Le gouvernement hongkongais entreprend actuellement un programme de dépistage de masse du COVID-19. Ce type de programme faisant classiquement face à des défis bien identifiés (1), nous avons mis en place une enquête afin de déterminer la perception actuelle de notre communauté au sujet de ce programme.
Notre objectif était d’identifier les barrières au dépistage de façon à apporter des informations pertinentes à nos patients et à fournir une analyse factuelle à nos collègues médecins du “Department of Health”.
Méthode du sondage
Ce sondage a pris la forme d’un questionnaire électronique, envoyé aux 3044 patients qui s’étaient portés volontaires pour participer à notre étude de dépistage des anticorps du covid-19, étude réalisée en partenariat avec HKU. Le questionnaire est resté ouvert pendant 48 heures, la veille et le 1er jour du programme de dépistage de masse.
Résultats du sondage
Avec 1013 réponses reçues, le taux de réponse s’élève à 33%. 72% des personnes qui ont répondu à notre questionnaire appartenant à la classe de 35-59 ans, l’âge constitue un biais dans notre étude. Sans surprise, les participants forment une cohorte internationale ; 84% vivent à Hong Kong depuis plus de 6 ans, et 44% sont nés à Hong Kong ou y résident depuis plus de 20 ans.
19% des participants ont déclaré avoir l’intention de s’inscrire au programme de dépistage de masse et 81% ont indiqué le contraire. L’âge et la durée de résidence à Hong Kong apparaissent comme des critères majeurs (et probablement corrélés): les patients âgés de 19 à 34 ans (9%) et ceux vivant à Hong Kong depuis moins de 5 ans (19%) sont moins enclins à s’inscrire au programme que ceux de la classe d’âge 35-39 ans (19%) ou ceux résidants à Hong Kong depuis plus de 20 ans (22%). Les patients nés à Hong Kong sont les plus susceptibles de s’inscrire (24%).
Le tableau ci-dessous synthétise les réponses obtenues à la question “Comment le Hong Kong Health Department a-t-il géré la pandémie de COVID-19?” L’échelle proposée s’étendait de 1 (mauvaise gestion) à 10 (gestion excellente).
Figure 1: ventilation par âge des réponses à la question “ Comment le Hong Kong Health Department a-t-il géré la pandémie de COVID-19?”
Les raisons avancées pour le refus de participer au programme de dépistage de masse, sont résumées dans le tableau ci-dessous:
Analyse du sondage
Reconnaissons tout d’abord les limites de ce sondage. Il ne s’agit pas d’une étude rétrospective mais d’une évaluation de l’intention des participants de se faire tester. D’autre part, la patientèle d’OT&P n’est pas représentative de la population hongkongaise ; en effet cette cohorte est plus internationale, présente un biais en terme de facteurs sociaux-économiques et en général plus âgée. Elle avait déjà participé à une étude stratifiée par âge, aussi les patients les plus jeunes sont-ils sous-représentés. Des études complémentaires seront nécessaires pour comprendre si le taux de réponse inférieur, de la part des jeunes, est lié à la conception même de l’étude (utilisation de l’email plutôt que des réseaux sociaux) ou s’ils sont juste moins à l’aise à l’idée d’exprimer leur opinion. Quoiqu’il en soit, il existe une corrélation entre l’âge et l’intention de participer au dépistage ; et dans notre cohorte, les patients les plus jeunes sont ceux qui ont le moins l’intention de participer au programme.
Par ailleurs, cette cohorte de patients a une image plutôt positive de la manière dont le Hong Kong Health Department a géré la pandémie: la note médiane est de 7/10 et 67% des patient évaluent la performance a 7/10 ou plus. Nonobstant l’opinion favorable de la prise en charge passée de la pandémie, l’intention de participation au programme de dépistage de masse est plutôt faible (19%). Il sera interessant de comparer ces résultats avec les chiffres finaux à l’issue du programme pour avoir une idée de la représentativité de notre cohorte.
La raison majeure invoquée pour refuser le dépistage est la crainte de l’hospitalisation obligatoire ou de la mise en quarantaine des contacts proches (35%). C’est en particulier le cas pour les familles, et la séparation des enfants constitue le commentaire le plus fréquent dans les réponses libres. Pour les patients de 19-34 ans, 54% considèrent que la quarantaine est l’obstacle majeur au dépistage, ce qui fait écho à ce que nous entendons au quotidien lors des consultations. Proposer une quarantaine à domicile pour les contacts et les patients asymptômatiques permettraient d’augmenter significativement la participation de la communauté au programme de dépistage volontaire.
L'intérêt d'un large dépistage Covid
Les doutes concernant l’intérêt d’un programme de dépistage dans le contexte actuel constitue la seconde raison la plus invoquée (23%). Peu mise en avant par les plus jeunes, cette explication devient la raison principale des plus de 60 ans (42%). De nombreux médecins ont également exprimé des doutes au sujet du programme actuel, et il existe un véritable débat sur les conséquences du dépistage d’une population entière par rapport au dépistage sélectif de cohortes à haut risque. On peut également s’interroger sur la valeur prédictive positive d’un dépistage généralisé alors que la prévalence de la maladie est faible: il s’agit d’un problème technique impliquant que, même avec les meilleurs kits de dépistage disponibles, la probabilité qu’un résultat positif se révèle être un faux positif augmente à mesure que la maladie devient moins courante. Aussi, les experts médicaux s’accordent aujourd’hui sur le fait que dépister plus largement est une bonne chose et que les tests utilisés sont bons; les débats portent sur la population à sélectionner, le timing du programme et le rapport bénéfice/risque.
Dissiper les craintes
La crainte concernant la sécurité des données et de l’ADN est la troisième raison invoquée dans cette enquête (20%).
Au final, les facteurs clefs de la gestion des épidémies de maladies infectieuses sont la communication et l’honnêteté des informations. La politisation des actions de santé publique, en portant atteinte à la confiance placée en les institutions de santé publique, peut finir par nuire à la santé des populations. Nous continuons d’affirmer que Hong Kong bénéficie à la fois d’une expertise de la gestion des maladies infectieuses et d’un système de prise en charge de très grande qualité. En effet, la Santé Publique, la virologie et l’épidémiologie ont toujours tenu une place importante à Hong Kong et sont internationalement reconnus.
La compréhension des conséquences de la maladie sur les individus et sur le système de santé continue de progresser. Les interventions de santé publique doivent, dès lors, concilier cet aspect avec leurs couts sociaux et économiques, en particulier dans le contexte spécifique des besoins sociaux, culturels et économiques de la population de Hong Kong.
Référence
1. Raffle, A., Pollock, A., & Harding-Edgar, L. (2020, August 20). Covid-19 mass testing programmes. Retrieved September 03, 2020, from https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3262