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La francophonie dans l’art et la culture à Hong Kong

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Écrit par Claudia Delgado
Publié le 20 octobre 2020, mis à jour le 21 octobre 2020

"On n'habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c'est cela et rien d'autre" disait le philosophe et poète Cioran. Lepetitjournal.com est allé à la rencontre de Matthieu, Patrick et Stéphane, trois Français qui ont su faire de cette terre d’accueil leur patrie par le biais de la langue française et par le truchement de l’art et de la culture. 

Pouvez-vous décrire votre parcours ?

Matthieu : je suis professeur de français et de philosophie, passionné de poésie et féru de littérature. Je prodigue des cours particuliers depuis 2015 via "Sauvés pour le Bac" et "Sauvés pour la Philo", date à laquelle j’ai créé le fanzine et plate-forme culturelle "Sauvés par le Kong" : un exutoire poétique qui aime la photo, le théâtre, le rock’n’roll, le street art et le second degré. J’organise chaque année un concours d’invention littéraire "Sauvés par la Poésie", des quizz musicaux au Peel Fresco ainsi que les "Alchimie du Verbe", veillées poétiques où se déguste du bon vin avec mon amie œnologue Marjolaine Roblette-Geres.

Patrick : j’ai monté en 2013 une structure qui s’appelle CHORUS c’est une école d’activités extrascolaires, on fait de la musique et du théâtre ainsi que des maths et du français. Nous avons également des groupes de musique et des troupes de théâtre pour adultes et nous donnons des représentations artistiques (jeunes et adultes) de manière régulière. En temps normal, on donne une représentation en public toutes les trois semaines. Ce qui est important à CHORUS c’est le fait de construire une communauté.  

Stéphane : de père Cubain d’origine chinoise et africaine et de mère française, j’ai grandi en Suisse. Depuis 2006 je crée, produit, soutiens et organise des coopérations culturelles entre Asie et Europe. En 2014 je fonde le Pavillon Rouge des Arts HK Limited. A noter également qu’en 2008 je fais partie des membres fondateurs de "La Caravane des Dix mots" qui a pour but de promouvoir la Francophonie dans le monde en donnant la parole au peuple.

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photo@Matthieu

Une culture liée à l’identité 

Hong Kong est-elle une source d’inspiration ?

Matthieu : le site du Kong est estampillé d’une petite épigraphe pleine de morgue: "tu verras, Hong Kong niveau culture c’est zéro!" car c’est ce qu’on m’a dit quand je suis arrivé ici. Je ne suis évidemment pas d’accord avec cette phrase. Elle résulte peut-être d’un manque de curiosité ou d’ouverture d’esprit. Je n’ai pas délogé cette assertion pour bien l’avoir sous les yeux et ne cesser de la contredire depuis 2015! Cette ville est une source quotidienne d’inspiration, d’énergie, de poésie. Il y a des vertiges à Hong-Kong, à chacun de les capter! Chaque coin de la ville a une saveur particulière pour moi.

Patrick : Je suis expatrié depuis 1993 et je travaillais d’abord dans la finance. Hong Kong n’est pas une source d’inspiration mais il y a une dynamique extraordinaire: l’univers des possibles est infini. Ici il n’y a quasiment pas d’expression artistique et de manifestation culturelle par rapport à la France. Mais ce n’est pas du tout un problème, ce que je fais prend du sens ici, si je joue un vielle chanson française, c’est pour montrer qui on est, et le public francophone s’y reconnaît. Voilà à quoi sert une manifestation culturelle. 

Stéphane : On aborde l’art et la culture par la diversité qu’elle nourrit. Tisser des liens entre les peuples et créer se fait de la même manière partout dans le monde, dans le respect de l’autre, dans la rencontre et l’échange. J’ai une phrase pour guider mes rencontres "d’abord les envies, ensuite les enjeux", suivant la culture, il faut parfois présenter d’abord les enjeux et ensuite les envies, mais le rendu change peu. L’inspiration est le résultat de plusieurs ingrédients: de l’énergie, des possibilités, des angles de vues complémentaires...Tout cela crée une dynamique qui favorise la création. Tout changement est inspirant et Hong Kong est un beau changement.

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photo@Patrick

Comment se porte la culture française à Hong Kong ? 

Matthieu : Pour tout ce qui est lié à l’événementiel ou au rassemblement, la période est chagrine... le French May est un bel exemple de détermination, d’aplomb en cette période de COVID. Xavier Mahé et toute son équipe ont su relever le défi pour ne pas dire la gageure de proposer une offre culturelle très riche au printemps dernier alors que tout fermait, annulait, mettait à distance... 

Patrick : Chaque Français est porteur de culture, et cette culture on peut la retrouver même dans un bistro français. Si l’on parle d’expression culturelle, on peut dire que dans l’absolu il n’y a rien, mais si l’on prend en compte uniquement la communauté française, il y en a pas mal. Il y a peut-être une difficulté à organiser un évènement culturel mais dès qu’on arrive à le faire il y a tout de suite un public.  

Stéphane : la gastronomie, la mode, le luxe sont bien en place car il n’y a pas de barrière linguistique. Ensuite l’art plastique, la peinture, la photo et la musique fonctionnent bien car les hongkongais sont curieux. La poésie et la littérature francophones sont plus fragilisées par la barrière de la langue et le théâtre reste tributaire d’une traduction ou il ravi seulement la communauté francophone. 

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photo@Stéphane

Retrouver à Hong Kong un passé commun 

Comment vos initiatives artistiques ont été reçues à Hong Kong ? 

