Le printemps s'est définitivement installé et les 25°C au thermomètre invitent les Stambouliotes à se détendre dans les nombreux parcs de la ville. La particularité de certains de ces parcs réside dans la faune qui les habite. En flânant dans le parc de Gülhane, par exemple, il n'est pas rare d'entendre le sifflement distinctif de petits oiseaux verts au bec rouge : les perruches à collier.
Mais que font ces oiseaux exotiques entre les minarets d'Istanbul ? Leur arrivée en Turquie fait l'objet de nombreuses théories, dont certaines franchement loufoques. Une première explique que les psittacula krameri, du nom du naturaliste autrichien qui les a découvertes, se seraient échappées d'un camion de contrebandier lors d'un accident de la circulation. Les oiseaux se seraient alors échappés de leurs cages et auraient colonisé les espaces verts de la ville.
Photo Wikicommons
Une autre légende urbaine imagine le même scénario mais préfère un bateau au camion en question. Une troisième lie l'arrivée de ces volatiles aux bombardements de Bagdad, la capitale irakienne, au cours de la guerre du Golfe. Les bombes auraient notamment détruit les enclos du zoo de la ville, tuant la majorité des 650 animaux qu'ils gardaient, mais libérant aussi les volatiles, qui ont eu la fuite plus facile.
Quelle version croire ? Impossible de savoir avec certitude comment les perruches se sont installées à Istanbul. Toujours est-il qu'aujourd'hui, leur formidable capacité d'adaptation leur a permis de survivre et de développer considérablement leur population à l'ombre des parcs, bosquets et jardins que la ville a à leur offrir.
Une menace pour la faune locale ?
Depuis une vingtaine d'années, les ornithologues stambouliotes ont en fait recensé deux espèces. La perruche à collier, reconnaissable à son plumage vert, sa longue queue, son collier noir et son bec rouge foncé. Et la perruche dite ?Alexandre?, qui lui ressemble en plus grande et présente une tâche marron sur le haut de son plumage. Si leur couleur fait camouflage dans les arbres de la mégapole, ni l'un ni l'autre de ces oiseaux n'est pour autant discret. Et on les entend jacasser, et même parfois siffler, au gré des promenades et en toute saison.
Il semble que ces volatiles exotiques se soient plu à Istanbul, comme dans d'autres villes d'Europe telles que Londres ou Paris, où des colonies similaires ont été recensées. On en a vu jusqu'à 50 dans un même platane, mais aussi de plus téméraires s'aventurer sur les balcons. On observe les mêmes scènes ? dans de moindres proportions ? à des centaines de kilomètres, du côté de Yalova, d'Izmir ou d'Ankara.
Certes très esthétiques, ces perruches pourraient menacer une partie de la faune locale, notamment les petites espèces qui se nichent ? comme elles ? dans les cavités des grands arbres. Certains rapportent aussi en avoir vu livrer bataille aux corneilles et aux goélands, très répandus à Istanbul.
Les amateurs d'ornithologie devront toutefois s'armer de patience (ou d'une bonne paire de jumelles) pour observer leur joli plumage vert acidulé. Les perruches stambouliotes sont bavardes, mais rechignent à descendre des feuillages qu'elles habitent.
Aline Joubert (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 13 avril 2016