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CHYPRE/TURQUIE – Une crise du gaz menace en Méditerranée

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 26 septembre 2011, mis à jour le 9 février 2018

Les relations entre la Turquie et Chypre, difficiles depuis de longues années, traversent un nouvel épisode de tensions. Des explorations gazières sous-marines menées par les autorités chypriotes grecques provoquent la colère d’Ankara, qui riposte en envoyant son propre navire prospecter au large de l’île

 

Carte de l'île de Chypre (crédits World Statistics Pocketbook, United Nations Statistics Division)

Lundi dernier, la République de Chypre a annoncé le début d’opérations d'exploration de gaz en Méditerranée par une société américaine, Noble Energy. La Turquie, qui occupe militairement le nord de l’île depuis 1974, a immédiatement protesté, parlant même de “folie”.

Ankara est d’autant plus en colère que pour localiser ces gisements, Chypre s’est associé à Israël à un moment où les relations turco-israéliennes sont exécrables. Surtout, les Turcs comparent ces explorations à un “sabotage” des négociations censées mettre un terme à la partition de l’île. Ils contestent aux Chypriotes grecs le droit d’exploiter les ressources naturelles de l’île tant que celle-ci ne sera pas réunifiée.

Rivalités politiques et contrôle des ressources énergétiques

L’île est en effet divisée depuis 37 ans. Au Sud, la République de Chypre, qui abrite la communauté chypriote grecque, est la seule autorité reconnue par la communauté internationale, à l’exception de la Turquie. De l’autre côté d’une ligne de démarcation, la République turque de Chypre du Nord, autoproclamée en 1983, n'est reconnue que par Ankara.

Alors qu’aucune solution de réunification n’est en vue, le gouvernement chypriote grec s’est prévalu du soutien de l’Europe et des États-Unis pour explorer les fonds sous-marins de sa zone économique exclusive, où il espère découvrir d’importantes quantités d'hydrocarbures.

Le jour même de cette annonce, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan a accusé Chypre de mener des explorations dans des zones contestées et a prévenu que ces zones seraient sous la surveillance constante de l'aviation et de la marine turques. Il a ensuite menacé d’entreprendre des explorations similaires au large de l’île. Des menaces très rapidement suivies d’effets.

 

La Turquie mène ses propres explorations

Les leaders chypriotes grec et turc entourent le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon en janvier 2011 (crédits: United Nations Information Service - Geneva/Creative Commons)

Mercredi dernier, la Turquie a conclu un accord avec le leader de Chypre-Nord, Derviş Eroğlu, qui délimite leur frontière maritime. Ce document doit permettre à la Turquie de lancer ses propres forages exploratoires de gaz et de pétrole au large de l’île. Recep Tayyip Erdoğan a fait savoir que son pays n’envisageait “pas encore” de réponse militaire, sous-entendant qu’il ne l’excluait pas totalement.

Deux jours plus tard, vendredi, un bateau turc a appareillé pour une mission d'exploration (sans protection militaire). Ce navire scientifique, le Piri Reis, transporte principalement des universitaires et devait arriver dimanche au large des côtes chypriotes turques. Le président chypriote grec, Dimitris Christofias, a dénoncé “un acte illégal” de la Turquie, qui tenterait “d’empêcher la République de Chypre d’exercer son droit souverain à l’exploitation de ses richesses marines”.

Pourtant, les rivaux ne ferment pas la porte à l’apaisement. Recep Tayyip Erdoğan a indiqué à Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, que son pays ferait marche arrière si les Chypriotes grecs renonçaient à leurs explorations. Derviş Eroğlu a proposé hier au même Ban Ki-moon un plan de résolution du conflit. Quant à Dimitris Christofias, il affirme que si du gaz est découvert, il profitera aux deux communautés, même en l’absence d’accord de paix.

En toile de fond, la candidature turque à l’Union européenne

L' Union européenne (UE) a appelé Ankara à la retenue. La situation est d’autant plus délicate que la République de Chypre, membre de l’UE depuis 2004, doit prendre la présidence tournante de l’Union en juillet 2012.

À ce sujet, la Turquie ne démord pas. Elle a plusieurs fois affirmé qu’elle gèlerait ses rapports avec l’UE si Chypre prenait effectivement cette présidence alors qu’aucune solution n’a encore été trouvée à la partition de l’île. Un paradoxe quand on sait que les négociations d’adhésion de la Turquie à l'UE sont techniquement bloquées à cause du dossier chypriote.

Anne Andlauer (www.lepetitjournal.com/istanbul.html ) lundi 26 septembre 2011

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 26 septembre 2011, mis à jour le 9 février 2018

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