Édition internationale

WWII (1) – "La Seconde guerre mondiale" d’Antony Beevor

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 mars 2013

Que peut-on bien encore apprendre sur la Seconde guerre mondiale ? La littérature est si abondante sur le sujet que tout semblait déjà avoir été écrit. Mais c'était sans compter le célèbre historien anglais Antony Beevor qui vient de publier une somme vigoureuse et novatrice sur ce qui fut "le plus grand désastre d'origine humaine de l'histoire". En 50 chapitres, il reprend tout, change le cadrage, bouleverse nos certitudes, avec force détails sur ce conflit qui fit plus de 60 millions de morts, mêlant analyses stratégiques et histoires individuelles. Nous raconter la guerre à hauteur d'homme est décidément le point fort de cet ancien officier de Sa Majesté, qui nous livre là, bien plus qu'un récit magistral, une mémoire, une conscience de ce qui fut.

Antony Beevor - © J.Carey

Lepetitjournal.com : Spécialiste de l'histoire militaire, vous avez écrit de fameux ouvrages sur des épisodes décisifs de la Seconde guerre mondiale, Stalingrad, le Débarquement en Normandie, la Chute de Berlin. Pourquoi vous être lancé cette fois dans une synthèse, un récit total du conflit ?

Antony Beevor : Chaque pays a sa propre perception de la Seconde guerre mondiale. Ce n'est pas surprenant quand les expériences et les souvenirs sont si différents. La plupart des Européens ont appris à l'école que la guerre commença en septembre 1939 avec l'invasion de la Pologne. Pour les Russes ou les Américains en revanche, elle ne débuta pas avant juin 1941 (début de l'opération Barbarossa, l'invasion de l'URSS par les troupes allemandes) voire décembre 1941 (attaque de Pearl Harbour par les Japonais). Quant aux Chinois, tout commença pour eux bien plus tôt, dès 1937 avec la guerre sino-japonaise. Et bien des Espagnols sont toujours convaincus que la guerre éclata en 1936 avec le soulèvement nationaliste de Franco pour renverser la République. J'avais besoin, pour moi-même autant que pour les autres, de rassembler ces différents théâtres d'opérations pour montrer comment ils s'étaient mutuellement affectés. Je voulais également démontrer que la Seconde guerre mondiale ne fut pas un conflit monolithique mais un agrégat de différents conflits.

Etait-ce pour vous, qui appartenez à l'école britannique d'histoire narrative, une gageure, un défi d'écriture?

Les difficultés furent considérables, le champ du livre est si vaste. J'étais complètement submergé par la quantité de matériel brut et ne parvenais pas à m'y retrouver. Au début, j'étais terrifié à l'idée de perdre tout le monde en route, éditeurs comme lecteurs. Mais, en gardant la tête froide, les choses ont fini par se mettre en place d'elles-mêmes. Tout dépend en réalité de la structure, qui permet de tout mettre en ordre. Une structure chronologique est essentielle, de mon point de vue, pour montrer comment différents évènements survenus dans différentes parties du monde se sont imbriqués. Il est ainsi frappant de constater que le tournant de la guerre en octobre-novembre 1942 arrive au même moment sur le front de l'est, en Afrique du Nord et même dans le Pacifique, en dépit du fait que l'offensive japonaise ait commencé six mois après l'invasion allemande de l'Union soviétique. L'approche chronologique a également un avantage important : elle nous éclaire sur la nature même de la Seconde guerre mondiale qui fut une combinaison de divers affrontements, dont beaucoup, en particulier dans les pays occupés, furent influencés par la guerre civile internationale que se livraient communistes et anti-communistes.

Vous ouvrez votre récit par l'histoire édifiante d'un jeune Coréen qui fut quatre fois prisonnier au cours de la guerre et enrôlé de force dans trois armées différentes. Pourquoi avoir choisi d'inaugurer votre récit avec l'histoire de ce soldat ?

L'histoire de Yang Kyoungjong souligne à la fois l'amplitude globale de la Seconde guerre mondiale et le fait que les individus n'avaient alors aucun contrôle sur leur propre destin. Cette guerre fut un immense cataclysme, si vaste, qu'il affecta la vie de tous. Ce n'est vraiment que ces vingt-cinq dernières années que les historiens ont commencé à se pencher sur le vaste potentiel des histoires individuelles. Auparavant, l'histoire s'écrivait en termes collectifs. On racontait l'histoire d'un pays, d'une armée, d'une industrie? Les gens ont aujourd'hui des attentes différentes. Cela coïncide avec les grands changements sociaux, technologiques, géopolitiques et économiques du milieu des années 1980 qui balayèrent les allégeances collectives du passé. Le public est désormais beaucoup plus intéressé par les expériences d'individus pris dans la tourmente que par le récit académique, passéiste des évènements.

