En Asie, il arrive que le traducteur ait les oreilles qui sifflent… Entre des langues aussi éloignées que le mandarin, le cantonais, le japonais et des langues occidentales, les malentendus viennent pourtant souvent plus de l’interprétation que de l’interprétariat, chacun faisant dire à l’autre ce qu’il aimerait qu’il dise, ou au contraire ce qu’il craint le plus. Voici quelques exemples loufoques... ou tragiques.
Grossir en faisant du sport
Nike a découvert à ses dépens que deux caractères juxtaposés changent parfois de sens… La langue chinoise est en effet férue de jeux de mots. En brodant les caractères fa發 et fu福 sur les sneakers de son édition Air Force One, Nike promettait respectivement "prospérité" et "chance" à ses clients. Malheureusement, mis côte à côte, ces deux caractères signifient "grossir", pas vraiment ce qu’on souhaite quand on achète des chaussures de sport.
Costumes pour losers
Goldlion (marque de vêtements hongkongaise pour hommes) a fait une expérience similaire liée à l’homophonie en chinois. Pour des Hongkongais, la traduction de la marque (déposée en anglais: Goldlion) vers le chinois mandarin allait de soi: "or" se dit jin金, "lion" se dit shi狮, "goldlion" devenait jinshi 金狮, traduction qui ne pose aucun problème à l’écrit. A l’oral, en revanche, shi狮 lion est homophone en chinois mandarin de shi失 "perdre". En s’habillant Goldlion, on risque donc de perdre son or, ou sa richesse. La traduction de la marque a évolué en jinlilai金利来, "l’or vient favorablement".
Téléphone phallique
La campagne Apple pour l’Iphone 7 a bien faire rire les Chinois parlant cantonais. La traduction du slogan d’Apple, "This is 7", semblait pourtant un jeu d’enfant, mais le géant américain est tombé dans le piège de l’homophonie en cantonais. Sept se prononce en effet "chat", ce qui signifie également "pénis". La publicité Apple à Hong-Kong signifiait tout simplement: "Ceci est pénis". Mêmes causes mêmes effets, le grand rival d’Apple, Samsung, a rencontré le même problème à Hong-Kong à la sortie de son Galaxy Note 7.
Mangez vos doigts!
KFC, dont le slogan aux Etats-Unis est depuis les années 1950 "Finger lickin’ good" a traduit celui-ci littéralement à son arrivée en Asie dans les années 1980. La bizarre traduction shunzhihuiweilewuqiong吮指回味乐无穷 ressemblait plutôt à "Eat Your Fingers Off". Encore heureux que KFC ait les moyens de faire une erreur marketing à son entrée sur un tel marché: une petite marque y aurait peut-être perdu toute opportunité. Pour la petite histoire, le slogan "Finger lickin’ good" vient d’être suspendu au Royaume-Uni ce 16 mars, dans le contexte du coronavirus, pas très hygiénique.
Eléphant de poche
Les traductions ridicules vers l’anglais pullulent, souvent liées à l’utilisation de logiciels de traduction automatique. Certaines erreurs sont cependant plus subtiles, très ancrées dans la culture. Ainsi, une marque chinoise de piles, Baixiang白象, voulait tenter l’export et a voulu traduire le nom de sa marque. Les équipes ont commencé par une traduction littérale: bai白 est "white", xiang象 est "elephant". Très positif en chinois, l’éléphant blanc symbolise la chance, comme dans tout pays à tradition bouddhiste. Mais dans les pays anglophones, la connotation est négative: un "white elephant" est quelque chose d’embarrassant et de très cher, un produit superflu, pas très vendeur donc. C’est pourquoi la traduction "pet elephant" a finalement été retenue: elle est associée à un éléphant petit et mignon, un éléphant de poche en somme, plus adapté à une pile.
Le drame d'Hiroshima
Dans un registre tragique, il semble qu’une erreur de traduction soit à l’origine du largage de la bombe atomique sur Hiroshima le 6 août 1945, et sur Nagasaki trois jours plus tard, drame qui a causé la mort de 250 000 personnes. A l’issue de la conférence de Potsdam, du 17 juillet au 2 août 1945, 39 jours avant Hiroshima, les Alliés mentionnaient dans la déclaration de Potsdam: "Nous appelons le gouvernement du Japon à prononcer aujourd’hui la capitulation sans conditions de toutes les forces armées japonaises. […] Sinon, le Japon subira une destruction rapide et totale". Cette proclamation qui s’apparente à un ultimatum, appelait une réponse officielle du gouvernement japonais. Le gouvernement japonais, pressé par les médias de répondre, répond alors un unique mot: "Mokusatsu".
"Mokusatsu" est un mot composé de deux kanji: 黙moku signifie "silence", 殺satsu, équivaut à "tuer". Littéralement, ce mot signifie donc "tuer en silence". Mais ce terme peut aussi signifier: "ne pas tenir compte de", "ignorer", "sans commentaire", ou même "traiter avec mépris". C’est ce dernier sens que la presse va retenir quand elle titre: "The Imperial government of Japan will take no notice of this proclamation". Harry Truman interprète la réponse comme du mépris. Des années plus tard, Harry S. Truman déclarera: "Quand nous leur avons demandé de capituler à Potsdam, ils nous ont répondu d’un ton méprisant… C’est tout ce que j’ai obtenu. Ils m’ont dit d’aller me faire foutre […]". En fait, le Premier ministre japonais expliquera plus tard qu’il voulait simplement dire "sans commentaire".
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