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Repulse Bay, ou l'histoire de la "Riviera" de Hong Kong

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Repulse Bay
Écrit par Didier Pujol
Publié le 17 août 2023, mis à jour le 17 août 2023

Occupée par des pirates, transformée en mini Côte d’Azur, la station balnéaire du Sud de l'île de Hong Kong a longtemps attiré des acteurs hollywoodiens et les exilés shanghaïens fortunés.

Le nom de Repulse Bay, donné par les Anglais, selon certaines versions suite à une bataille où auraient été repoussés des pirates stationnés dans la baie, n’a rien à voir avec le nom chinois d’origine qui est plus descriptif. En effet Chin Seui Waan, "la baie peu profonde", permet de la distinguer de sa voisine Sam Seui Waan ou Deep Water Bay. Dans l'histoire de l'île, le lieu s’impose dès 1910 comme la station balnéaire locale avec tous les attributs de celle-ci, une sorte de mini Côte d’Azur. Après une première période de construction de paillotes et bâtiments bas, des infrastructures plus luxueuses susceptibles d’accueillir la clientèle argentée du Peak et les visiteurs de marque en quête de fraîcheur marine ont vu le jour le long de la plage.

Des édifices luxueux

Repulse Bay Hotel Affiche des années 1950 Hong Kong

 

Le plus emblématique est sans nul doute le Repulse Bay Hotel, établissement de luxe de 84 chambres de la chaine Hong Kong & Shanghai Hotels, ouvert en 1920 par la famille Kadoorie (Peninsula). Suivra en 1935 le Lido, à l'Est de la baie, comprenant à la fois des cabines, un dancing et un restaurant. Dans ses mémoires, le colonel Munro-Faure indique: "J'ai toujours aimé le Lido pour son côté informel. Vous pouviez dîner, danser et bavarder en short et ainsi être au frais, contrairement au côté plus strict du Repulse Bay Hotel". Le succès de ce dernier conduit rapidement à le flanquer d’une version flottante, appelée parfois "Lady Lido". Parmi les bâtiments emblématiques de cette période, la villa Eucliffe, sorte de château médiéval avec murailles et donjon, construit en 1933 par  Eu Tong Sen, un riche chinois originaire de Malaisie, est un ouvrage unique en son genre qui dominera la baie sur la route venant de Deep Water Bay pendant plus de cinquante ans.

 

 

Suivant la mode, les riches Chinois adoptent rapidement Repulse Bay comme lieu de loisir et de villégiature et en particulier la bonne société shanghaienne qui fuit l’invasion japonaise en 1937 puis le communisme en 1950. Un carto-guide de Hong Kong de 1953 s’exprime ainsi “Les plages de Hong Kong sont parmi les plus belles du monde et Repulse Bay, vraisemblablement la préférée des Chinois, a plus d'une fois été classée au dessus de la célèbre plage d'Hawaii Waikiki". 

Les films de ces années montrent en effet les élégantes en cheongsam, l’appellation locale des qipaos shanghaiennes, jouant au mahjong en bord de mer ou exhibant leurs tenues chatoyantes à la sortie du Repulse Bay Hotel, qui prend des airs de Negresco par analogie avec la Riviera Française. Les Shanghaiens ont d’ailleurs un peu joué le même rôle que les aristocrates Russes et familles Anglaises victoriennes en France, pour faire de Repulse Bay la station où il fallait être vu.

 

Des invités prestigieux


C’est probablement Eileen Chang, égérie de la “modeng nü” ou “femme moderne” qui attire le gratin shanghaien à Repulse Bay, en y campant les meilleures pages de son roman le plus célèbre "Lost in a Fallen City", se déroulant pendant la période d’occupation japonaise de l’île de Hong Kong. Les protagonistes principaux, Fan Liuyuan et Bai Liusu, ont quitté Shanghai, tout comme elle venue à Hong Kong poursuivre ses études, se rencontrent et nouent une idylle où les égoïsmes s'additionnent dans le cadre du fameux palace. La matière en aurait été donnée par des amis de la mère d'Eileen logeant au Repulse Bay. 

Refuge des intellectuels chinois durant la guerre sino-japonaise, les membres de l’élite artistique shanghaienne vont se succéder à Repulse Bay parmi lesquels l’amant sulfureux de la provoquante Emily Hahn le poète Shao Xunmei. Il participe au journal "Tian Hsia" qui réalise la fusion entre les courants artistiques de occidentaux et asiatiques.

Han Suyin, née en Chine de père Chinois et de mère Européenne, tombe également sous le charme de l'endroit et c'est naturellement à Repulse Bay que sont tournées les scènes torrides (pour l'époque) du film hollywoodien tiré de son roman "A Many Splendored Thing". Cet ouvrage, qui a remporté un immense succès, raconte sa relation amoureuse non-conformiste avec le reporter Ian Morisson (devenu Mark Eliott sous les traits de William Holden à l'écran, décidément toujours lui, voir Suzie Wong), alors marié. 

 

Affiche de film Love in a fallen city

 

Sur les films des années 1950, on voit des nageurs qui affichent leurs corps sculptés et bronzés, symbole d'une modernité éminemment revendiquée. On y distingue aussi deux mondes qui se mélangent: celui de la Chine traditionnelle où des jonques occupent l’arrière plan et celui des Anglais, adeptes du yachting, qui s’entraînent à partir de la base locale du Royal Yacht Club. Aujourd’hui, le spectacle a changé car seuls des yachts à moteurs sont ancrés dans la baie et les propriétaires presque exclusivement asiatiques.

La folie immobilière des années 1980 n’a pas épargné la baie, désormais bardée d’immeubles. Le Repulse Bay Hotel a été rasé pour faire place à une tour, que les Chinois nomment avec humour "la tour avec un trou". Pourtant, en 2012, contre toute attente, la décision est été prise d'y reconstruire une copie conforme du restaurant du Repulse Bay Hotel (The Verandah).

 

restaurant the verandah repulse bay
The Verandah - Repulse Bay


Sur la terrasse du Repulse Bay, on peut à nouveau se donner l’illusion de faire partie des élites de Shanghai ou du gratin de Hollywood! Exilé de Shanghai et amateur de littérature, j'y ai finalement peut-être ma place, ha ha ha!

 

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