Il existe de nombreux débats sur les véritables prémisses de la Seconde guerre mondiale, comme vous l'avez évoqué plus haut. Etonnamment votre premier chapitre "La guerre éclate" commence en mai 1939 par le récit d'une bataille peu connue, celle de Khalkhin Gol entre les Soviétiques et les Japonais. Est-ce à ce moment-là pour vous que débute réellement la guerre ?

Je ne commence pas mon récit par l'invasion de la Pologne, contrairement à ce qu'on pouvait peut-être attendre, mais un mois plus tôt en août 1939, quand l'armée japonaise affronte l'Armée rouge à la frontière mongole, près de la rivière Khalkin-Gol. Comparée aux vastes opérations qui eurent lieu plus tard, ce fut une petite bataille mais elle influença tout le cours de la guerre. Le général Joukov infligea là une telle défaite aux Japonais qu'ils décidèrent par la suite de ne pas attaquer la Sibérie au nord, contrairement à ce que souhaitaient beaucoup d'officiers japonais. La marine impériale eut alors gain de cause avec ses plans d'attaque au sud contre les possessions britanniques et hollandaises et les bases américaines du Pacifique. Cette bataille eut également d'autres conséquences au début de l'hiver 1941 : les Japonais refusèrent de prêter main forte aux Allemands quand ces derniers leur demandèrent d'attaquer l'Union Soviétique pour retenir les troupes de Staline en Sibérie au moment où la Wehrmacht marchait sur Moscou.

Faisant la part belle à la guerre dans le Pacifique et en Extrême-Orient, votre ouvrage rompt avec une vision très européo-centrée de la Seconde guerre mondiale et réhabilite la résistance et les souffrances des peuples, des Chinois notamment, qui ont subi le joug des Japonais. Pourquoi a-t-il fallu si longtemps aux Européens pour prendre conscience de la dimension asiatique du conflit ?

Il est vrai que, dans les récits sur la guerre en Extrême-Orient et dans le Pacifique, l'attention s'est toujours portée, pour des raisons évidentes, sur les forces américaines et, à un degré moindre, sur les forces britanniques en Birmanie et les forces australiennes en Nouvelle Guinée-Papouasie. Ce n'est que maintenant que des historiens comme Rana Mitter à Oxford et Richard Frank aux Etats-Unis tentent d'écrire des histoires complètes de la guerre sino-japonaise. Cela reste une tâche difficile, même aujourd'hui, car l'accès aux archives en Chine et au Japon demeure problématique et les documents fiables manquent, en particulier sur les victimes. Les estimations du nombre de soldats et de civils chinois morts pendant la Seconde guerre mondiale varient entre 15 et 40 millions.

Vous racontez notamment ce que fut la furia japonica qui n'eut rien à envier à la fureur allemande, les violents massacres et les viols systématiques perpétrés par l'armée japonaise, qui s'expliquent à la fois par le sentiment de supériorité raciale unanimement partagé et le processus de déshumanisation dont les soldats étaient eux-mêmes les victimes au sein de l'armée impériale?

Même si la sphère politique japonaise refuse toujours de reconnaitre les atrocités commises par l'armée impériale, il est encourageant que de jeunes historiens japonais produisent aujourd'hui un travail important sur le sujet. Yuki Tanaka par exemple est l'un de ceux qui a fait des recherches sur le cannibalisme organisé et les femmes de réconfort. Il y a deux ans à peine la première conférence réunissant historiens japonais et chinois s'est tenue à Hawaï, un évènement encore inimaginable il y a seulement quelques années. Nous entrons dans une période d'avancée historique très intéressante sur les conflits en Extrême-Orient entre 1937 et 1945.

Ce qui choque le plus dans votre livre, au-delà des atrocités commises, c'est l'impunité dont ont bénéficié les bourreaux après guerre, le cynisme d'un Mc Arthur, abandonnant toute enquête criminelle sur l'unité 731 de guerre biologique japonaise basée en Chine, et plus grave encore, l'aveuglement allié face à des enjeux cruciaux, l'impréparation de la conférence de Yalta côté américain et britannique, alors que s'y décide le sort de l'Europe et de millions de gens?

Malheureusement les dirigeants politiques et militaires se tournent plus volontiers vers les conflits à venir qu'ils ne se retournent sur les conflits passés et ils saisissent toute opportunité pour prendre l'avantage sur un ennemi potentiel. Le pire exemple de cynisme fut selon moi le refus de Mc Arthur de poursuivre les responsables de l'unité 731 et les homologues japonais du Dr Mengele. Quant à Yalta, Roosevelt et Churchill peuvent certainement sembler y avoir joué avec le destin de millions de gens, mais en réalité ils n'avaient aucun contrôle sur ce qui se passait dans les pays occupés par l'Armée rouge. Une fois que la stratégie des Alliés fut décidée à la conférence de Téhéran fin 1943, Staline fut assuré d'avoir une domination absolue sur l'Europe centrale. Le seul moyen de l'arrêter pour Roosevelt aurait été d'arrêter de fournir des équipements à l'Union soviétique, en particulier des véhicules militaires. Il est vraiment ironique que ce soient des camions Ford, Studebaker et GMC qui aient permis à l'Armée rouge d'arriver à Berlin avant les Américains.

