Prabowo’ est un ancien militaire, il a de la poigne, c’est de cela à mon avis dont notre pays a besoin. Il faudrait lui laisser sa chance », confie cette jeune femme menue, qui ne cache pas que « [s]a famille », comme elle dit, éprouve une certaine nostalgie de la période de Suharto et de son ‘Ordre nouveau’.
Vacances et abstention
« N’hésitez pas à prendre des congés, mais allez voter d’abord » a récemment recommandé Joko Widodo. Le risque de l’abstention parait en effet l’un des derniers obstacles sur la route de son second mandat. Le 17 avril, férié, marquant le début d’un week-end de cinq jours, qui englobe le Vendredi saint. Le président sortant aimerait autant éviter que les vacances de ses électeurs ne viennent mettre à mal ce qu’il espère être le bouquet final de ce scrutin.
Autre risque qui pourrait transformer le spectacle démocratique en pétard mouillé, que Prabowo Subianto, comme en 2014, ne reconnaisse pas sa probable défaite et encourage - comme il l’a déjà suggéré en meeting au stade Gelora Bung Karno le week-end dernier - ses supporters à manifester.