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Quel président pour Taïwan en 2024 ?

Comme tous les quatre ans, les taïwanais se rendent aux urnes pour élire leur président. L'actuelle présidente Tsai Ing Wen n'étant pas éligible à un troisième mandat, un nouveau visage sera donc élu le 13 janvier 2024. Une course vers la présidence très contestée puisque quatre candidats y participent. Elections marquées par le pragmatisme, sur fond de questionnement quant à la relation à adopter avec la Chine.

Drapeau taiwanais suspendu à un hélicoptèreDrapeau taiwanais suspendu à un hélicoptère
@Wikimedia Commons
Écrit par Ayman Ragab
Publié le 30 octobre 2023, mis à jour le 31 octobre 2023

L'épineuse question des relations avec le continent

Traditionnellement, le principal point de discorde entre candidats, mais aussi le sujet sur lequel la plupart des débats présidentiels portent, est la relation par rapport à la Chine.

Les deux grands partis traditionnels, le Kuomintang (KMT) et le Parti Démocrate Progressif (PDD) se sont historiquement bâtis sur deux conceptions différentes de l’histoire. Le Kuomintang fut fondé en tant que parti nationaliste et révolutionnaire chinois, celui de Sun Yat-Sen et de Chiang Kai Shek, qui s’est exilé à Taïwan suivant la victoire communiste en Chine continentale en 1949. Etonnamment, celui-ci privilégie des liens plus étroits avec son ancien ennemi communiste.

Le PDD quant à lui fut le parti des élites taïwanaises dépossédées par la dictature du KMT sur l’île, et qui a ensuite évolué pour devenir le parti de l’indépendance de l’île vis à vis de la Chine. Avec les années cependant, les deux partis sont venus à modérer leurs positions politiques, au point que ceux-ci se rejoignent presque quant à la question de l’indépendance institutionnelle du pays, à quelques exceptions près.

Si on s’ajoute à ceci la montée du Parti Populaire Taïwanais (PPT) qui cherche à dépasser le clivage traditionnel, en rejetant aussi bien l'indépendance que la réunification, le débat sur la question de l’indépendance n’est plus central pour cette campagne.

En effet, tous les candidats appellent à un maintien du status-quo, c’est à dire une indépendance de facto, sous nom de République de Chine. Ce faisant, nous assistons désormais à Taïwan à une discussion sur quelle relation et quel degré de coopération économique et culturelle faut-il avoir avec la Chine, et avec Washington, le grand allié politique et militaire de l'île. La Chine continentale est, rappelons le, le principal partenaire économique de Taïwan.

 

Quels candidats pour l'élection à Taiwan ?

Le favori de la course vers la présidence reste William Lai, actuel vice-président de Taïwan et candidat du PDD. Dominant pour le moment les sondages oscillant entre 30% et 40% des intentions de vote, celui-ci est issu d'une branche considérée comme modérée et pragmatique au sein du PDD. Lai a notamment affirmé que Taïwan n'avait pas besoin de déclarer son indépendance, puisque la République de Chine était déjà indépendante. 

Si le PDD a rapidement fait bloc autour de son candidat, le KMT, lui, reste divisé en deux factions. Celle des pro-autonomistes, comprenant ceux qui souhaitent distancer le parti de l’identité chinoise, et des pro-ROC, c’est-à-dire des nationalistes traditionnels du parti. Hou Yu-ih, maire de la Nouvelle Taipei, fait office de figure consensuelle et populaire au sein du parti, bien que beaucoup lui reprochent un certain manque de charisme. Ainsi, celui-ci peine à décoller dans les sondages, restant pour le moment troisième autour de 20% d’intentions de vote, et ce malgré le soutien de la machine électorale du KMT.

