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L'affaire du mannequin Abby Choi démembrée à Hong Kong

Abby ChoiAbby Choi
Début février, quelques semaines avant son assassinat, la mannequin et socialite Abby Choi prenait la pose à Paris. © Instagram @xxabbyc
Écrit par Noémi Lecoq
Publié le 8 mars 2023, mis à jour le 14 juin 2023

Elle s’appelait Abby Choi, avait 28 ans, quatre enfants et était mannequin hongkongaise. Quelques jours après qu'elle a été portée disparue fin février, son corps démembré a été retrouvé dans la partie nord de la ville. Son ex-mari et des membres de son ex-belle-famille sont suspectés du meurtre et ont été arrêtés. Retour sur un des meurtres les plus sanglants de l'histoire récente de Hong Kong.

Hachoir à viande, scie à métaux et restes humains 

Un hachoir à viande, une scie à métaux, des couperets, un crâne et des côtes dans une marmite au milieu de graisse et de légumes bouillis, des jambes de femme dans un réfrigérateur… voici la scène macabre que les policiers ont découverte dans un appartement d’une maison de village de Lung Mei Tsuen (dans le district de Tai Po) vendredi 24 février. Après analyse, la police a confirmé qu’il s’agissait bien de la jeune femme qu’ils cherchaient, disparue trois jours plus tôt, Abby Choi, mannequin et personnalité des réseaux sociaux. Vue pour la dernière fois le 21 février alors qu’elle quittait sa résidence d’un quartier huppé, conduite par son ex-beau-frère, elle n’avait plus donné signe de vie depuis. Dès le 25 février, son ex-mari, Alex Kwong dont elle est séparée depuis 6 ans, a été arrêté alors qu’il tentait de fuir la ville en bateau rapide. Le frère et le père de celui-ci ont également été arrêtés. Les trois individus sont accusés de meurtre tandis que la mère est accusée d’avoir détruit des preuves.

Une dispute familiale à l'origine du meurtre

Présentés tous les quatre au tribunal de Kowloon le 27 février, les accusés ont stoïquement écouté les charges retenues contre eux et seront à nouveau présentés devant la justice le 8 mai ; le procureur ayant demandé un ajournement de 10 semaines afin que l’enquête puisse se poursuivre, de l’examen médico-légal des preuves saisies dans la maison à l’analyse des enregistrements des conversations téléphoniques des accusés.

Car plusieurs zones d’ombre subsistent. Les causes de cet assassinat n’ont pas encore été clairement établies par les enquêteurs qui suspectent toutefois une dispute familiale autour d’une luxueuse propriété de Kadoorie Hill (l’un des plus prestigieux quartiers résidentiels de Hong Kong). D’une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars, elle avait été achetée il y a quelques années par Abby Choi et mise au nom de son beau-père. Récemment, la jeune femme aurait fait part à son ex-belle-famille, dont certains membres habitaient le lieu, de son intention de le revendre tout en s’engageant à les reloger. Cette décision aurait provoqué la colère des accusés et plus particulièrement celle de l’ex-beau-père, ancien officier de police aujourd’hui suspecté d’être l’instigateur de ce meurtre sordide.

Une boucherie soigneusement préméditée

Les enquêteurs penchent pour un meurtre « prémédité » et « soigneusement planifié ». Le lieu tout d’abord où les suspects se sont livrés à leur boucherie, avait été loué en février par l’amante de l’ex-beau-père, une femme qui a été arrêtée et longuement interrogée pour avoir également loué un appartement à TST qui a servi de planque à Alex Kwong. Ce serait l’analyse des données GPS de la voiture dans laquelle Abby Choi est montée ainsi que des images de vidéosurveillance qui auraient conduit la police jusqu’au lieu du carnage. Quand les enquêteurs ont pénétré dans l'appartement, il n'était pas meublé, les murs protégés par une voile de bateau, et en sus des restes humains et des outils, les policiers ont découvert des protections pour le visage et des imperméables « afin que [les meurtriers] ne soient pas tachés de sang en démembrant le corps », a déclaré Alan Chung de l’unité criminelle régionale de Kowloon West.

