

Cette semaine, nous avons testé pour vous un aller-retour Asie-Europe via le tunnel ferroviaire sous le Bosphore, Marmaray, inauguré le 29 octobre. Partis d’Üsküdar, nous sommes allés jusqu’à son terminus sur la rive européenne, Kazlıçeşme, avant de revenir sur nos pas. Récit de ce voyage express...
Nous pourrions vous dire qu’il s’agissait d’un voyage comme les autres, que prendre le Marmaray pour relier la rive asiatique et la rive européenne ressemble à un trajet Taksim-Levent en métro. Mais ce serait mentir. Ces jours-ci, personne ne prend le Marmaray comme il prend un métro classique, non seulement parce que ce métro-ci traverse le Bosphore, mais aussi parce que monter dans le Marmaray, c’est un peu comme aller voir un monument ou entrer dans une attraction. Une attraction de 18 minutes, d'un terminus à l'autre.

Hier en début d'après-midi, les passagers du Marmaray étaient surtout des familles avec enfants, des couples d’un âge avancé et quelques petits groupes de jeunes. Imitant beaucoup d'entre eux, nous avons emprunté le Marmaray pour aller… nulle part. Ou plutôt : pour un aller-retour, comme 70% des voyageurs de ces premiers jours, selon les calculs de la Société des chemins de fer. Nous avons choisi l’une des trois entrées de la station Üsküdar, dont l’un des escalators ne fonctionnait pas. Une fois au cœur de la station, nous sommes entrés sans payer, profitant de la gratuité des deux premières semaines. A chaque escalator, des employés en gilet jaune étaient présents pour assurer la sécurité, canaliser la foule, renseigner les passagers – “l'Europe c'est à droite, l'Asie à gauche !” – et pour aider quelques personnes âgées qui, n’étant pas coutumières des escalators, étaient un peu effrayées.
Les passagers, à la fois curieux et admiratifs, se sont pris en photos devant la station, à l’intérieur de la station, devant les grandes fresques murales aux arbres colorés, à l’arrivée du métro, dans le métro, dehors, partout. Certains ont même pris des vidéos du trajet, filmant les lumières extérieures du tunnel défilant à toute allure. Beaucoup découvraient Marmaray pour la première fois. L'excitation à l’approche du wagon était palpable. “Il arrive, il arrive !’’ s’exclame un passager sur le bord du quai, tandis qu'une annonce sonore répète en boucle : “pour votre sécurité, veuillez ne pas dépasser la ligne jaune’’ ; “pour votre sécurité, veuillez tenir la rampe des escalators”, "merci d'accorder la priorité aux voyageurs qui descendent" ou “merci de ne pas empêcher la fermeture des portes”.
Le métro était au centre de toutes les attentions, de toutes les discussions. “Ça y est, on est sous le Bosphore ?’’ demande une femme, impatiente, à son mari. Le moment que tous attendaient est enfin arrivé : quatre minutes à 62 mètres sous la surface du Bosphore pendant lesquelles – bon à savoir – votre téléphone portable capte, et même très bien. Plus précisément, vous pouvez appeler vos amis pour dire que vous êtes sous le Bosphore – beaucoup le font – mais eux ne pourront pas vous joindre. “Tu réalises, on est sous l'eau en ce moment !“ répète un homme à son voisin. Une dizaine de minutes et 13,6 kilomètres plus tard, nous avions relié l’Europe et l’Asie sans même nous en rendre compte.
Premier arrêt sur la rive européenne : Yenikapı (en attendant que la station Sirkeci s'ouvre). Alors que le métro était jusqu’à présent bondé, il s’est soudainement vidé. Et si quelques personnes sont réellement sorties de la station, une large partie a simplement traversé l’allée pour rejoindre le quai d'en face, direction l’Asie à nouveau. “Je suis juste venue tester le tunnel”, confie Nejat, femme au foyer d'une cinquantaine d'années, accompagnée de sa fille et d'une voisine. Quant à nous, nous avons continué notre trajet jusqu’à Kazlıçeşme où le métro est enfin sorti de terre. Kazlıçeşme terminus tout le monde descend ? Et bien non ! Personne ou presque n’est descendu et nous sommes tous repartis pour Üsküdar. “Mon seul regret, c'est qu'on ne voit pas les poissons !” s'exclame Nejat, ravie de son voyage.
Embarquez pour un voyage dans le Marmaray en images :
Laura Lavenne (http://lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 7 novembre 2013











































