Hymne national chinois : pourquoi cette controverse ?

Un projet de loi chinois visant à sanctionner les atteintes à l'hymne national suscite beaucoup de réactions à Hong Kong. La raison principale est qu'il s'agit d'une loi votée à Pékin? appliquée à Hong Kong.

Légiférer sur les emblèmes ou l'hymne national n'a jamais fait l'unanimité. En France, alors que La Marseillaise avait été sifflée lors de rencontres sportives, l'adoption d'une loi répressive en 2003 avait déclenché de vives polémiques. Les motifs : patriotisme forcé et entrave à la liberté d'expression.

Pour La Marche des volontaires, l'hymne chinois entonné également à Hong Kong, c'est un peu les mêmes raisons. Mais un problème d'envergure s'y ajoute : les lois chinoises n'ont pas vocation à s'appliquer à Hong Kong.

Or, d'après les informations dévoilées par une agence de presse officielle en Chine, Beijing News, une loi préparée par Pékin vise non seulement la Chine mais aussi Hong Kong. Cette révélation a mis le feu aux poudres. Alors que cette loi est en cours de relecture par le Comité permanent de l'Assemblée Nationale, on apprenait lundi que le gouvernement chinois avait la ferme intention de la faire appliquer par Hong Kong dès le mois d'octobre.

L'autonomie de Hong Kong en matière législative est pourtant garantie par la mini-constitution de Hong Kong (la Basic Law). En conséquence, seules les lois votées par le parlement de Hong Kong ont vocation à s'appliquer localement. La Basic Law prévoit toutefois la possibilité d'appliquer directement certaines lois nationales en les ajoutant dans une annexe spéciale.

L'hymne national serait un nouvel ajout, le troisième seulement depuis 1997, aux côtés de lois sur l'armée chinoise, l'immunité diplomatique et?le drapeau et les emblèmes nationaux.

Que prévoit la loi ? de bien chanter ?

 La loi, en cours de relecture, est large. D'abord, elle viserait l'interdiction de toute diffusion dans des endroits ou à des moments inappropriés : lors de funérailles, en musique d'ambiance dans des lieux publics et pour des publicités. Elle semble aussi prescrire l'attitude à adopter lors d'évènements publics en exigeant des participants de se lever solennellement. Un dernier volet prévoirait l'inscription de l'hymne dans les programmes éducatifs pour renforcer le sentiment de patriotisme.

Finis donc les matchs de football où le public hongkongais s'était fait remarquer en huant l'hymne national (vidéo YouTube rappelant les sanctions prises par la FIFA en 2015).

L'agence Beijing News a révélé également la peine encourue en cas d'infraction. Le contrevenant est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux semaines.

Les réactions ont donc été nombreuses dès lundi. Beaucoup ont dénoncé une entrave à la liberté d'expression. Quant aux pro-démocrates, ils condamnent une énième ingérence de la Chine dans les affaires locales.

Carrie Lam, la nouvelle cheffe du gouvernement de Hong Kong, a communiqué dès mardi alors que la polémique enflée. « Je pense que protéger la dignité de l'hymne national est l'obligation et la responsabilité du gouvernement comme de celle de tout citoyen chinois » . Elle regrettait que la division de la société s'applique dorénavant à tout sujet. « L'hymne national ne comporte pas d'élément politique en soi, nous devons le traiter comme une pièce du dispositif national, une loi à l'échelle de la Chine et l'appliquer à Hong Kong en respectant la Basic Law ».

En octobre, le gouvernement aura la possibilité de promulguer la loi chinoise sans la modifier ou bien de légiférer sur le sujet. Certains experts et juristes considèrent que légiférer et en limiter la portée seraient une issue probable. Preuve en est, les outrages au drapeau national (une des lois nationales figurant dans l'annexe) sont punis à Hong Kong par une amende 50,000 HKD alors qu'en Chine, ils peuvent être sanctionnés par une peine de prison de 3 ans.

Marc Schildt (lepetitjournal.com/hong-kong) - mercredi 31 août 2017