Son rival à la nomination du poste de candidat du KMT, Terry Gou, patron de la très célèbre Foxconn, principal assembleur d'Iphone largement implanté en Chine, a décidé de faire cavalier seul après avoir pourtant assuré son soutien à l’unité du parti. Celui-ci a déposé sa candidature en tant qu’indépendant. Un outsider dans la compétition, les intentions de votes oscillent entre 5% et 12%. Foxconn fait aujourd'hui l’objet d’un contrôle juridique de la part des autorités chinoises, alors que Gou avait auparavant fièrement annoncé que si la Chine avait quoi que ce soit à reprocher à Foxconn, les autorités chinoises pourraient saisir les biens de l'entreprise.

Enfin, l’ancien maire de Taipei, Ko Wen-je, s'est lui-aussi jeté dans la course, ayant longtemps affirmé son ambition présidentielle. A la tête du Parti Populaire Taïwanais, Ko a décidé de faire son objectif de dépasser le clivage indépendance - réunification. Autrefois proche du PDD, celui-ci s'est toutefois recentré sur une approche plutôt similaire au KMT. Ko a notamment déclaré que les Taïwanais et les Chinois continentaux faisaient partie d'une "même famille sur deux rivages", et souhaite faire de Taïwan un pont entre la Chine et les Etats-Unis. Ko reste ainsi deuxième dans les sondages autour de 25% d'intentions de vote.

 

Une course présidentielle agitée à Taiwan

Malgré les bons résultats du KMT aux élections locales de novembre 2022, ayant remporté 14 sièges municipaux sur 22, le parti semble grandement à la traîne. Trois candidats se disputent en effet le même électorat, à savoir celui favorable une plus meilleure coopération économique avec la Chine continentale.

Si William Lai distance pour l'instant ses opposants dans les sondages, ceux-ci tentent de timides rapprochements. En effet, Ko et le leadership du KMT se sont rencontrés à plusieurs reprises pour discuter de la possibilité d'une candidature commune, avec Hou ou Ko en tant que candidat pour le poste de vice-président de l'autre. Des discussions qui pour l'instant ne mènent à rien, si ce n'est une vague promesse de partage des sièges au Yuan législatif, le parlement taïwanais. Il parait en effet difficile de s'accorder sur une candidature commune, sachant que Ko devance Hou dans les sondages et que le KMT a du mal à s'effacer devant un parti nouveau qui ne dispose pas de son ancrage local, national et international.

A ce stade, Pékin n'a pas fait de commentaire sur un potentiel candidat préféré. Il reste cependant convenu que Pékin ne veut surtout pas d'un nouveau mandat du PDD, considéré comme indépendantiste. Les relations entre la Chine continentale et Taïwan s'étant grandement dégradées suivant l'élection de Tsai Ing Wen en 2016, le général chinois Wang Youxia a notamment déclaré le 30 octobre 2023 que l'armée chinoise serait "sans pitié" face aux "forces indépendantistes".

En cas de victoire de Lai, la politique à l'égard de la Chine devrait certainement rester la même qu'à l'heure actuelle. En cas de victoire de Hou ou de Ko, rien n'est certain. En effet, si les deux politiciens sont en faveur d'un rapprochement économique avec la Chine, cette perspective fait suite à 8 ans de dégradation des relations avec le continent. Le KMT se souvient du Mouvement des Tournesols de 2014, lorsque l'ancien président Ma a tenté de faire passer un accord commercial avec la Chine, qui eut pour résultat de mettre à mal la popularité du parti au profit du mouvement indépendantiste. Ko quant à lui pu rester flexible par rapport à ses engagements et sa marge de manoeuvre politique envers la Chine continentale est plus grande.

Enfin, si Washington entretient des liens historiques avec le KMT, tous souhaitent bien se faire voir par le protecteur américain. Un aval du candidat de la part des Etats-Unis signifie auprès des électeurs une garantie sécuritaire de l'île. Ainsi Lai a-t-il effectué une tournée aux Etats-Unis en août 2023, Hou en septembre 2023 et Ko en octobre 2023.

 

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