Yuen Woo Ping est assurément un des plus grands chorégraphes d’action que le cinéma de Hong Kong a enfanté. On lui doit la starification de Jackie Chan (Le Maître Chinois), la découverte de Donnie Yen ou encore la démocratisation des chorégraphies de Kung Fu à Hollywood (Matrix, Kill Bill).
Avec Master Z: The Ip Man Legacy, le légendaire chorégraphe reprend ici le personnage de Cheung Tin Chi, apparu dans Ip Man 3, pour proposer un spectacle d’action riche en chorégraphies martiales ancré dans le Hong Kong des années 1960.
Lepetitjournal.com (Arnaud Lanuque): Vous réalisez Master Z, qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce projet?
Yuen Woo Ping: Quand j’ai travaillé sur Ip Man 3, j’ai trouvé que le personnage de Cheung Tin Chi était vraiment fascinant. Faire un film uniquement sur lui offrait la possibilité de le développer encore davantage. Raymond Wong [le producteur] m’a demandé si j’étais intéressé pour le réaliser et j’ai accepté.
Est-ce que vous avez été associé à l’écriture du script?
J’ai fait un certain nombre de suggestions. La plupart portaient sur les scènes d’action mais j’ai également proposé que la relation père/fils soit davantage au centre du récit. Je voulais également mettre en avant la vie, l’atmosphère à Hong Kong dans les années 60. Nous avons tourné dans un studio à Fo Shan [NDA : Il s’agit du même studio dans lequel fut tourné House of the Rising Sons]. Ils ont des rues recréant le vieux Hong Kong mais j’ai demandé au directeur artistique qu’il rajoute des signes en néon afin de renforcer encore l’ambiance.
Vous concevez des scènes d’action depuis plus de 40 ans. Est-ce difficile d'apporter quelque chose de nouveau à chaque fois?
On me pose souvent cette question. Bien sûr, tout travail créatif a son lot de difficultés mais, pour moi, cela n’est pas si compliqué. Je me base toujours sur le scénario, les personnages et le contexte général. A partir de ces éléments, il m’est facile de designer une scène d’action. Je ne sais pas à quoi cela tient, c’est un peu étrange, mais tout cela me vient très naturellement. Tout dépend donc énormément du scénario. S’il est bon, ce sera plus facile d’avoir de l’inspiration pour les scènes d’action. Sinon, ce sera plus difficile.
Un autre aspect important dans la conception d’une scène de combat, c’est de définir le degré de maîtrise en arts martiaux du personnage. En pratique, il y a deux cas : quand un réalisateur est très impliqué, nous travaillons sur l’action de manière collaborative. Cela génère plus d’idées et de créativité. Mais certains réalisateurs préfèrent vous laisser gérer intégralement les scènes d’action. C’est un peu plus difficile dans ce dernier cas. En ce qui concerne la mise en scène dans Master Z, j’ai privilégié des plans longs car ils permettent au public d’apprécier davantage l’action et les réactions. J’ai fait un usage minimal des câbles, essentiellement pour accentuer les réactions.
Quel type de difficultés y a-t-il à réaliser une scène de combat dynamique avec des acteurs du gabarit d’un Mike Tyson ou ici Dave Bautista?
Dans le cas de Dave, ce qui est intéressant, c’est qu’il n’est pas lent du tout. Et bien sûr, il a énormément de force. Donc, lors de son combat avec Max, j’ai essayé de concevoir la scène de manière à ce qu’il puisse montrer son style, ses points forts. C’est pour ça que nous avons incorporé un certain nombre de projections, étant donné que c’est un ancien catcheur. Au début du tournage, Dave manquait de confiance en lui. Il n’avait jamais tourné de scène d’action avec le style Hong Kongais. Il était frustré parce qu’il pensait ne pas être au niveau. Il a fallu que je le rassure, que je lui dise de ne pas s’inquiéter et que, si c’était vraiment mauvais, je lui dirais et on referait le plan. Après avoir tourné quelques plans, j’ai demandé au monteur de les mettre en forme et l’ai montré à Dave pour qu’il acquière davantage de confiance en lui pour le reste de la scène. Et ça a marché.
Entretien réalisé par Arnaud Lanuque le 29/11/2018.
Remerciements à Wan Yeung