La Vérité, une pièce d’une incroyable mécanique où les mensonges s’entremêlent, est mise en scène et jouée par le Hong Kong Théâtre Association (HKTA) qui vient d’ailleurs de fêter admirablement ses 10 ans ! Deux acteurs, Mélanie et Bertrand, nous expliquent les préparations.
"A chacun sa vérité ?" c’est un sujet de philo bien connu des bacheliers et aussi la pièce culte de Pirandello datant de 1917 qui faisait du relativisme (tout le monde peut avoir raison, ça dépend du point de vue) l’absurdité, voire la folie de la situation. Si "l’Homme est la mesure de toute chose", la Vérité est sans doute l’affaire de chacun... Passée cette explication sophiste de Protagoras qui ne convainc plus grand monde depuis des siècles, il convient d’admettre qu’avec toutes les tentations qu’offre notre époque, les petits arrangements avec la vérité et autres pieux mensonges sont souvent gages de sérénité, en famille, en couple ou entre amis... Mais jusqu’où le mensonge peut sauver, jusqu’où la vérité peut nuire ? Vous avez quatre heures, pas le droit aux calculatrices...
La Vérité, meilleure pièce comique en 2011 ! Et c’est pas faux !
Ils nous avaient laissé pantois après Art de Yasmina Reza et les voilà prêts à brûler derechef les planches pour nous livrer "leur" Vérité. Celle écrite par Florian Zeller en 2011 mais mise en scène à Hong Kong par Emilie Guillot. Hong Kong Théâtre Association (HKTA) fête ses 10 ans cette année, et c’est un exploit qu’il faut saluer tant les cours proposés aux enfants et adultes ainsi que les pièces portées sur les tréteaux depuis une décade le sont avec pugnacité et dynamisme. A la fin du mois, en vérité, et pour quatre représentations, ils vont encore offrir à la communauté française l’occasion culturelle de réfléchir tout en riant.
« Tu ne lui mens pas, Alice. Tu ne lui dis pas la vérité. Ça n'a rien à voir ! »
Michel - La Vérité
Dès la scène d’exposition de ce vaudeville moderne, rien de neuf sous le soleil de la comédie de genre : une femme trompe son mari avec son meilleur ami. Mais cette pièce que le dramaturge surdoué - Zeller n’a que 38 ans et ses pièces sont jouées dans toute l’Europe - destinait à Pierre Arditi subjugue par son incroyable mécanique, entremêlée de mensonges et de coups de théâtre jusqu’au bouquet final qui ne manquera pas de faire cogiter les spectateurs bien après le baisser de rideau...
Actions, fausses vérités, vrais mensonges, qui croire ? Michel (interprété par Bertrand Leduby) est un fieffé menteur mais à qui tout le monde ment... Alice (Mélanie Catteau), sa maîtresse, semble tirer les ficelles mais c’est un faux-semblant...
Interview Vérité avec ces deux comédiens
Jouer la comédie c’est mentir ?
Bertrand : C’est trouver une vérité intime qui n’est pas forcément la sienne! On travaille avec Émilie les objectifs de chacun des rôles, puis c’est à nous de trouver une sincérité pour incarner au mieux le personnage. En l’occurrence, il faut trouver de la sincérité même chez un menteur ! Il y a une réplique de Michel que j’affectionne d’ailleurs : "crois-moi la vérité y’a que ça de vrai".
Est-ce que les personnages vous ressemblent ?
Mélanie : Le personnage d’Alice me ressemble sauf que je ne trompe pas mon mari dans la vie ! (Rires). Sa liaison avec Michel est allée trop loin et elle veut tout avouer. Elle ne se sent pas à l’aise dans le mensonge.
Bertrand : J’incarne un personnage qui ment tout le temps et qui assume de mentir. C’est un menteur invétéré, ce que je ne suis pas. Je me rends compte que je mens souvent par omission. Mais le ressort est le même, qu’il soit volontaire ou par omission, le mensonge vise toujours à sauver une situation délicate. On cherche à se sauver soi-même la plupart du temps.
Comment Émilie Guillot (ndlr : responsable de HKTA et metteur en scène) a abordé la création de sa « Vérité » avec vous ?
Bertrand: Ce qui est intéressant avec Émilie c’est que ce genre de pièces qui ont été créées pour et avec des professionnels, elle réussit à les réinventer complètement, à y poser sa patine. Elle trouve des angles d’interprétation nouveaux. Ce qui pourrait paraître drôle au premier abord nous incite en fait à réfléchir. Où tout à coup ça verse dans l’émotion, dans le sensible et c’est ce qui donne du relief à sa mise en scène. Elle ne s’amuse jamais à copier ce qui a déjà été fait. Elle va s’approprier la pièce et la réinterpréter. Même si la pièce et les personnages gravitent autour du rôle de Michel qui était tenu par Pierre Arditi au théâtre Montparnasse lors de la création, Emilie s’est attachée à diriger individuellement chacun des quatre personnages.
Mélanie : J’avais vraiment très envie de jouer cette pièce. Au-delà de mon rôle, pour l’intérêt général qu’elle développe, qu’elle propose aux spectateurs. Je l’ai découvert avec Émilie à la première lecture il y a plus d’un an, et j’avais été captivée par l’atmosphère et la façon qu’ont tous ces mensonges de s’imbriquer implacablement... À la fin chacun peut avoir une interprétation différente, certains mensonges détectés par quelques spectateurs seront des vérités plausibles pour d’autres. Je suis sûre que certains couples vont avoir une discussion... Et que certaines interprétations divergeront totalement sur qui est fautif...
Bertrand : Il y a un côté abyssal à la lecture... il y a plein de clés mais pas une seule réponse... A un moment, on se demande : mais ça va s’arrêter où et quand ? C’est très bien ficelé, et quand on pense qu’on est à la révélation finale, on n’est en fait pas au bout de ses peines...
Vous vous souvenez de votre plus gros mensonge?
Mélanie : Enfant, j’ai fait croire à ma meilleure amie que j’étais orpheline...
Bertrand : Non moi je n’ai jamais menti, je n’avais pas le droit... c’est pour ça que je fais du théâtre, je prends ma revanche !
Informations pratiques :
La Vérité, comédie grinçante de Florian Zeller.
Mise en scène Emilie Guillot
En Français – sous-titrages simplifiés en Anglais et Chinois.
Tickets en vente sur le site de HKTA : http://hkta.org.hk/event/la-verite/