Chaque année depuis maintenant vingt-sept ans, le festival culturel Le French May se tient à Hong Kong pendant 4 mois. Son fondateur est un hongkongais au parcours atypique qui a développé un lien particulier avec la France.
Quand Andrew Yuen était au lycée, la culture à Hong Kong se vivait au City Hall. “Le Musée d’Arts était là-bas. Si vous vouliez aller à un concert il fallait aller au City Hall. Il n’y avait rien d’autre”. Lui a toujours été en contact avec l’art et la culture; mais ne se destine pas à une carrière artistique. Il part en Californie pour ses études, avant de s’installer pour deux ans à Paris pour un premier emploi chez Peugeot. “Un peu par hasard (...) ça aurait pu être ailleurs”. Deux années dont il garde le souvenir d’une succession d’expositions, de ballets et de concerts. Son amour pour la France ne le quittera plus, sa passion pour l’art, en particulier pour la danse, non plus.
Entrepreneur, il crée une société qui conçoit des compteurs électroniques pour les vélos et repart à Hong Kong pour la développer. “Quand je suis revenu, j’ai remarqué la différence entre la vie à Paris et la vie ici. Dans les années 80, Hong Kong était à peu près un désert culturel. ça a été un vrai choc”. Il siège au Conseil d’administration de l’Academy for Performing Arts. En observant les étudiants, il fait un constat: “Ils n’avaient pratiquement pas d’occasions de rencontrer des artistes internationaux (...) Il faut bien se rappeler qu’il n’y avait pas Internet à ce moment là. Tout ce qu’on apprenait venait des livres (...) Parfois, une compagnie de danse se produisait, ou un orchestre. Mais vraiment, ce n’était pas grand chose”. Alors quand le Consul Général de France de l’époque, Laurent Aublin, lui parle de son projet de créer un festival d’art français, il saute sur l’occasion. Oui, à la condition que les étudiants puissent en tirer profit. Poignée de mains entre les deux hommes: le pacte est scellé. Pour la première édition, ils réussissent à faire venir une exposition consacrée à Auguste Rodin. Le French May est né.
Depuis, le festival se tient tous les ans, prend chaque année plus d'importance et explore tous les champs artistiques. Andrew Yuen y travaille sans relâche. Le festival a acquis une solide réputation en France, les artistes ne se font pas prier pour venir. La difficulté est ailleurs et souvent dans les contraintes logistiques: c’est un numéro d’équilibriste. Le souvenir de la vingtième édition est particulièrement douloureux. “Faire venir Picasso a été un vrai cauchemar. On pensait que le nom de Picasso suffirait à nous ouvrir les portes. Mais non! Le Musée des Arts nous a été refusé! Vous pouvez le croire? (...) J’ai été partout! J’ai même envisagé de l’organiser dans un centre commercial”. Se livrer n’est pas un exercice qu’Andrew Yuen affectionne particulièrement, mais en évoquant cet épisode il ouvre grand la porte et on peut sentir toute la détermination qui l’anime. L’exposition s’est finalement tenue au Heritage Museum de Shatin. Depuis il a fait venir Monet — son plus beau souvenir — mais aussi des artistes contemporains moins célèbres “On veut tout faire, partout, pour le plus de monde possible”. Le festival remplit ses promesses. Chaque année ce sont des centaines de billets gratuits qui sont offerts aux étudiants, des master class sont organisées. C’est sans doute sa plus grande satisfaction. “Imaginez! Un apprenti pianiste, à qui on donne la possibilité de jouer pour un musicien de renommée mondiale, de lui parler, pendant 30 minutes!”, Convaincre, encore et toujours, innover: “Le plus dur, ce n’est pas de choisir qui on veut faire venir, c’est de décider à quoi on renonce”.
Andrew Yuen est devenu l’un des visages de la culture française à Hong Kong... Son histoire d’amour avec la France remonte à l’enfance. Lui qui passait ses vacances près de Chinon chez le meilleur ami de son père a transmis le virus à son fils, qui parle couramment le français et envisage d’y faire ses études. Trois générations d’hommes qui entretiennent des liens étroits avec la France. A la fin de l’entretien, il dit un peu timidement, presque avec malice “des fois je me dis que j’ai peut-être été français dans une autre vie”.
Article écrit par Catherine Boulet-Gercourt pour Paroles, le magazine culturel de l'Alliance Française
Numéro #259 Avril / Juin 2019 - consultable ici
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