Ils seraient près de 1 million au Japon et probablement autant dans les autres pays. En présentant à Hong Kong "Hikkikomori, The shelter", le metteur en scène Joris Mathieu met l'accent sur un phénomène de société, celui de l'isolement volontaire des jeunes.
Propos recueillis par Didier Pujol
Pourriez-vous nous expliquer ce qu'est un hikkikomori?
Le phénomène des hikkikomori, a été mis en évidence au Japon il y a quelques années. Il désigne ces jeunes qui s'isolent de la société parce qu'ils ne parviennent pas à s’intégrer. Il étaient quelques 500.000 au Japon quand j'ai monté ce spectacle pour la première fois. Aujourd'hui, les sociologues les estiment à 1 million, indiquant que le phénomène n'a pas régressé, au contraire. D'ailleurs, partout où nous jouons ce spectacle, des gens viennent nous voir pour nous parler de cas similaires. La seule différence, c'est que seul le Japon leur a donné un nom.
Dans votre spectacle, les trois personnages ont une perception différente de la situation. Qu'avez-vous voulu mettre en évidence?
Effectivement, quand un adolescent se coupe du monde, il n'y a pas que lui qui souffre. Tout son entourage se remet également en cause et tend à s'isoler également. C'est une maladie contagieuse. Du coup, chacun vit la même situation mais dans son propre monde. On croit aujourd'hui rester connectés par la technologie, mais cela ne fait qu'accentuer la non-communication et s'enfoncer dans un monde décorrélé de la réalité. Nous avons mis en évidence cet état de fait en ne distribuant qu'un écouteur sélectif à chaque spectateur, lui permettant d'entendre les monologues d'une seule personne. Il ne peut donc qu'imaginer ce que pensent les autres car il est enfermé dans une vision partielle des événements.
Les hikikomori finissent-ils par réintégrer la société quand ils deviennent adultes?
Cela dépend mais on a vu des hikkikomori refuser tout contact avec leur famille pendant plus de 15 ans. L'entourage finit alors par accepter cette réalité, en l'encourageant presque, pour se déculpabiliser ou abandonner ses responsabilités éducatrices. Certaines mères se retrouvent ainsi prisonnières toute leur vie de leur rôle d'esclave domestique et y trouvent presque du plaisir.
Se mettre en retrait n'est-il pas un moyen de canaliser la violence?
Effectivement. En prenant un avatar et en évitant la confrontation avec le monde réel, le jeune Nils s’enferme dans un monde idéal où il n’y a plus de menace et il jugule sa violence intérieure. Il évite ainsi d’affronter es railleries de ses camarades de classe et la compétition scolaire. Il accepte même son rôle de victime: Quand on le traite d’"animal", il décide d’en devenir un, glissant progressivement vers la folie virtuelle. Ses parents ne sont pas en reste puisque, plutôt que d’enfoncer la porte qui les séparent de leur enfant, ils choisissent d'ignorer la situation pour se déculpabiliser ("il ne faut pas entrer dans son jeu en lui accordant l’attention qu’il recherche"). Ainsi la communication devient encore plus difficile car l’indifférence est contagieuse! Le père finit même par refuser son statut paternel en s’inventant un totem animal, pensant à tort se rapprocher de son fils. Quant à la mère, elle perd aussi son humanité, en devenant l’esclave ménagère de son fils.
A propos de Joris Mathieu
Joris Mathieu est venu à Hong Kong dans le cadre du festival French May. Il est le directeur du Théâtre Nouvelle Génération, dans le cadre du Centre National d'Art Dramatique de Lyon. Il s'intéresse en général à la science-fiction et surtout au fait de confronter le monde imaginé par ces auteurs avec le monde réel aujourd'hui. Il travaille en ce moment sur Philip K Dick et Georges Bernanos, auteur de “La France contre les robots”. Joris Mathieu est à l'origine de la première pièce entièrement jouée par des robots, "Artefact".
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