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Les victimes du commerce du sexe - Les filles oubliées de l'Inde

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Écrit par France Azema
Publié le 7 novembre 2019, mis à jour le 19 décembre 2023

Le viol collectif qui a donné la mort à une jeune femme de 23 ans dans un bus à New Delhi avait ébranlé la conscience collective de l’Inde en 2012. L'incident avait alors déclenché un débat public sur les violences sexuelles et mit en évidence la nécessité d'améliorer la sécurité des femmes dans le pays. 

Mais alors que les Indiens descendaient dans la rue pour réclamer de meilleures protections pour les femmes, un autre groupe de victimes de violences restait totalement ignoré : les innombrables jeunes femmes victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle.

 

Les dernières données du National Crime Records Bureau (NCRB) indien montrent que 8 132 cas de traite des êtres humains ont été signalés en vertu de divers articles de la loi indienne en 2016 (source Global slavery index). Le même rapport indique aussi que 23 117 personnes ont été rescapées d’une telle situation dont 14 183 mineurs. La majorité des victimes étaient des filles âgées de moins de 18 ans et un petit pourcentage de jeunes garçons. Mais, on estime que les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés. La documentation sur la traite des êtres humains en Inde est tellement insuffisante qu'il est presque impossible de connaître l'ampleur du crime.

 

Exploitation sexuelle femmes Inde
Données au niveau mondial - ONU

 

“Il n'y a pas un seul ensemble de données sur lequel s'appuyer”, déclare Bharti Ali, co-directrice du HAQ Center for Child Rights, une ONG basée à Delhi. Les données du NCRB ​​qui sont récoltées par le gouvernement sur la base des informations disponibles dans les dossiers de la police sont rares.

Les chiffres sont peut-être difficiles à cerner, mais selon un rapport de l'Office des Nations Unies contre la drogue et la traite des êtres humains, le trafic à des fins d'exploitation sexuelle a augmenté en Inde. 

Ces données montrent toutefois que les jeunes sont extrêmement vulnérables.

 

Les adolescentes des communautés économiquement faibles et marginalisées de l'Inde rurale sont les premières victimes de la traite et ce sont souvent des personnes connues de leurs familles qui en sont les auteurs. 

Ces dernières arrivent à convaincre les parents d’envoyer leurs filles dans une grande ville avec la promesse de gagner de l’argent et d’apporter ainsi une aide économique au foyer, mais peu après le départ de leurs villages, les filles perdent tout contact avec leurs familles.

Selon le rapport des Nations Unies, les États du Bengale occidental, de l’Andhra Pradesh, du Karnataka, du Maharashtra et de l’Odisha ont toujours figuré parmi les “zones de forte intensité” pour la traite des êtres humains vers des zones particulièrement demandeuses. Et les données sur les filles disparues dans ces États “continuent d'être très élevées”, indique le rapport.

“Dans certaines régions du Rajasthan, il est difficile de trouver des filles âgées de 15 à 25 ans. Elles sont envoyées dans des bars de danse à Mumbai ou à Dubaï”, déclare Tinku Khanna, directrice d'Apne Aap Women Worldwide, une organisation caritative qui œuvre auprès de femmes victimes du trafic sexuel et de la prostitution.

 

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Données internationales sur le traite des êtres humains - ONU

 

Khanna explique que la demande est très importante pour des filles très jeunes. Après 30 ans, elles ne sont plus considérées “rentables” et sont littéralement jetées dans la rue. Certaines d’entre elles ont si désespérément besoin d’argent qu’elles acceptent de travailler avec leurs trafiquants pour attirer d’autres femmes.

La dépendance à l'alcool ou aux drogues est très courante chez ces femmes et beaucoup sont porteuses du VIH, souffrent de tuberculose et de malnutrition. “Beaucoup d’entre elles meurent sur le trottoir”, dit Khanna.

L’association Apne Aap se bat pour sauver ces filles victimes de la traite et plaide pour une politique forte de réhabilitation. Selon sa directrice, les programmes de soutien existants gérés par le gouvernement en partenariat avec des ONG ne cherchent pas à conseiller les femmes souffrant de toxicomanie et de traumatismes, ni à les aider à subvenir à leurs besoins.

 

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Une affice de Apne Aap

 

Il existe cependant des groupes de défense des droits des femmes. Ils créent des refuges de secours où beaucoup de ces jeunes filles se retrouvent. Ils affirment qu’ils ne reçoivent pas assez d'argent pour l’entretien de ces refuges. Ils se plaignent également de la réduction du financement des programmes d'aide sociale destinés aux femmes.

Khanna explique que lorsque la police reçoit le signalement d’une jeune fille disparue, les informations sont, généralement, consignées dans "le journal des personnes disparues". Les cas ne sont jamais enregistrés en tant que cas de traite et restent en suspens sur la liste des personnes disparues.

 

Exploitation sexuelle filles Inde

 

Bien que le trafic d’êtres humains soit un délit en Inde depuis des décennies, ce n’est qu’en 2013, après une modification de la législation pénale du pays, qu’une définition complète du trafic a été ajoutée aux textes. Les différentes étapes du processus de la traite, y compris le transport et l'hébergement d'une victime, sont désormais illégales, la peine de prison allant d'un minimum de sept ans à la perpétuité.

Un projet de loi récemment présenté par le gouvernement propose de combler certaines des lacunes du système juridique, notamment en modifiant la disposition qui permet à la police d’arrêter le trafiquant et la victime.

Mais un lien présumé entre les trafiquants, la police, les administrateurs et les politiciens corrompus, constitue un autre obstacle majeur à une réelle prise en compte des cas de traite des êtres humains et donc à la punition des coupables.

Une avocate spécialisée dans les droits des femmes à Mumbai, Anubha Rastogi, connaît bien le problème de la traite de jeunes filles. Selon elle, les trafiquants savent comment détourner le système. Ils font peur à leurs victimes en leur indiquant les conséquences qu'elles pourraient subir si elles se faisaient prendre et disaient la vérité. Si une jeune fille est sauvée d'un bordel, elle est censée prétendre qu'elle est une adulte consentante. En l’absence de preuve suggérant le contraire, le magistrat qui préside peut en être convaincu et la jeune fille peut être libérée avec une amende de 500 roupies ou incarcérée pour une peine n’excédant pas six mois de prison.

 

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Lalitha Kumaramangalam, présidente de la Commission nationale pour les femmes, un organisme fédéral autonome, rejette l'affirmation selon laquelle de l'argent aurait été retiré des programmes d'aide sociale.

Elle est d'accord avec les critiques sur les conditions des maisons d'hébergement. Mais, dit-elle, le gouvernement fédéral ne peut résoudre seul le problème. Bien qu’il puisse donner de l’argent, chaque gouvernement d’État doit définir de manière indépendante ses priorités en matière de lutte contre la traite des êtres humains.

“Il est également nécessaire que la société civile intervienne”, déclare Kumaramangalam. 

Selon elle, la première étape importante est que les Indiens doivent commencer à penser que les femmes impliquées sont des victimes qui doivent être protégées et non blâmées, ni discriminées.

 

 

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A lire 

 

Pour ceux intéressés par le sujet, la rédaction recommande la lecture du livre Sold de l'Australienne Patricia McCormick. 

Inspiré de témoignages de femmes l’ayant vécu, Sold relate le conte sordide d’une enfant de 13 ans soumise à l’esclavage sexuel dans un bordel de Calcutta.

Originellement destinée aux adolescents, cette déchirante histoire en vers libre ne vous touchera pas moins.

Uniquement en anglais. 

 

 

 

 

 

 

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