C’était le point d’orgue des festivités du 100ème anniversaire du Parti, le 1er juillet : un discours de son Secrétaire général, Xi Jinping, depuis le balcon de la Porte de la Paix Céleste, à l’endroit même où Mao a proclamé la République Populaire de Chine, 72 ans plus tôt.
70.000 spectateurs pour les 100 ans du PCC
Devant 70 000 spectateurs parfaitement alignés sur la place Tiananmen, qui ont eu pour consigne de retirer leurs masques le temps de la cérémonie, le leader – vêtu d’une veste grise, similaire à celle de Mao en 1949 – a donné une allocution de plus d’une heure, vantant les succès d’un Parti qui est passé d’une cinquantaine de membres en 1921 à plus de 95 millions en 2021 : le PIB chinois a été multiplié par 50 depuis 1976, et 800 millions de personnes ont été sorties de la grande pauvreté. « Nous avons réalisé l’objectif du premier centenaire de construire une société modérément prospère à tous les égards [mesuré par un revenu moyen par habitant de 10 000 $ par an] », a annoncé le Président Xi, bien résolu à mettre son pays sur la bonne voie pour atteindre le second objectif centenaire : devenir « un pays socialiste moderne » et le « hisser au premier rang mondial » d’ici 2049. « Longue vie au Parti, longue vie au Peuple », a conclu Xi Jinping, le poing levé.
"La Grande Muraille de fer"
Malgré ce ton triomphaliste, « le leader du peuple » s’est également montré plus que sur la défensive. « La Chine n’a jamais malmené, opprimé, asservi le peuple d’un autre pays, et ne le fera jamais. De la même manière, les Chinois ne permettront jamais à quelque force étrangère de les malmener, de les opprimer, de les asservir », a-t-il affirmé, en une allusion à peine voilée aux États-Unis, accusés de vouloir contenir la montée en puissance « irréversible » de la Chine.
« Quiconque s’essaierait à de telles manœuvres se retrouverait ensanglanté contre la Grande muraille de fer , forgée par plus de 1,4 milliard de Chinois », a averti Xi Jinping, empruntant une expression de Mao. Même si la traduction anglaise officielle a fait abstraction de toute référence sanglante, cette déclaration ne devrait pas contribuer à améliorer l’image de la Chine qui reste au plus bas en Occident, selon les derniers sondages. Au contraire, elle pourrait renforcer hors frontières l’idée que Xi Jinping est prêt à entrainer son pays et le reste du monde sur une voie dangereuse… C’est pourtant cette phrase qui a eu le plus de succès sur les réseaux sociaux chinois, rappelant l’accueil réservé aux propos du 1er diplomate chinois Yang Jiechi à Anchorage (« les États-Unis ne peuvent plus traiter avec la Chine d’une position de force »).
En tenant ce discours passif agressif, Xi Jinping prépare la population aux dangers vers lesquels il la conduit, et tente de la convaincre du bien-fondé de son action. Surtout, il amende les bases fondamentales du contrat informel passé entre le Parti et le peuple, qui a abandonné toute velléité de réforme politique en échange de meilleures conditions de vie.
Les effets du ralentissement économique en Chine
Jusqu’à présent, le PCC a tiré l’essentiel de sa légitimité du développement économique sans précédent du pays, reprenant à son compte toute avancée en tout domaine. Seulement, après trois décennies d’une croissance à pleine vapeur, le moteur montre des signes de faiblesse et les effets du ralentissement économique se font sentir, particulièrement auprès des jeunes, en mal d’opportunités. Pour le leadership, il devient donc urgent d’ajouter au contrat d’autres critères de légitimité, comme la sécurité sanitaire ou la souveraineté nationale.
Réunification avec Taiwan
C’est là que la brûlante question de la réunification avec Taïwan entre en ligne de compte. Dans son allocution, Xi Jinping a affirmé que « c’est une nécessité historique » et « une aspiration partagée par tous les fils et les filles de la nation chinoise ». Les applaudissements « spontanés » des étudiants présents sur la place Tiananmen ont semblé lui donner raison. « Le public est désormais moins excité par la poursuite du développement économique que par la réunification avec Taïwan », affirme Lu Xiang, expert à l’Académie des Sciences sociales. Même si cela reste à prouver, le Président Xi a précisé que la réunification pourrait se faire « pacifiquement », faisant ainsi taire les demandes pressantes d’une certaine frange du Parti, d’avoir recours à la force… Si Xi Jinping n’est pas à priori favorable à une intervention armée, c’est qu’il en va cette fois, de sa propre légitimité, lui qui a mis fin au système d’alternance politique mis en place par Deng Xiaoping pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2027, voire 2032. Va-t-il profiter de cette nouvelle échéance pour « s’attaquer » à la réunification taïwanaise lui-même ? S’il y parvient, le moment sera historique pour le pays et pour Xi Jinping. Mais en cas d’échec, tous ses efforts pour se hisser au panthéon du Parti auront été vains, et il aura exposé le pays à des risques inédits.