Matthieu : j’ai de la chance, pour le concours de poésie j’ai toujours été soutenu par la librairie Parenthèses, grâce à Madeline et Emmanuelle mais aussi par l’Alliance Française, et l’UFE. Chaque année le but est de faire phosphorer les imaginations et de célébrer la trouvaille poétique, la rime, la musique, de défendre à notre manière la langue française dans un environnement où prédomine l’english. Quant aux quizz et aux Alchimies du Verbe ils affichent complets à chaque édition, c’est une joie à organiser et gratifiant d’avoir les retours des personnes qui ont participé.

Patrick : J’ai envie de dire bien, parce qu’auparavant il n’y avait pas grand-chose de toute façon. Nous avons rassemblé les gens, que ce soit dans le public ou dans un groupe de musique, à travers une source culturelle partagée, ma prétention c’est que les gens viennent pour retrouver quelque chose de commun et qu’ils soient touchés, autrement cela n’a aucun sens. 

Stéphane : En faisant de la coopération un des points d’entrée des créations, une moitié du travail est réalisée. Dans la pièce Arlequin navigue en Chine qui mêle Commedia dell’Arte et opéra chinois, je ne fais pas découvrir l’opéra chinois aux locaux, ils viennent voir ce qu’un étranger en perçoit. D’autre part, les expatriés découvrent un genre dont ils ont déjà entendu parler. En revanche chacun repartira avec un aperçu, voire une connaissance augmentée de l’autre et ces initiatives sont souvent reçues avec enthousiasme.


Français : cinquième langue parlée dans le monde

Quelle est la place de la langue française à Hong Kong ? 

Matthieu : Tous les jours à travers mes cours, je serine à mes jeunes fronts studieux à quel point la maîtrise de la langue les rendra libres, heureux et responsables. Rien que ça! Ils sont pour la plupart bilingues voire polyglottes donc l’apprentissage du français à travers les classiques de la littérature, l’Histoire ou les figures de style leur ouvre des horizons inédits. C’est une gymnastique mentale exigeante mais riche qui étanche leur curiosité, leur soif d’apprendre et les amène aussi à établir des passerelles avec d’autres cultures.

Patrick : Le français est une langue presque morte chez les jeunes à Hong Kong, si je leur demande une phrase qui les a touchés, ils sont incapables de m’en dire une en français alors qu’en anglais, ils vont me dire une réplique du film ou les paroles d’une chanson. Ils n’ont pas le goût de la langue française, et ce n’est pas un jugement, c’est un constat. Dans ce que je fais, j’essaie de montrer aux jeunes français d’où ils viennent et de rappeler aux adultes la même chose. 

Stéphane : le français est la cinquième langue parlée dans le monde, avec 300 millions de locuteurs et les outils déployés pour la partager sont légion. Entre écoles et universités, le terrain d’application pour sensibiliser à cette langue est immense, la pédagogie par le théâtre est vivement sollicitée car elle stimule et favorise d’autres appuis importants dans une société, tels que la confiance en soi ou le fait de s’exprimer avec son corps qui sont des fondamentaux universels.


Rencontres culturelles francophones à Hong Kong

Quels sont vos projets artistiques ? 

Matthieu : Il y a un beau projet éditorial qui couve pour 2021: "Cathédrales de Bambous-géopoétique d’une ville invisible". C’est le fruit d'une rencontre avec Cyrille Bellier qui est passionné de photographie. On partage la même fascination pour Hong-Kong. Cette pulsation incommensurable qui sourd de ce confetti de Chine, Cyrille a su la capter et j’ai voulu la retranscrire dans une itinérance poétique. Ce sera, nous l’espérons, un beau livre dont tous les bénéfices seront reversés à des œuvres caritatives.

Patrick : Nous commençons à préparer des pièces de théâtre, cela se prépare sur une année. On a déjà une troupe vers Stanley et nous sommes en train de monter un groupe de théâtre adulte à Sheung Wan et il y aura des spectacles. Pour la musique, 15 jours après la réouverture des salles, nous ferons un concert de chanson française. Nos activités au sein de CHORUS s’élargissent à Singapour également. 

Stéphane : dans le cadre du 50e anniversaire de la francophonie, en partenariat avec Baptist-University et le photographe Cyrille Bellier, nous avons créé une exposition d’images en temps de COVID avec une prise de parole en français de la part des étudiants (vernissage le 27/10 au BU). Ils prépareront ultérieurement des saynètes pour une restitution tout public à la librairie Parenthèse le 1er décembre. Tout ceci sera complété par la participation au Forum International des Caravanes Francophones du 28/11 au 2/12.

Quelles rencontres culturelles conseilleriez-vous aux lecteurs ?  

Matthieu : Dès que nous pourrons l’organiser avec Marjolaine, la prochaine "Alchimie Du Verbe" devrait ravir les amateurs de champagne ! Pétulance et panache au programme des saveurs et de la littérature.

Patrick : Étant donné qu’en ce moment il n’y a pas énormément de manifestations culturelles, je conseillerais d’aller aux restaurants français car la culture c’est aussi ça. Il faut sortir de chez soi et aller dans les endroits où sont les français qui ont des initiatives, la culture se trouve fondamentalement là. 

Stéphane : Les rencontres et signatures d’auteurs qui ont lieu à la Librairie Parenthèses. Ce sont des moments magiques et rares : en l’espace d’une heure vous échangez avec des auteurs brillants dans un cadre intime et sans chichis, je recommande vivement.  

 

Je remercie, Matthieu, Patrick et Stéphane d’avoir partagé leur vision de l’art et de la culture francophone. Lepetitjournal.com vous invite à soutenir leurs initiatives artistiques et culturelles. 

 

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