Un polar ambitieux qui parvient à retrouver l’esprit de l’âge d’or du genre.
Porté par une campagne marketing habile qui voit Chow Yun Fat rejouer une des scènes les plus iconiques du cinéma de Hong Kong (l’acteur s’allumant une cigarette à l’aide d’un billet d’un dollar tirée du Syndicat du Crime de John Woo), Project Gutenberg avait tout d’un succès annoncé. Au côté de Chow, on trouve en effet une autre super star, l’un des quatre "dieux" de la Canto Pop, Aaron Kwok et derrière la caméra, Felix Chong, l’ancien scénariste d’Infernal Affairs. Cette fiche technique flatteuse ne peut toutefois pas faire oublier que, très souvent, ces co-productions HK/Chine peinent à être autre chose que de grosses baudruches marketing. Surtout quand elles s’inscrivent dans le polar, genre ultra contrôlé par la censure chinoise. Alors on peut être légitimement surpris quand on découvre que ce Project Gutenberg n’est pas juste de la poudre aux yeux commerciale mais bien un excellent film !
Lee Man (Aaron Kwok) est un petit artiste peintre vivant au Canada qui lutte pour joindre les deux bouts. Il se découvre toutefois un talent pour la contrefaçon des toiles célèbres mais a du mal à l’assumer. Quand sa fiancée Yuen Man (Zhang Jingchu) parvient, elle, à exposer ses propres créations et connaître un certain succès, il décide d’embrasser son don artistique et rejoint le groupe de faussaires mené par "Le Peintre" (Chow Yun Fat). Ceux-ci s’engagent dans une ambitieuse tentative de créer des copies parfaites de billets de 100 dollars américains.
Spectateur mené par le bout du nez
Ce qui frappe d’entrée de jeu à la vision du film, c’est l’identité Hong Kongaise qui s’en dégage. Un peu comme le Big Brother de Kam Kar Wai et le Golden Job de Chin Kar Lok sorti quelques semaines plus tôt, les interférences continentales sont extrêmement réduites et permettent à l’intrigue de se développer de manière fluide et cohérente. Celui qui en bénéficie, c’est Chow Yun Fat. Project Gutenberg a tout d’une véritable bande démo pour l’acteur. Parfois subtile, parfois en plein sur-jeu, parfois séduisant, parfois inquiétant… L’acteur s’en donne à cœur joie pour nous rappeler qu’il est un des meilleurs issus de l’âge d’or de l’industrie cinématographique Hong Kongaise. A ce titre, une séquence où Chow prend d’assaut à lui seul un camp militaire ne pourra que provoquer de sérieux émois chez ceux qui ont connu la superstar via ses collaborations avec John Woo!
Felix Chong s’est fait une spécialité de scénarios malins destinés à mener le spectateur par le bout du nez pour mieux le surprendre dans sa résolution. Project Gutenberg ne fait pas exception à cette règle. Et si son twist fait forcément penser à un célèbre film hollywoodien, celui-ci est suffisamment bien pensé pour enrichir l’intrigue, corrigeant même certaines des faiblesses de la première partie. Chong se permet même une réflexion sur l’amour et la contrefaçon des sentiments pour conclure son histoire, une idée très bien vue étant donné le sujet du film.