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Revivez la bataille de Hong Kong au nouveau Musée de défense des côtes

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Vue sur le continent depuis le Musée de la Défense des côtes (photo personnelle)
Écrit par Patricia Herau-Yang
Publié le 2 mars 2023, mis à jour le 2 mars 2023

Avec la fin des restrictions sociales, divers lieux réouvrent au public y-compris le Musée de défense des côtes, fin 2022. Originellement ouvert en 2000, ce musée a fait l’objet d’une rénovation majeure. Il permet de découvrir, sur plus de 34.000 m2, l’histoire de Hong Kong via l’angle de la défense maritime, depuis la dynastie Ming jusqu’à aujourd’hui. Un épisode clé de la guerre dans le Pacifique y est raconté à l’aide de documents d’époque, sur un des lieux clé où il s’est déroulé : la bataille de Hong Kong (1941).

La réouverture du Musée de défense des côtes

Le Hong Kong Museum of Coastal Defence est situé dans un ancien fort militaire à Shau Kei Wan, surplombant la passe de Lei Yue Mun. Aussi appelé passage de la carpe, la passe de Lei Yue Mun permet l’entrée des navires dans la baie Victoria, par l’est. Cette passe étroite a longtemps été identifiée comme un lieu de défense stratégique pour l’île de Hong Kong. En effet, l’île n’y est qu’à quelques encablures de Junk bay (baie des jonques, proche de Devil’s peak ou Tiu Keng Leng).

Le fort militaire de Shau Kei Wan a été construit par les Britanniques en 1887. En visitant le Musée de défense des côtes (accès libre), on peut flâner dans ce fort, massif et finalement peu endommagé. Cela permet de mesurer la proximité, à cet endroit, du continent. En se retournant côté île de Hong Kong, une autoroute récente sépare le fort des anciens logements militaires sur la colline. Ces logements étaient auparavant accessibles à pied depuis le fort. En tout, ce sont 24 stops qui racontent, au long d’une promenade dans le fort, l’histoire du lieu. Préparez-vous à un peu de grimpette, puisque depuis la station de torpilles Brennan Torpedo Station (dans une grotte à 2 mètres au-dessus du niveau de la mer), vous monterez jusqu’à 64 mètres au Lyemun Redoubt.

Musée de la défense des côtes Hong Kong
Le village de pêcheurs de Lei Yue Mun, point de départ des Japonais (photo personnelle)

Hormis ce panorama, le musée présente l’intérêt de montrer des canons et armements d’époque (dont de beaux canons datant des années 1960), d’illustrer les uniformes militaires, les conditions de vie, ainsi que de présenter des documents d’époque.

Les 11 galeries d’expositions "The Story of Hong Kong Coastal Defence" retracent le rôle stratégique de Lei Yue Mun depuis la dynastie des Ming (1368-1644) jusqu’à nos jours, avec de beaux espaces sur les deux guerres de l’opium. Les groupes de touristes chinois s’attardent dans les espaces présentant la modernisation de l’armée populaire de libération et son rôle dans la défense nationale de la patrie. Mais pour un visiteur occidental, le moment historique du fort militaire de Shau Kei Wan est sans aucun doute décembre 1941.

Des documents d’époque pour revivre la bataille de Hong Kong

Des films d’époque, des extraits de films de fiction retraçant la bataille de Hong Kong, ainsi qu’une vidéo expliquant, cartes à l’appui, les différentes phases de la bataille de Hong Kong, permettent de mieux comprendre ce tournant de la guerre pour les Hongkongais de l’époque.

Musée de la défense des côtes Hong Kong
Carte des mouvements (Crédit: Jftsang, derivative of Oneam wikimedia)

Entre le 8 et le 25 décembre 1941, la vie à Hong Kong va en effet basculer. A partir de Noël 1941, la population hongkongaise vivra sous l’occupation japonaise, et ce jusqu’à la libération (3 ans, 8 mois).

Le 8 décembre, jour de l’attaque de Pearl Harbour, l’armée japonaise attaque Hong Kong, sans déclaration de guerre. Britanniques, Indiens et Canadiens, ainsi que les Auxiliary Defence Units et le corps des volontaires (HKVDC) vont défendre le territoire avec des moyens dérisoires. En une semaine, Kowloon et les Nouveaux Territoires tombent. Puis, moins de deux semaines plus tard, c’est l’île qui tombe. L’administration coloniale capitule.

