De passage à Hong Kong pour l’exposition Nouvelle Vague présentée à La Galerie Paris 1839 en partenariat avec l’Alliance Française et le Festival du French May et un mois de résidence artistique, Chantal Stoman explore la ville avec son regard singulier, entre photographie et cinéma. Entretien.


Hong Kong, où le passé et le présent s’entrelacent
Vous êtes connue pour vos projets photographiques autour des grandes villes. Pourquoi revenir à Hong Kong aujourd’hui ?
Hong Kong est une ville très particulière pour moi. J’y suis venue pour la première fois en 1997, à l’époque pour un reportage de mode. Ce n’était qu’un court séjour, mais déjà, j’avais été fascinée par l’aspect visuel de cette ville, par sa densité et sa beauté, et par cette manière si frappante dont la tradition y reste visible. C’est ma quatrième venue ici, mais aujourd’hui, je ne voyage plus de la même manière. Je reste plus longtemps, je prends le temps de ressentir la ville. Le temps est le vrai luxe du photographe.
La mode n’est qu’un prétexte
Votre exposition à Hong Kong, Nouvelle Vague, rassemble des photos de mode anciennes. Quel est le fil conducteur de ces images ?
Ces photographies datent pour certaines d’il y a vingt ans, pour d’autres de seulement quelques années. Mais à chaque fois, ce n’est pas la mode qui m’intéressait. Le sac à main, la robe, sont secondaires. Ce que je voulais montrer, c’était une histoire. J’étais influencée par des photographes comme William Klein ou Guy Bourdin, qui faisaient de la mode un prétexte pour dire autre chose. Les gens regardent les décors, rêvent de Tokyo, de Paris, de Rio... et moi, je leur raconte ces villes à travers les photos.

La Nouvelle Vague, c’est une idée de liberté
Le titre de votre exposition fait référence au cinéma français. Pourquoi Nouvelle Vague ?
Depuis quelques années, je réalise aussi des documentaires. Le cinéma m’inspire énormément. Je ne veux pas juste faire des images, mais des séries avec une narration. Le terme Nouvelle Vague fait bien sûr référence au mouvement cinématographique français, mais aussi à l’idée de liberté qui l’accompagne. Et puis, dans les lieux photographiés – escaliers, rues, espaces urbains – il y a quelque chose de cinématographique, presque scénarisé.
Révéler l’histoire que nous portons en nous
Vous avez photographié des villes comme Tokyo, Bombay, Rio... Qu’est-ce qui vous attire dans les métropoles ?
Je cherche toujours à comprendre comment l’histoire d’une ville se manifeste dans son quotidien. Comment les gens vivent avec leur passé, ce qu’ils en font. Chaque ville a une manière particulière de porter son histoire. À Tokyo, j’ai exploré le lien entre les femmes, la ville et la mode. À Paris, ce sont les lieux touristiques qui disent quelque chose. À Hong Kong, c’est ce mélange si dense entre passé et modernité. Partout, je tisse ce même fil : celui de la mémoire des lieux.

A Hong Kong, tout raconte quelque chose
Pouvez-vous donner un exemple de cette cohabitation passé-présent à Hong Kong ?
Oui, bien sûr. Prenez le ferry. Ce bateau, qu’on voit partout, qui traverse la ville, est un lien entre les quartiers, entre les gens. Il est là depuis toujours, ou presque, et il raconte une histoire. C’est un élément de poésie dans une ville ultra moderne. Il me touche profondément. Il symbolise ce que j’aime capter : le visible qui raconte l’invisible.
Je suis venue avec un projet sur les oiseaux
Vous êtes en résidence pour préparer un nouveau documentaire. Quel en est le sujet ?
Le projet s’appelle Le Cantique de l’Oiseau. Je voulais explorer la place des oiseaux à Hong Kong. Ils sont partout : en cage, en liberté, dans les sons. Mais en arrivant, j’ai découvert que leur présence domestique disparaît progressivement, à cause des maladies. Ce fut une mauvaise surprise… Mais j’ai une philosophie, inspirée d’Agnès Varda : il faut laisser place au hasard. Je me perds dans la ville pour mieux la découvrir. Et je suis certaine que quelque chose de nouveau va émerger.
Je suis réalisatrice entre parenthèses
Votre documentaire La La End sera projeté à Hong Kong. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est un film tourné à Los Angeles, présenté le 4 juin au Fringe Club. Le titre est un clin d’œil à La La Land, mais ici c’est End pour marquer la fin d’un rêve ou d’une époque. Le cinéma est venu à moi un peu par hasard, lors d’un projet photo à Ome, au Japon. Là, j’ai compris que parfois, la parole est nécessaire. Elle permet de raconter ce qui n’est plus visible .
À voir jusqu’au 22 juin
L’exposition Nouvelle Vague de Chantal Stoman est visible à La Galerie Paris 1839 jusqu’au 21 juin. Les projections de ses films sont annoncées sur le site de l’Alliance Française.
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