Édition internationale

Dominic Johnson-Hill : "De Pékin à Hong Kong, je suis un serial creator"

Devenue star de la télévision chinoise, l’artiste britannique Dominic Johnson-Hill est le fondateur de Plastered 8, une marque de T-shirt devenue une agence design iconique. Désormais résident de Hong Kong, il a bien voulu nous parler de son parcours hors du commun. Itinéraire d’un serial creator.

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Écrit par Didier Pujol
Publié le 8 novembre 2023, mis à jour le 9 novembre 2023

J’aime explorer mes zones d’inconfort

Artiste, entrepreneur ou animateur de télévision, comment vous définiriez-vous ?

Je me considère avant tout comme un entrepreneur car ce que j’aime, c’est me pousser vers des zones d’inconfort. En 2006, quand j'ai décidé d’ouvrir mon magasin de T-shirts dans un hutong de Pékin, je n’avais ni expérience du vêtement, ni étudié le design et n’aimais pas particulièrement être sur le devant de la scène étant jeune. Se lancer des défis est pour moi le seul moyen de se découvrir de vraies passions. J’ai eu juste la chance d’être au bon endroit au bon moment, alors que la Chine découvrait la consommation de masse.

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La boutique Plastered 8 de Pékin

« J’ai organisé un défilé de mode dans un hutong de Pékin »

Parlez-nous de l'aventure Plastered 8

Plastered 8 a changé ma vie, en 2006. Après m’être installé en 2003 au cœur d’un hutong, avec d’autres familles chinoises, j’ai loué une boutique dans la rue sans vraiment savoir ce que je pourrais en faire. C'est quand j’ai vu passer un touriste en T-shirt que j’ai pensé que pouvais faire mieux que cela et commencé à vendre mes T-shirts. Trois mois après, pour Noël, un article dans un magazine suggérant d’offrir un T-shirt "made in Beijing" m’a fait une publicité énorme pour les fêtes. Peu après, j'ai bloqué la ruelle dans laquelle se trouvait mon magasin pour organiser un défilé de mode. J’y ai invité les médias chinois, en leur offrant des petits cadeaux avec ma marque. En retour, j'ai eu beaucoup d’articles, ce qui a abouti à me faire participer à des émissions de télévision pour raconter mon histoire d’entrepreneur et de la création d’une marque chinoise par un étranger. 

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Défilé de mode organisé par Dominic

Je crée avec l'aide d'illustrateurs chinois

Entre le design, la mode et la télévision, quel est votre fil directeur ?

Pour fournir des nouveaux dessins, j’ai choisi de faire appel à des artistes et illustrateurs chinois, avec un cahier des charges précis. J’ai par exemple travaillé avec les artistes des villages spécialisés dans les copies de tableaux ou encore des artistes nord-coréens, habitués à l’art d’état à qui j’ai demandé d’imaginer à quoi ressemblait la Chine. Leur imagination a produit une série tout à fait inattendue. La marque devenant populaire, j’ai ouvert jusqu’à 6 magasins. Cela étant, il n’est pas aisé d’être à la fois un bon entrepreneur et un artiste. J’ai vite réalisé que je n’étais pas fait pour gérer des employés et un réseau mais plutôt dans la partie créative. J’ai donc réduit la taille de l’entreprise depuis 2014 pour ne plus garder qu’une boutique, me consacrant alors à la conception de vidéos, de sculptures, d’illustrations pour étendre le champ des possibles.

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Un thème classique revu par Dominic

Mes T-shirts parlent à l’inconscient des Chinois

Comment expliquez-vous le succès de vos créations ?

J’ai utilisé l’iconographie chinoise pour renvoyer ces images vers le public chinois pour qui ces objets faisaient partie de l’inconscient. Après les JO, on a commencé à célébrer tout cet héritage, devenu une fierté pour la Chine. L’art raconte toujours une histoire et dans ce cas, j’incarnais cette histoire. En vivant dans une cour partagée avec des vieux Pékinois, juste derrière mon magasin, lui-même décoré de vitraux représentant les leaders communistes ou de créations comme autant de marqueurs de l’histoire de la ville, cela parlait aux gens et aux media. Par la suite, les nombreuses copies de nos designs ont conduit les gens vers la boutique, juste pour se différencier des répliques de mauvaise qualité. Ma ruelle est aussi devenue très touristique alors qu’il n’y avait presque personne lorsque j’ai commencé.

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Un café de Pékin décoré par Dominic

Beaucoup de gens me connaissent par la télévision

Quelle place occupe la télévision pour vous ?

Beaucoup de gens me connaissent grâce à la télévision, que ce soit « Seasons of China », tournée entre 2017 et 2019 ou encore mes émissions de divertissement comme "Zhi Lai Zhi Wang" de 2011 à 2017. J’ai tourné 27 émissions de voyage, concrétisation d’un rêve, vu que j’étais venu en Chine pour voyager, et cette série est aujourd'hui encore programmée par la chaine TVB à Hong Kong, ce qui me vaut d'être connus par les plus âgés ici. Zhi Lai Zhi Wang, par contre diffusé nationalement par la chaine Jiansu Weishi, à raison de deux fois par semaine, visait un public jeune entre 20 et 27 ans. Pour être franc, je suis content d’avoir arrêté car c’est ultra chronophage et finalement envahissant pour ma famille, devenue au passage un objet médiatique.

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Dominic, voyageur pour "Seasons of China"

Je me concentre désormais sur la création

Aujourd’hui, vous avez fermé la boutique de Pékin et vous concentrez sur la création à Hong Kong. Pourquoi ce choix ?

Le Covid a précipité la fermeture de la boutique en Chine mais il était aussi devenu de plus en plus difficile pour moi de créer en Chine continentale, certaines de mes productions étant à la limite de la provocation. Ainsi la première "boule à pollution" de Pékin, inspirée des boules à neige a connu un succès international mais on ne peut pas dire que ce soit une bonne publicité pour Pékin. Depuis 2012, j’avais pris un virage en travaillant pour des cafés, magasins, halls hôtels ou des locaux d’entreprises, comme Ernst&Young à Pékin, Shake Shack, the Grateful Dead ou encore le groupe Metallica. 

Le marché chinois reste très attractif

Pensez-vous que le marché chinois est toujours aussi attractif ?

Tout à fait, même si la compétition est plus rude aujourd'hui. Il faut évidemment apporter un avantage compétitif, s’impliquer en apprenant la langue et la culture, respecter les gens et apprendre à faire des affaires en Chine. Il s'agit de respecter les règles et de cultiver ses relations, ce que l’on appelle le "guangxi" ou relations, qu'il faut plutôt comprendre au sens d'amitié selon moi, à base de confiance. C’est ce qui fait que j’ai encore tous les amis qui ont accompagné mon aventure en Chine. Il est cependant illusoire, de chercher à battre les Chinois en prix et en volume. Il faut rester dans ce que l'on sait bien faire et où on est différent.

Quelle est votre actualité ?

Je suis très inspiré par Hong Kong en ce moment et je crée sur ce thème. Même si je pense revenir à mes origines en ouvrant une boutique l’année prochaine à Hong Kong, je participe pour l’instant à des expositions d’art. Prochainement, je prévois d'exposer de nouveaux T-shirts à la galerie Young Soy de Staunton Street à partir du 7 décembre dans une série intitulée Monster Show, ainsi que mon travail récent en peinture et en poterie sur l’immobilier et de la finance. 

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3 créations récentes de Dominic Johnson-Hill détournant des publicités pour évoquer l'immobilier à Hong Kong

Retrouvez Dominic Johnson-Hill sur son Instagram

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