Philippe et Cosmas Grelon partagent une passion commune : père et fils sont fous de compétition de voile. Cette année, ils ont fini seconds de la célèbre course entre Hong Kong et les Philippines, la Rolex China Sea Race. Nous les avons rencontrés pour en savoir plus sur ce sport et leur expérience de la navigation en double à haut niveau.
Je navigue depuis l'âge de 3 ans
Vous êtes arrivés 2ème IRC et 5èmes toutes catégories de la Rolex China Sea 2023. La course à la voile occupe aujourd’hui une part importante de vos vies. D’où vient cette passion ?
Cosmas : Très jeune (3-4 ans), mon père m’emmenait en bateau en Nouvelle Zélande et avait l’habitude de m’acheter des bonbons après. J’ai naturellement associé la navigation au plaisir et je n’ai bientôt plus eu besoin des bonbons pour apprécier le vent, les vagues et la liberté sur l’eau. A 12 ans, j’ai été recruté par un coach de voile à Hong Kong pour faire de la compétition en Optimist, ce qui m’a donné le goût de la régate. J’ai ensuite pris part aux championnats du monde et je n’ai jamais perdu le virus de la compétition.
Philippe : C’est mon parrain qui m’a emmené sur le bateau de famille quand j’avais 9 ans à l’Herbaudière, sur l’île de Noirmoutier. Nous devions tous à tour de rôle diriger le bateau en solo. Depuis je n’ai jamais arrêté de naviguer et j’ai toujours eu des bateaux, avec notre bateau familial depuis 22 ans.
Où avez-vous navigué ?
Philippe : J’ai navigué un peu partout pendant 25 ans, à l’occasion de mes affectations professionnelles dans le monde, Taiwan, Australie, Nouvelle Zélande, Malaisie... Aujourd’hui j’ai beaucoup de plaisir à prendre part à des courses internationales avec mon fils, comme les trois dernières éditions de la Rolex China Sea ou la Hong Kong Porto Galera (Philippines). Nous avons aussi fait la Sydney Hobart à plusieurs reprises dans des équipages et le Fastnet cet été dans mon cas.
Cosmas : J’ai beaucoup navigué en Asie évidemment mais aussi un peu partout dans le monde, au Danemark, en France, entre autres.
Cela fait 19 ans que nous faisons équipage ensemble
Votre première course ensemble ?
Philippe : Cela fait un moment. Je crois que c’ était Taiwan-Miako (Japon) ou Taiwan-Ichikaki, alors que Cosmas avait 9 ans. Il en a 28 aujourd’hui. Récemment nous faisons de plus en plus de doubles, en particulier depuis le Covid car c’était plus facile à organiser.
Qu’est-ce qui fait que vous vous entendiez si bien en équipage ?
Philippe : Nous sommes complémentaires. Cosmas est toujours celui qui pousse le bateau au maximum, alors que je suis celui qui veille à ce que le matériel suive, ce que l’on appelle « au-dessus du pont » et « en-dessous du pont ». C’est très important car une défaillance technique peut stopper le rêve net. Ce fut le cas lors de la Rolex China Sea Race 2018 lorsque l’attache principale à l’avant du mat a failli lâcher. J’ai demandé à Cosmas de ralentir et nous avons heureusement pu trouver une allure pour réparer. Lors de la dernière course également, le spinnaker est tombé à l’eau et nous n’avions perdu notre autopilote dès les premières 24 heures de course, avec encore 4 jours de course devant nous. Nous avons réussi à récupérer notre spinnaker et Cosmas est parti dormir pour reprendre en forme le lendemain avec l’autre spinnaker, car barrer pendant 4 jours est épuisant. Du coup, nous avons réussi à remonter nos adversaires, les conditions de navigation étant de nouveau favorables à notre bateau.
Préparer une course représente un travail colossal
Comment conciliez-vous cette passion et vos autres activités ?
Philippe : Effectivement préparer un bateau me prend du temps. Dans le cas de la dernière Rolex China Sea, par exemple, nous avons récupéré un bateau à Taiwan qu’il a fallu entièrement rééquiper pour l’événement soit 3 mois de travail. En moyenne, je consacre un tiers de mon temps à mes courses. Cela dit mon activité est en grande partie dans l’audit maritime donc je ne suis jamais très loin d’un bateau. Quand je prépare une course, j’organise mon entreprise pour que cela tourne sans moi.
Cosmas : De mon côté, je suis en charge des ventes Beneteau pour Simpson Marine, et Beneteau est notre sponsor pour 2024. Il est donc plus facile pour moi de m’engager sur des événements de compétition à la voile, vu la complémentarité entre mon métier et ma passion. Maintenant pour cette édition 2024, je suis investi dans la préparation : chercher des sponsors, repeindre la coque, racheter des voiles, le pilote automatique…
Vous courrez ensemble alors que vous compétiteurs affichent des équipages complets. Pourquoi ce choix ?
Cosmas : C’est plus facile d’organiser une course à deux car le fait de monter un équipage est extrêmement chronophage. La logistique est plus simple bien qu’il faille que les deux soient d’attaque. La communication est plus simple.
Philippe : Naviguer à deux est de plus en plus populaire. J’ai d’ailleurs monté une association de régates en double à Hong Kong où nous avons fait pendant le Covid une dizaine de courses avec une vingtaine de participants et depuis le Hong Kong Yacht Club s’y est mis. En Europe, la Transat Jacques Vabre signe le succès de la formule en double.
Nous visons la première place à la China Sea 2024
Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour la prochaine saison ?
La prochaine Rolex China Sea Race a lieu le 27 mars 2024. Bien sûr nous visons cette fois la première place IRC. Nous n’étions qu’à un peu plus d’une heure en temps compensé du premier cette année sur 4 jours de course, sans pilote automatique et 5ème « over the line » avec le plus petit bateau (un Figaro 3 de 11 mètres) sur 19 engagés. Aussi, si les conditions météo sont meilleures que la dernière fois, ce qui devrait être le cas vu que nous sommes plus tôt dans la saison, c’est tout à fait jouable. Nous nous entrainons en ce moment sur des petites courses locales afin d’être au meilleur pour la date. Pour l’instant un tiers du budget est assuré. Nous aimerions, si notre niveau de sponsoring le permet, pouvoir rendre plus performant et plus fiable le bateau, donc nous lançons ici un appel aux partenaires éventuels.
Votre meilleur souvenir de navigation ?
Cosmas : Le lever de lune est pour moi quelque chose de particulier. Je me souviendrai toujours de la première fois où j’ai vu la lune se lever au-dessus de la ligne d’horizon, telle un spot au milieu de la nuit. Un spectacle qu’il est impossible de voir à terre. Je retiens aussi le premier départ de la Sydney Hobart, avec près de 150 bateaux au départ et 1500 pour accompagner. Le bruit des appareils photos et caméras au passage de bouées !
Philippe : La dernière Rolex China Sea Race bien sûr car les conditions étaient extrêmes, le bateau s’envolant littéralement lors de pointes à 21 nœuds et le plaisir d’arriver après toutes ces péripéties techniques. Mais j’ai plein de bons souvenir comme celui du record battu d’Helen Mc Arthur de la traversée en monocoque entre Taiwan et Hong Kong en décembre 2006. Notre record tient toujours à ce jour. Je retiens aussi l’arrivée des courses au Japon devant un public particulièrement enthousiaste à l’arrivée. Enfin, comme Cosmas, la Sydney Hobart 1994 avec 450 bateaux sur la ligne de départ, coque contre coque et le vacarme assourdissant des hélicoptères qui nous obligeait à communiquer par signes.