Les Britanniques avaient pourtant commencé à se préparer contre la menace japonaise dès 1935, alors que la seconde guerre sino-japonaise avait mené à l’occupation de grands espaces chinois, dont la ville proche de Canton en 1938. Les Anglais avaient alors lancé la construction de la Gin Drinkers’ Line, une ligne de protection sur les Nouveaux Territoires. Cette ligne devait permettre de gagner du temps, on considérait qu’une armée réduite à Hong Kong était suffisante. Churchill confirmait en 1940 la stratégie et décidait de ne pas envoyer de troupes supplémentaires. La stratégie était que la Gin Drinkers’ Line tiendrait au moins 3 semaines, et que des troupes positionnées aux Philippines et à Singapour viendraient en renfort.

En fait, le 8 décembre, les Japonais infiltrés depuis la Chine ont détruit en 5 minutes les forces aériennes britanniques à Kai Tak. Fort de troupes de 38.400 militaires ayant déjà combattu en Chine dans son armée de terre, le Lieutenant Général Takashi Sakai n’avait face à lui que 11.000 hommes mal entraînés. L’infanterie japonaise avait des lance-grenades, des mortiers et tous types de pièces d’artilleries, qui permettaient un siège long.

Musée de la défense des côtes Hong Kong
Des uniformes pour une armée multiculturelle (photo personnelle)

Dès le 9, 3.000 hommes des régiments Royal Scots, Punjabi et Rajput se concentraient sur les fortifications de la Gin Drinkers’ Line. Persuadés qu’ils avaient du temps devant eux, les forces britanniques étaient inactives. Alors qu’un fort brouillard se levait, les Japonais ont attaqué et écrasé la résistance. Entrés dans Kowloon, les Japonais se sont déchaînés, montrant une grande cruauté envers les civils, volant et tuant sans merci. Le 12, le régiment Punjabi, qui couvrait la retraite, prenait le dernier Star Ferry vers l’île. Les exactions sur le continent ont été terribles. Certains sur l’île voulaient encore croire que des guerilleros Chinois arrivaient depuis la Chine en renfort, mais les journaux intimes de l’époque témoignent de l’esprit régnant dans la colonie : l’espoir était au plus bas.

Quant aux troupes devant arriver par voie maritime depuis Singapour, l’espoir s’est évaporé quand les Japonais ont coulé les navires de guerre HMS Prince of Wales et Repulse au large de la péninsule malaisienne. Sur instructions du gouvernement Churchill, les Anglais rejetaient les propositions japonaises de signer la capitulation les 13 et 17 décembre.

Depuis les collines de Hong Kong, des agents des Japonais indiquaient à l’aide de lampes torches où les armes britanniques étaient postées. L’artillerie japonaise savait ainsi où viser. Des triades hongkongaises au rôle trouble auraient même planifié de tuer tous les occidentaux présents sur l’île de Hong Kong à 3h00 du matin le 13 décembre, peut-être pour sauver des vies chinoises. Certains expliquent ce plan macabre par un chantage des triades vers les Anglais, pour augmenter les sommes déjà versées par les Anglais pour assurer leur protection. Les bombardements étaient incessants.

Dans la nuit du 17 décembre, des nageurs japonais ont traversé la passe et sont partis reconnaître le nord-est de l’île. Ils ont saboté lumières et mines pour permettre un débarquement.

Musée de la défense des côtes Hong Kong
La nuit la plus longue (photo personnelle)

Les 18-19 décembre 1941: la chute de la passe

Le 18, 7.500 Japonais débarquaient à North Point et Shau Kei Wan. 13.000 les rejoignaient le 19. Une résistance acharnée est venue de volontaires vétérans de la Première Guerre Mondiale (Winnipeg Grenadiers), tous âgés de plus de 55 ans. Ils ont tenu la centrale électrique de North Point et empêché l’accès au centre-ville. Les Japonais ont dû passer par les collines.

Alors que les Japonais cherchaient à séparer les ennemis, les Anglais ont fini par faire deux brigades. Le 21 décembre, comprenant ce qui se passait, ces brigades ont essayé de se regrouper à Stanley mais il était trop tard. A la demande télégraphiée de commencer les négociations des termes de la capitulation, Churchill répondait encore le 21 :

There must be no thought of surrender

Le Gouverneur aura finalement l’autorisation de se rendre le 25, Black Christmas. Ce même jour, au St Stephen’s College de Stanley, les infirmières étaient violées et tuées, les soldats blessés passés à la baïonnette, par des soldats japonais exaspérés de tant d’obstination britannique. On estime à 250.000 le nombre de civils tués pendant ce mois de décembre 1941. 10.000 femmes auraient été violées, 4.000 civils tués pendant la bataille elle-même, et 1.550 combattants de Hong Kong tués au combat. Quelques mois avant, dans un courrier privé, Churchill indiquait qu’il n’y avait aucune chance de tenir Hong Kong.

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