Comme de très nombreux pays au plus fort de la pandémie, le Vietnam a fait en sorte de rapatrier ses ressortissants en affrétant un certain nombre de vols.
Maintenant que la crise est passée et que la vie normale a repris ses droits, il apparaît que ce qui aurait dû être un geste de solidarité nationale a surtout été une affaire juteuse pour quelques « profiteurs de guerre », dont les agissements ont depuis été dénoncé et qui pour certain d’entre eux, se retrouvent aujourd’hui derrière les barreaux.
170 milliards de dôngs, soit environ 6,5 millions d'euros ... C’est, selon la police, la somme totale, qu’auraient perçue sous forme de pots-de-vin 21 responsables, pour organiser des vols de rapatriement durant la pandémie.
Au départ, en 2020, lorsque le Vietnam a commencé à organiser des vols de rapatriement, il était entendu que les passagers ne devaient payer que le billet d’avion et qu’à leur atterrissage, ils seraient envoyés dans des camps de quarantaine gérés par l’armée pour une durée de deux semaines, sans avoir à payer de frais.
Une organisation titanesque en pleine pandémie
Mais c’était sans compter sur le phénomène de surcharge qui s’en est très vite suivi pour l’armée. Aussi le gouvernement d’alors (dirigé par Nguyen Xuan Phuc) a-t-il approuvé un plan permettant de payer à la fois un billet d’avion et des frais de quarantaine dans un hôtel ou un centre de villégiature agréé par le ministère de la Santé.
Cinq ministères se sont alors vus confier la gestion de ces « vols combinés » (Affaires étrangères, Santé, Transports, Sécurité publique, Défense nationale), auxquels il faut ajouter les missions diplomatiques vietnamiennes à l’étranger et les comités populaires des villes et provinces abritant des sites de quarantaine.
Pour les entreprises souhaitant organiser des vols de rapatriement, il fallait d’abord s’adresser au comité populaire de la province ou de la ville où aurait lieu la quarantaine pour obtenir une approbation officielle. Il fallait ensuite envoyer le dossier au département consulaire du ministère des Affaires étrangères pour que celui-ci obtienne le feu vert des cinq ministères susmentionnés, puis celui du bureau du gouvernement.
Ce « parcours du combattant » a été celui auquel ont dû se soumettre toutes les entreprises désireuses d’organiser des rapatriements. En général, il s’agissait soit d’agences de voyage, soit d’entreprises ayant dépêché des travailleurs à l’étranger.
De début 2020 à mi-2021, plus de 1.000 vols de rapatriement ont ainsi été organisés, et plus de 200.000 citoyens vietnamiens ont ainsi pu regagner le pays.
Toutes sortes d’abus et des gigantesques pots-de-vin
Voilà pour le côté pile. Côté face, il apparaît que l’organisation de ces vols a généré une gigantesque affaire de corruption, nourrie par la complexité des démarches à suivre.
Tout d’abord, les entreprises organisatrices ont augmenté les prix des billets, ce qui leur a permis d’engranger des bénéfices, mais aussi de graisser la patte des fonctionnaires pour faire avancer leurs dossiers.
Prenons l’exemple de Chu Xuan Dung, ancien vice-président du comité populaire de Hanoï, arrêté en décembre 2022.
Chu Xuan Dung, donc, a reçu 2 milliards de dôngs, soit environ 90.000 euros, sous forme de pots-de-vin et signé en retour des documents autorisant 16 entreprises à organiser des vols de rapatriement.
Tran Van Tan, ancien vice-président du comité populaire de la province de Quang Nam, a quant à lui reçu 5 milliards de dôngs soit environ 190.000 euros.
En tout, 54 personnes sont aujourd’hui sur la sellette pour leur implication dans l’organisation frauduleuse de vols de rapatriement. Elles doivent faire face à cinq chefs d’accusation : pots-de-vin, courtage de pots-de-vin, réception de pots-de-vin, appropriation frauduleuse de biens et abus de position et de pouvoir dans l’exercice de fonctions officielles.
Mais à ce jeu-là, c’est le ministère des Affaires étrangères qui paie le plus lourd tribut, avec 13 de ses hauts fonctionnaires impliqués.
D’après la police, il semblerait que ces responsables aient constitué des « groupes d’intérêt », dont la principale mission consistait à harceler les entreprises pour obtenir des paiements.
Nguyen Thi Huong lan, qui était alors à la tête du département consulaire, a admis qu’elle traitait en priorité les dossiers émanant d’entreprises qui lui avaient été recommandées par des supérieurs ou qui avaient versé des pots-de-vin.
Mais les autres ministères ne sont pas en reste et maintenant que la vérité éclate au grand jour, nombreuses sont les têtes qui tombent, y compris dans les plus hautes sphères du pouvoir.