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TÉMOIGNAGES – “Je suis turc et j’ai fait mon Erasmus en France”

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 20 avril 2016, mis à jour le 8 février 2018

Si la Turquie ne manque pas de faire rêver les étudiants français, les Turcs eux aussi se tournent de plus en plus vers la France. Le programme Erasmus + d’échange universitaire européen est l’occasion de satisfaire les envies de ces jeunes francophiles. Lepetitjournal.com d’Istanbul a recueilli les récits d’étudiants turcs ayant séjourné en France, ainsi que les espoirs et les inquiétudes de ceux qui préparent leur départ pour l’hexagone. 

Fazıl et Burak sont étudiants à l’université Galatasaray, université francophone d’Istanbul. Au cours de l’année scolaire 2014-2015, ils ont poursuivi leurs études de lettres modernes à l’université Jean Moulin Lyon 3. Fazıl y a réalisé l’intégralité de sa troisième année de licence, quand Burak n’y a passé que le semestre d’automne. 

Fazıl (à gauche sur la photo), étudiant en lettres modernes à l’université Lyon 3

Pourquoi avez-vous choisi de réaliser votre Erasmus en France ? 

J’ai voulu partir en France pour deux raisons. D’abord, j’étudie la littérature française, et je n’avais jusqu’alors jamais eu l’occasion de partir en France. Il me semblait donc logique d’y réaliser mon année Erasmus, d’autant plus que, dans mes études, une bonne maîtrise de la langue française s’impose. Il se trouve aussi que j’ai une très bonne amie turque, qui vit à Lyon et étudie à l’Ecole Normale Supérieure !

Qu’est-ce qui vous a le plus manqué en Turquie ? Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de votre arrivée en France ?

La première difficulté, c’était la langue. Même si je pouvais comprendre et parler le français, je ne partageais pas les codes linguistiques du pays. Pour donner un exemple, en Turquie quand on a une idée, on l’exprime simplement. On fait des phrases courtes et précises, alors qu’en France, on tourne autour du pot. Je perdais la facilité de communiquer dans ma langue maternelle, de faire des jeux de mots, des blagues linguistiques... Parfois, la barrière de la langue m’empêchait d’être vraiment moi-même. Et puis bien sûr, la cuisine turque m’a manqué !

Par contre, au niveau des démarches administratives, je n’ai pas rencontré de difficultés. Pour le visa j’ai eu à remplir beaucoup de papiers mais les gens des bureaux d’immigration étaient gentils. Au niveau du logement non plus, j’ai assez facilement trouvé une colocation avec un Français.

Qu’avez-vous préféré en France ?

Ce qui est agréable en France, c’est les conditions de vie, qui sont plus élevées qu’ici. Les gens font plus de sport, les produits Bio sont nombreux… En Turquie, tout cela reste marginal.

Que vous a apporté cette année ? Conseilleriez-vous la France comme destination Erasmus ?

Mon année en France a avant tout été un voyage spirituel, où j’ai appris à me connaître me moi-même. J’ai aussi pu réfléchir à mes projets professionnels. A l’université, j’ai suivi des cours intéressants, qui m’ont dirigé davantage vers la sémiologie, l’histoire et la rhétorique. Aujourd’hui, je voudrais bien devenir diplomate ou faire du cinéma. La France est une super destination pour une année Erasmus.

 

Burak, étudiant en lettres modernes à l’université Jean Moulin Lyon 3

Pourquoi avez-vous choisi de réaliser votre Erasmus en France ? 

Comme Fazıl, j’étudie les lettres modernes à l’université Galatasaray et je n’avais jamais vu la France alors j’ai décidé de partir à Lyon pour un semestre. J’ai fait de réels progrès en français !

Qu’est-ce qui vous a le manqué en Turquie ? Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de votre arrivée en France ?

Le sucuk ! (rires)  Plus sérieusement, c’était dur de s’habituer à la ponctualité française. En Turquie, on est flexible sur les horaires. Je me souviens surtout d’un jour où j’ai raté un examen à cause de seulement deux minutes de retard… Je suis arrivé devant la salle, on ne m’a pas laissé rentrer, et j’ai dû le repasser au rattrapage. Au niveau du logement aussi j’ai eu des difficultés. Je m’y suis pris trop tard pour avoir une chambre étudiante sur le campus. Du coup, j’habitais dans une résidence étudiante privée, où le loyer était élevé. C’est dommage, parce qu’à cause de cela, je n’ai pas pu voyager… Par contre, pour le visa, je n’ai pas eu de soucis. Les étudiants de Galatasaray sont bien pris en charge.

Qu’avez-vous préféré en France ?

En France, on a accès à une vie plus active qu’en Turquie. Par exemple, sur le campus de l’université, on proposait beaucoup d’activités sportives différentes, même le tir à l’arme ! Ici, je peux seulement faire de la boxe avec la fac, et encore, ce n’est même pas sur le campus. J’ai beaucoup aimé le vélo aussi ! A Lyon, on peut se déplacer partout en vélo grâce au Vélo’v. Au niveau des soirées, j’ai trouvé l’ambiance plus conviviale. On fait souvent des soirées chez les amis, ce qui est moins courant ici.

Que vous a apporté cette année ? Conseilleriez-vous la France comme destination Erasmus ?

Pendant mon semestre en Erasmus, je me suis rendu compte à quel point j’aimais voyager ! J’ai aussi remarqué que ce ne serait pas un problème pour moi de vivre en Europe, puisque mon mode de vie est déjà occidentalisé. L’ennui, c’est qu’au niveau financier, il est dur d’étudier en France. Mais je conseille évidement la France comme destination Erasmus. D’ailleurs, il vaut mieux y passer un an, plutôt que cinq mois, comme cela a été le cas pour moi.