Sans parler naturellement de la cruauté de Staline, dont on pensait déjà connaître l'étendue. Vous révélez dans votre livre, plus de 60 ans après les faits, ce que fut "l'opération Mars", une man?uvre de diversion orchestrée par le dirigeant soviétique et ses services secrets, qui sacrifièrent sciemment à Stalingrad plus de 200.000 hommes?

Alors que l'opération Uranus, ce grand projet qui visait à encercler la 6ème armée de Von Paulus à Stalingrad se préparait, une autre offensive, l'opération Mars, une vaste entreprise de diversion, se dessina au nord sur les fronts de Kalinin et de l'ouest contre la 9ème armée allemande. L'objectif principal de Mars était de s'assurer qu'aucune division allemande ne puisse se déplacer du centre au sud du champ de bataille. Bien que Joukov soit en charge de l'opération en tant que représentant de la Stavka (état-major de l'Armée rouge), il consacra bien plus de temps à préparer Uranus que Mars et les munitions d'artillerie allouées aux deux opérations furent sans commune mesure. Les six armées envoyées sur le front de diversion ne bénéficièrent quasiment d'aucun support d'artillerie, tandis que l'opération Uranus eut pléthore de munitions. Ce déséquilibre suggère un mépris stupéfiant de la vie humaine de la part de Staline.

Selon le général Pavel Sudoplatov du NKVD (Services secrets soviétiques, ancêtres du KGB), la cruauté alla même beaucoup plus loin. Il raconte comment les détails de l'opération Mars furent délibérément transmis aux Allemands. Le NKVD et l'intelligence militaire, le GRU, avaient préparé l'opération Monastère, une infiltration de l'Abwehr. Aleksandr Demyanov, le petit-fils du chef des Cosaques du Kouban, avait été formé par le NKVD dans le but d'intégrer l'intelligence militaire allemande, qui l'avait déjà repéré comme un agent potentiel, sa famille étant bien connue des cercles d'émigrés blancs.

"La désinformation orchestrée via Aleksandr", écrit le général Sudoplatov, le chef de l'administration des opérations spéciales du NKVD, "fut gardée secrète, à l'insu même du général Joukov." Joukov, ne sachant pas que ce jeu de désinformation était joué à ses dépens, en paya le prix lourd et perdit des milliers d'hommes. Et c'est un euphémisme. Cette opération de diversion coûta 215 674 hommes à l'Armée rouge, c'est-à-dire, un peu près l'équivalent des pertes alliées lors du Débarquement et de la bataille de Normandie. C'est l'un des sacrifices les plus cruels, connus à ce jour, dans l'histoire de la guerre.

Votre livre commençant avec la victoire soviétique sur les Japonais en 1939 et finissant avec l'invasion de la Mandchourie par l'Armée rouge en 1945, Staline apparait plus que jamais comme le grand vainqueur de la Seconde guerre mondiale.

Staline fut en effet le grand vainqueur de cette guerre. La Seconde guerre mondiale fit de lui le chef incontesté de l'Union soviétique et la bataille de Stalingrad fit passer l'Union soviétique du rang de grande puissance au rang de superpuissance. Cette dernière donna à Staline à la conférence de Téhéran l'occasion d'insister pour que sa stratégie soit suivie jusqu'à la fin de la guerre. Churchill était atterré mais il ne put rien faire: Roosevelt était d'accord avec Staline. À cette époque, les Américains ne s'intéressaient pas à la politique d'après-guerre en Europe. Roosevelt était convaincu qu'on pouvait se fier à Staline et que son rêve des Nations Unies empêcherait tout conflit futur.

Avec votre ouvrage, la Seconde guerre mondiale est définitivement dépouillée de ses atours de "bonne guerre", de "guerre juste", même si vous lui reconnaissez une singularité sans précédent. Jamais dans l'histoire les hommes n'ont été à ce point, selon vous, confrontés à la question morale.

