C’est l’image que l’on retiendra de ce 3ème forum des Routes de la Soie. Des portes dorées qui s’ouvrent et, au premier plan, s’avançant, le président russe Vladimir Poutine, aux côtés du président chinois Xi Jinping.
Extraits d'un article original publié par le Vent de la Chine
Vladimir Poutine et 23 autres chefs d’état
(...) C’est pourtant bien ce même Poutine auquel emboîtent le pas les dirigeants de l’Argentine, du Cambodge, du Chili, de la République du Congo, de l’Egypte, de l’Ethiopie, de la Hongrie, de l’Indonésie, du Kazakhstan, du Kenya, du Laos, de la Mongolie, du Mozambique, du Nigéria, de l’Ouzbékistan, du Pakistan, de la Papouasie Nouvelle Guinée, de la Serbie, du Sri Lanka, de la Thaïlande, du Turkménistan et du Vietnam (au total, 24 chefs d’Etat et de gouvernement présents, contre 29 en 2017 et 37 en 2019). Par-là, la Chine de Xi Jinping émet un signal fort au monde que celui-ci semble pourtant lent et réticent à vouloir décoder. Avant cela, quelques rappels s’imposent. Ce « 3e Forum de la Ceinture et de la Route pour la coopération internationale » qui s’est tenu les 17 et 18 octobre 2023 à Pékin a marqué le 10e anniversaire de l’initiative « la Ceinture et la Route », une stratégie mondiale de développement des infrastructures.
Développement des infrastructures
Ces projets d’infrastructure comprennent ports, chemins de fer, autoroutes, centrales électriques, aviation et télécommunications. Xi a initialement annoncé cette stratégie lors d’une visite au Kazakhstan en septembre 2013. Le terme « Ceinture » fait référence aux itinéraires terrestres proposés pour le transport routier et ferroviaire à travers l’Asie centrale tandis que le terme « Route » fait référence aux routes maritimes indo-pacifiques de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique. L’initiative a été incorporée dans la Constitution du Parti communiste chinois en 2017. Les principaux bénéficiaires en termes d’investissement sont le Pakistan, le Nigéria, le Bangladesh, l’Indonésie et la Malaisie. Selon des estimations de la Banque mondiale en 2022, le projet aurait contribué à accroître le PIB des pays en développement d’Asie de l’Est et du Pacifique de 2,6 à 3,9 % en moyenne.
Le volet énergétique des nouvelles routes de la soie
Sans doute, l’aspect le plus important est que les investissements de la BRI (Belt & Road Initiative) furent largement déterminés en termes énergétiques. Or, la majeure partie des investissements chinois dans le secteur des énergies est destinée à des énergies non renouvelables. Entre 2014 et 2017, 91 % des prêts au secteur énergétique accordés par six grandes banques chinoises aux pays de la BRI étaient destinés à des projets de combustibles fossiles. En 2018, 40 % des prêts au secteur de l’énergie ont été consacrés à des projets liés au charbon. Rien qu’en 2016, trois ans après son lancement, la Chine était impliquée dans 240 centrales à charbon dans les pays de la BRI. En 2020, les énergies renouvelables non hydroélectriques ne représentaient que 11 % de la capacité des centrales électriques chinoises à l’étranger, contre 40 % pour le charbon. Mais le coût environnemental n’est pas le seul à avoir altéré la crédibilité du projet. Une étude réalisée par un institut de recherche américain, Aiddata, après examen de plus de 13 000 projets de la BRI a révélé que 35 % d’entre eux présentaient des problèmes de mise en œuvre en termes de corruption, droits du travail, dégâts environnementaux ou contestation civile – du fait de normes moins strictes que pour des projets financés par les Etats-Unis ou l’Europe.
Le piège de la dette ?
C’est aussi le poids financier pour les pays receveurs qui a fait l’objet de nombreux commentaires négatifs. En effet, les projets consentis se font sur la base de prêts dépassant souvent les finances d’un pays. Du Sri Lanka et des Maldives au Laos et au Kenya, de nombreux pays du « Sud Global » sont aux prises avec la dette de la BRI. C’est ainsi qu’a vu le jour la critique du BRI comme une « diplomatie du piège de la dette » : incitant les pays les plus pauvres à s’engager dans des projets coûteux afin que Pékin puisse éventuellement prendre le contrôle des actifs présentés en garantie – comme ce fut le cas pour le port de Hambantota au Sri Lanka. Pour autant, certains chercheurs ont montré que définir le BRI comme une aide à l’investissement ayant pour but de créer de la dette donnant une influence politique n’est pas exact.
Une étude de mars 2018 a montré qu’entre 2001 et 2017, la Chine a restructuré le remboursement des prêts de 51 pays débiteurs sans saisir les actifs de l’État. Toutefois, pour nuancer cette analyse, si l’on peut critiquer l’idée d’une stratégie volontaire du piège à la dette, le poids de la dette reste lui bien réel. La Chine a certes restructuré les prêts de la BRI, prolongé les délais et déboursé environ 240 milliards de $ pour aider les emprunteurs à effectuer leurs paiements à temps, mais aussi refusé d’annuler les dettes. En outre, la crise structurelle de l’économie chinoise rend moins justifiables les investissements pharaoniques. La Chine a donc réduit ses financements et imposé des limites aux prêts des banques chinoises : les investissements sont désormais inférieurs de près de 50 % à ce qu’ils étaient il y a cinq ans. De fait, la population chinoise comprend de moins en moins ces dépenses d’aide au développement qui semblent vainement dispendieuses à l’heure où les ménages ne peuvent plus payer leurs emprunts. (...)