Marina Tran-Vu est d’origine vietnamienne. Native du Canada et imprégnée de son éducation, elle est retournée vivre au Vietnam en 2019. Depuis lors, elle s'est investie dans la création d'un monde dépourvu de plastique à travers sa marque, EQUO. Inspirée des termes "éco" pour son respect de l'environnement et "status quo" pour la notion d'état existant, elle aspire à façonner des produits qui minimisent leur impact sur notre planète.
Avec une pluralité de matériaux, tels que le riz, les plantes, la canne à sucre, le café, la noix de coco et le bois, elle propose tout une gamme d’ustensiles eco-friendly. Bien que l’entreprise ait démarré avec des pailles, elle offre aujourd’hui un choix diversifié de produits sur son site internet, ainsi que sur Amazon.
Après avoir rencontré Marina Tran-Vu lors du Overseas Vietnamese summit, organisé par Vietcetera en janvier, Le Petit Journal a souhaité en savoir plus, et a eu l'opportunité de l'interviewer. Elle nous livre son histoire avec authenticité.
Le Petit Journal : Était-ce un choix de rentrer au Vietnam et d’y créer EQUO ?
Marina Tran-Vu : Venir vivre au Vietnam n’était pas un choix personnel, ni professionnel, j’avais d’ailleurs 10 ans de carrière au Canada. En réalité, je suis rentrée pour ma famille car mon père avait été diagnostiqué avec un cancer. Je n'avais jamais eu l'intention de déménager au Vietnam avant, c’était vraiment pour ma famille.
« Vivre au Vietnam n’était pas un choix (…) c’était un enchaînement de circonstances »
J’avais donc décidé de rentrer une année au Vietnam, mais le covid est arrivé. C’était un enchaînement de circonstances au début. Puis le covid a duré, ma mère et ma sœur me disaient de pas retourner au Canada car le pays était confiné, alors j’ai pensé pourquoi pas ici ? Que puis-je faire ici ? Finalement, j'ai décidé de rester plus longtemps au Vietnam parce qu’honnêtement, j'aime les gens, le style de vie et la culture ici.
LPJ : Avez-vous dû faire face à des chocs culturels lorsque vous êtes revenu au Vietnam ?
« Il y a des choses qui m'ont vraiment choqué quand je suis arrivée au Vietnam »
La première chose était la culture de la sieste. J'avais commencé à travailler pour une marque de gym vietnamienne et j'ai vu des gens dormir partout, dans les salles de réunion, sous leur bureau, et je me suis demandé ce qui se passait ici. C'était un choc car, pour moi, c'est quelque chose de plutôt personnel que vous êtes censé faire à la maison, alors qu'eux le font simplement au bureau, souvent vers 11h30 à 13h. C'est comme si l'heure du repas et l'heure de la sieste allaient de pair.
La deuxième chose était à quel point tout est social et communautaire. Que ce soit manger avec les collègues à l'heure du déjeuner ou les rencontrer après le travail pour dîner ou pour traîner le week-end, etc. Je ne sais pas en Europe, mais c'est très différent au Canada, après le travail, la dernière chose que vous voulez faire est de passer plus de temps avec vos collègues.
Un autre choc culturel serait une attitude, le fait que tout ce que vous demandez peut-être fait, et j'aime vraiment cela au Vietnam. Aux États-Unis, c'est plutôt "oh, nous devons vérifier ceci et cela et cela". A l’inverse, au Vietnam, tout peut se faire, il suffit de demander.
Et enfin, le dernier serait le niveau de compétences relationnelles assez drastique. Par exemple, dans la culture vietnamienne, c'est naturel et tout à fait acceptable d'arriver à une réunion avec 5 ou 10 minutes de retard et de ne rien dire à personne. Au début, j'ai été choqué car ce n'est pas ce que j'ai appris au Canada, on m'a toujours dit "tu ne peux pas être en retard".
LPJ : D'où avez-vous tiré votre inspiration pour créer EQUO ?
En 2019, j’allais souvent dans des cafés. Je me souviens du premier produit qui m'a inspiré, c'était une paille en herbe que j’ai trouvée dans un café, rue Le Loi. Quand ma boisson est arrivée avec cette paille en herbe, je me suis dit "oh, c'est bizarre" car je n'avais jamais rien vu de tel auparavant. Alors, j'ai commencé à y penser en 2019 puis j'ai fondé EQUO en 2020. Les gens étaient prêts à précommander avant notre lancement.
Nous avons lancé EQUO quelques jours avant que le confinement global ne se produise en avril. Le premier mois a été réussi, nous avons vendu pour l'équivalent de milliers de dollars de pailles en quelques jours. Ensuite, il s'agissait surtout de survivre au Covid et de nous faire connaître auprès des clients comme les restaurants et les hôtels.
LPJ : Qu'est-ce qui vous a rendu si consciente de l'écologie et cela a-t-il un lien avec votre expérience à l'étranger ?
Non, pas du tout.
« Je n’étais pas vraiment écologique ou dans un esprit durable moi-même »
Bien sûr, je ne jetais pas délibérément des déchets par la fenêtre, mais je n'étais pas non plus pleinement engagée dans un mode de vie durable.
Je pense que ce qui a façonné mon expérience au Vietnam est malheureusement le fait que le système de gestion des déchets et la prise de conscience du gaspillage ici ne sont pas aussi sophistiquées, c'est pourquoi vous pouvez voir beaucoup de déchets dans les rues. Dans les pays occidentaux, on ne voit pas autant les déchets. Mais, quand je suis arrivé ici, cela m'a vraiment marqué car je n'étais pas habituée à voir autant de déchets autour de moi. Et j'ai grandi dans un endroit magnifique et naturel avec l'océan et tout était parfaitement propre.
Je me souviens également quand mon neveu est venu au Vietnam. J'essayais de l'emmener dans des parcs ou de lui montrer la nature mais c'était vraiment difficile à cause des déchets autour. Je pense que c'est l'un des souvenirs qui a vraiment influencé ma carrière.
LPJ : Pourquoi avez-vous décidé de vendre vos produits sur Amazon ?
J'ai surtout envisagé Amazon parce que la cible des cafés, restaurants et hôtels que j’avais contacté n'étaient pas très réceptifs, surtout pendant la pandémie. Donc, si je voulais vendre mes produits, je devais les vendre sur un autre canal de distribution. Amazon est une plateforme sur laquelle il y avait peu de concurrence sur ces produits à l'époque. Maintenant bien sûr c'est devenu plus compétitif avec la croissance du e-commerce. Mais à mes début, c'était le meilleur moyen pour mon commerce de croître et de survivre à la crise.
LPJ : Quels sont vos objectifs pour votre marque dans un futur proche ?
Je pense que pour nous, la voie à suivre est très claire :
« Proposer de nouveaux produits durables et uniques dans le reste du monde »