 

Si Fazıl et Burak sont revenus enthousiastes de leurs séjours français, c’est dans un mélange d’appréhension et d’excitation que Gül, étudiante à l’université Boğaziçi, prépare son départ pour Sciences Po Paris.

Gül, étudiante de 21 ans en Sciences Politiques, à l’université américaine Boğaziçi

Pourquoi avez-vous choisi la France pour réaliser votre échange universitaire ?

Au départ, j’étais davantage attirée par l’Angleterre, mais les échos qui me sont parvenus sur Sciences Po Paris m’ont fait changer d’avis. Comme c’est une école très prestigieuse, ce sera un avantage pour mon parcours d’y réaliser un semestre. En plus, je suis allée à Paris en vacances l’an dernier, et la ville m’a beaucoup plu.

Qu’attendez-vous de cette expérience en France?

J’attends beaucoup de l'enseignement de Sciences Po, car je ne suis pas totalement satisfaite de celui de Boğaziçi. Même si c’est une très bonne université, l’enseignement de la science politique y est trop théorique. Il prépare plutôt à la recherche universitaire. A Sciences Po, j’espère recevoir un enseignement plus concret, tourné vers les réalités des métiers de la politique, puisque que j’aimerais peut-être devenir diplomate. En parlant avec un ami qui est allé à Sciences Po, j’ai aussi appris qu’il y avait beaucoup de conférences et de cours dédiés au Moyen-Orient. Je sais que cela peut sembler surprenant d’aller de Turquie en France pour étudier le Moyen-Orient, mais à Boğaziçi le point de vue est très occidental. On a qu’un seul spécialiste du Moyen-Orient, c’est vous dire !

Qu’est-ce que vous aimeriez le plus faire une fois en France ?

Je voudrais apprendre à mieux connaître Paris, évidemment. C’est aussi l’occasion de voyager en Europe de l’Ouest. Je voudrais surtout partir en Angleterre, en Italie et en Espagne.

Quelles sont vos plus grandes appréhensions à l’approche du départ ?

En lisant les témoignages des étudiants de Boğaziçi partis à Sciences Po, je me suis dit que je n’avais pas fait le bon choix. Tout le monde se plaignait du niveau élevé et de la quantité de travail. Quand j’étais à Paris, j’ai rencontré une étudiante de la Sorbonne, qui m’a confirmé qu’il était difficile de rentrer à Sciences Po. A ce sujet, une amie m’a rassurée. Pour elle, la quantité de travail n’était pas insurmontable. Le plus dur est de suivre des cours en français. Comme je ne parle pas français, je prendrai des cours dispensés en anglais. Avant cette année, c’était ma seule peur. Aujourd’hui, le contexte m’inquiète un peu. Dans les médias, on entend que les Français sont de plus en plus hostiles aux musulmans à cause des attentats. Je pars avec ma meilleure amie, qui porte le voile et on avait peur que cela pose problème. Mais, une étudiante de Sciences Po nous a dit qu’il y avait beaucoup de musulmans dans l’école, et que le port du voile y était autorisé. 

Avez-vous commencé des démarches administratives en vue de votre départ ?

Pas encore, je ne pars que dans un an ! Grâce à mon passeport vert, je n’aurai pas besoin de demander un visa. Pour le logement, je pense soit me tourner vers les résidences universitaires, soit faire une collocation (ndlr : le passeport vert est un passeport spécial, remis par les autorités turques aux  fonctionnaires et à leur famille, permettant de voyager dans de nombreux pays sans demander de visas.)

 

Pour d’autres, le séjour français se termine. Can, en échange depuis février à l’université de Rouen, nous a fait part de son expérience encore inachevée.

Can Özyurt, étudiant à l’université de Rouen

Pourquoi avez-vous choisi de réaliser votre Erasmus en France ? 

A Istanbul, j’étudie la pédagogie française à l’université Marmara. Je suis allé à Rouen pour m’améliorer dans la langue, et avoir un meilleur accent.

Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de votre arrivée en France ?

Quand je suis arrivé en France, j’ai eu des problèmes avec le logement. J’ai attendu cinq jours avant de pouvoir récupérer ma chambre. Pendant cette période, j’étais nerveux et personne n’avait l’air prêt à m’aider. Je ne parle pas très bien le français et il est rare de rencontrer des gens qui parlent anglais. Au CROUS, par exemple, personne ne parlait anglais et ils ne faisaient pas l’effort de parler lentement pour que je comprenne.

Quelle est la plus grande différence selon vous entre la Turquie et la France ?

La première est sans doute la sécurité. Ici, on peut traverser sans manquer de se faire écraser ou parler avec des gens dans la rue, quel que soit l’endroit. Par contre, le sens de l’humour français est très différent du sens de l’humour turc. C’est assez dur pour moi de m’y accoutumer.

Qu’avez-vous envie de faire encore avant de retourner en Turquie ? Êtes-vous pressé de rentrer ?

Je n’ai pas vraiment d’idée pour le moment sur ce qu’il me reste à faire en France. C’est vrai que, même si je me plais bien ici, la Turquie me manque. J’ai une vie à retrouver là bas.

Conseilleriez-vous la France comme destination Erasmus ?

Pour ceux qui ne parlent pas le français, définitivement pas. Par contre, pour les francophones, je recommanderais davantage les grandes villes, plus vivantes que Rouen.

 

Propos recueillis par Anna Huot (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 21 avril 2016

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Publié le 20 avril 2016, mis à jour le 8 février 2018

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