Ancrées dans l’imaginaire des films hongkongais de la grande époque, les triades font parfois irruption dans les faits divers ou l’actualité brûlante des communautés chinoises à Hong Kong, Macao ou dans les diasporas. Peut-on en savoir un peu plus sur le Hong Kong underground?
Double Face
Les triades tirent leur origine des sociétés et fonds d’entraide liés à la solidarité des communautés chinoises. Leur plus lointain ancêtre avéré est la “Heaven and Earth Society“, fondée en 1760. Certaines triades sont liées à de grands mouvements révolutionnaires chinois: le Lotus Blanc, les Taiping, les Boxers. En 1911, le clan Hung, qui luttait contre l’empire Mandchou des Qing, permet l’avènement de la première république chinoise. Les rebelles se retrouvent sans cause, sans ennemi ni véritable raison d’être. Certains membres ne retrouveront pas leur mode de vie normal et vont former les premières triades modernes. D’autres, comme Sun Yat-sen qui est une grande figure de l’organisation, transformeront leur héritage.
Le développement des triades à Hong Kong s’accélère en 1949, quand la Chine déverse sur la colonie toutes sortes de réfugiés. On estime à 300.000 le nombre de membres de triades dans les années 1950. Le colon britannique n’aime pas les sociétés secrètes mais agit peu. Les émeutes de 1956 laissent peu de choix aux gouverneurs d’alors: il faut nettoyer. Alors que la police hongkongaise est totalement noyautée par les triades, et que les films de l’époque ne noircissent qu’à peine la réalité, des opérations fortes sont menées. En 1974, la Commission Indépendante contre la Corruption [de la police] est créée, police des polices, suivi d’un Bureau contre le crime organisé et les triades.
Pendant les années 1980-1990, les différentes triades, affaiblies, se spécialisent par région d'origine ou par secteur d'activité. Le clan Sun Yee On, par exemple, infiltre l’industrie cinématographique, avec une image ambiguë. On pense au décès énigmatique de Bruce Lee. Jet Li, lui, a toujours préféré rester proche de cette sphère, après l’assassinat de son manager en 1992, considérant que la triade le protégeait.
Tatouages et compagnie
Au-delà de leur côté sulfureux, les triades ont aussi de vraies valeurs. C’est sans doute plutôt là qu’on trouve Sun Yat-sen. La symbolique du triangle représente ici l’harmonie entre le Ciel, la Terre et l’Homme. Les triades ont leurs rites de passage, pratiquent la cooptation et font vœu de fraternité, ils se réunissent dans des lieux particuliers, y développent des moyens de reconnaissance (on se serre la main d’une manière particulière, en levant trois doigts de la main gauche). Le tatouage est donc bien un cliché!
L’organisation des triades est lâche, presque aussi difficile d’accès qu’un organigramme matriciel! Les triades définissent leurs rangs par des trigrammes tirés de la numérologie du Yi Jing (I Ching). Le Dragon Master est 489, suivi du 438 son deputy. Un chef militaire ou Red Pole est 426. Le financier, White Paper Fan, est 415. Un agent sous couverture est 25. 25 signifie d’ailleurs toujours "agent infiltré".
Et aujourd’hui?
Aujourd’hui, des dizaines de triades sont paraît-il actives, avec jusqu’à 30.000 membres pour 14K, Sun Yee On et Wo Shing Wo. Les triades vivent avec leur temps. Première tendance, la globalisation: en janvier 2018, ainsi, la police italienne a arrêté 33 personnes connectées aux triades dans le cadre de l’opération China Truck. Le groupe était très actif en Italie, mais aussi en France, en Espagne et en Allemagne. Deuxième tendance, la diversification par le haut: la triade ancienne mode se rapproche aujourd'hui du grand banditisme. On les accuse de toutes sortes de trafics, blanchiment d'argent, collusion avec un certain monde des affaires. Les Etats-Unis affirment que la solution au trafic de métamphétamines vers les Etats-Unis passe par Pékin, le sud de la Chine étant pointé du doigt comme zone de transit.
A Hong Kong, les triades sont associées aux violences de Yuen Long, quand le 21 juillet dernier une centaine d'hommes en blanc visiblement habitués à la violence ont tabassé des passagers du MTR après une journée de manifestations. Le délai entre les appels au secours et l'arrivée sur place de la police (30 minutes), le fait que les hommes en blanc aient disparu une minute tout juste avant l'arrivée des forces de l'ordre, continuent de hanter les esprits: hasard? collusion? Les réseaux sociaux véhiculent les rumeurs les plus folles.
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