Rajoutant au sordide, les policiers cherchent encore les bras et le torse d’Abby Choi. Après que des images de vidéosurveillance ont montré l’un des suspects transportant des sacs depuis la scène de crime jusqu’à une décharge (un jour après la disparition de la jeune femme), une centaine de policiers a ratissé l’endroit à la recherche des parties manquantes du corps. Sans plus de succès que lors de leurs précédentes recherches dans un cimetière de Tseung Kwan O où s’étaient rendus l’ex-beau-frère et le père ou encore dans les égouts de Lung Mei Tsuen.

Pas moins de 7 personnes impliquées

Alan Chung, superintendant en charge de l’enquête, expliquait le 26 février avoir la conviction qu’Abby Choi avait été attaquée dans le véhicule qui la transportait car des éclaboussures de sang ont été trouvées à l'intérieur. Celles-ci seraient le résultat d’un coup reçu à l’arrière du crâne selon les analyses. Les accusés n’ont pas été loquaces, regrette Chung, entravant cette scabreuse enquête. On en sait tout juste un peu plus sur la personnalité trouble de l’ex-mari, sans emploi mais résidant dans un appartement cossu à Kowloon. Celui-ci était déjà connu de la justice pour une affaire de vol remontant à 2015. Lors de son arrestation le 25 février au Tung Chung Development pier alors qu’il tentait de fuir, Alex Kwong était en possession de 500 000 HK$ en liquide ainsi que de montres représentant près de 4 millions de dollars hongkongais.

Le 6 mars, une sixième personne a été arrêtée, un homme de 41 ans loueur de yacht qui moyennant 300 000 HK$ aurait tenté d’organiser l’évasion de l’ex-mari vers Macao. Le lendemain une femme a été appréhendée par les autorités de Chine continentale. Âgée de 29 ans, elle est, quant à elle, suspectée d’avoir aidé l’ex-mari dans sa tentative de fuite. Transférée à Hong Kong, elle devrait être poursuivie pour complicité.

 

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Une présumée complice de l'ex-mari a été arrêtée de l'autre côté de la frontière et remise aux autorités hongkongaises le 7 mars dans le port de Shenzhen. 
@ Hong Kong Police Force

Arnaque immobilière mise en évidence

Cet assassinat aura toutefois permis de mettre en lumière des irrégularités concernant l’achat de logements subventionnés encadré par le gouvernement. L’enquête a en effet révélé que l’ex-beau-père de Choi, Kwong Kau, 65 ans, était propriétaire d’un appartement subventionné de 27 m2 vendu dans le cadre du programme gouvernemental d’accession à la propriété et acquis pour 2,18 millions de dollars HK en juillet 2020, soit 59 % de la valeur du marché. Ce programme doit normalement permettre aux personnes vivant dans des logements locatifs publics ou à celles dont les revenus et les actifs ne dépassent pas un certain seuil (66 000 dollars bruts mensuels pour une famille ou plus de 1,85 million de dollars d’actifs) d’accéder à la propriété. Problème : neuf mois avant cette acquisition par Kwong, l’ex-beau-père est officiellement devenu propriétaire de l’appartement de Kadoorie Hill de 170 m2 d’une valeur de 73 millions de HK$, financé par Abby Choi. La secrétaire permanente au logement, Agnes Wong Tin-yu, interrogée sur les lacunes du système de vérification de l’éligibilité à l’achat de ces appartements subventionnés, a reconnu que le gouvernement n’avait pas vérifié les revenus et actifs des candidats de la seconde catégorie depuis le lancement du programme dans les années 1970.

« Nous visons à mettre en œuvre un nouvel arrangement lors de la prochaine série de ventes de logements subventionnés » a-t-elle assuré. Le programme a initialement pour but de libérer des logements sociaux en permettant à leurs occupants d’accéder plus facilement à la propriété. En fin d’année dernière le temps d’attente moyen pour obtenir un logement social à Hong Kong était de 5 ans en demi, révèle le South China Morning Post avec plus de 130 000 candidats en souffrance.

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