Du point de vue allié, personne ne peut dire que cette guerre fut une "mauvaise guerre" car ce fut une guerre nécessaire. Les Alliés occidentaux ne pouvaient rester en retrait et laisser Hitler prendre possession d'autres pays et opprimer leurs populations. Les aspects moraux et immoraux de cette guerre ont été âprement débattus, particulièrement en Grande-Bretagne où les avis sur les bombardements stratégiques, qu'on pouvait justifier sur le plan militaire mais difficilement sur le plan moral, étaient très mitigés. Comme d'autres historiens l'ont déjà souligné, nous avons sacrifié la liberté de l'Europe de l'est pour sauver l'Europe de l'ouest. Je ne crois malheureusement pas qu'il y ait eu d'autre option possible compte tenu des circonstances, mais il n'y a pas non plus de quoi triompher.

Vous mettez d'ailleurs en garde contre la fascination que cette guerre suscite et contre les dangers d'en faire le point de référence systématique de l'histoire moderne et des conflits contemporains.

Nous vivons à présent dans une société post-militaire, dans un environnement sain et sûr, et il n'est pas étonnant que ceux qui ne peuvent imaginer ce qu'a pu être la guerre totalitaire soient intrigués par elle. Beaucoup se demandent s'ils auraient survécu à de telles souffrances à la fois physiquement et moralement. Ils se demandent aussi probablement s'ils auraient eu le courage de refuser de tuer des prisonniers ou des civils ou de collaborer avec l'occupant. Le fondement de l'histoire humaine est le choix moral. Or, nous vivons actuellement dans une société du non-jugement, dans laquelle le choix moral est insignifiant comparé à ce qu'il fut au moment de la Seconde guerre mondiale. C'est pourquoi il n'est pas surprenant que celle-ci soit l'objet de tant de fascination à la fois dans le domaine historique et dans le domaine de la fiction.

Mais la fascination est aussi un grand danger. La Seconde guerre mondiale est devenue le point de référence dominant des crises et conflits d'aujourd'hui. Bien que ceux-ci soient par définition imprévisibles, nous avons tendance à chercher dans le passé des solutions-modèles. Les médias aiment aussi à tout simplifier et à faire des parallèles historiques que leur public comprend.

Les politiciens ont également leur part d'aveuglement. Ils ont tendance à oublier avant chaque conflit que les guerres ont généralement eu dans l'histoire des conséquences bien différentes de celles escomptées. Ils se gargarisent de parallèles historiques pompeux, essayant de se hisser à la hauteur d'un Roosevelt et d'un Churchill. Les conséquences stratégiques peuvent en être désastreuses.

On pourrait soutenir que ce qu'on a appelé "la guerre contre le terrorisme" fut mal engagée par le simple fait que Bush ait immédiatement comparé les attaques du 11 septembre à celle de Pearl Harbor. Cela réactiva l'idée d'une guerre d'état contre état, quand la menace d'Al Quaida était en réalité une question de sécurité internationale. Voyez combien d'autres parallèles mensongers furent commis à l'époque. Les Néoconservateurs du Ministère de la Défense, Rumsfeld, Wolfowitz et Feig, tous comparèrent Saddam Hussein à Hitler, alors qu'il était tout au plus une pâle copie de Staline. Tony Blair fit de même, oubliant comment Anthony Eden (Premier ministre anglais de 1955 à 1957) à l'époque de l'affaire du Canal de Suez compara lui aussi abusivement Nasser à Hitler.

S'ouvrant sur l'histoire d'un individu, celle du jeune Coréen Kyoungjong Yang évoquée plus haut, votre livre se referme sur une autre histoire, retrouvée dans un rapport de la DST. L'histoire tragique d'une paysanne allemande mariée, qui quitta tout pour suivre son amant, un prisonnier de guerre français, et qui fut arrêtée par la police à Paris en juin 1945. Est-ce une façon de nous dire, comme l'écrivain russe Vassili Grossmann auquel vous faîtes souvent référence, que les tragédies individuelles, les bouleversements qu'a entrainé ce conflit planétaire ne peuvent se réduire à des données chiffrées, qu'ils échapperont toujours à toute forme de catégorisation ?

Absolument. Mon travail sur les "Carnets de guerre" de Vassili Grossmann (Calmann-Lévy, 2007) m'a appris une leçon très importante. Quand Grossmann écrivit sur les juifs d'Ukraine, il fit tout son possible pour leur rendre leur identité. La Seconde guerre mondiale fut si énorme, si monstrueuse et si dépersonnalisée en raison des deux idéologies totalitaires en présence, que le devoir de l'historien devrait être de recréer autant que possible l'individualité des victimes et d'éviter toute généralisation trompeuse au sujet des groupes et communautés. L'humanité n'est pas chose que l'on range aisément dans des tiroirs, l'histoire ne pourra donc jamais être affaire d'ordre et de classification.

Propos recueillis par Florence Morin (www.lepetitjournal.com/hongkong) mercredi 13 mars 2013

"La Seconde guerre mondiale" d'Antony Beevor (Calmann-Lévy) est en vente à la librairie Parenthèses

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Publié le 13 mars 2013, mis à jour le 14 mars 2013
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