Pour la cérémonie des Oscars 2023, c'est l'acteur vietnamien Ke Huy Quan qui remporte la célèbre récompense pour un “meilleur second rôle” dans le film Everything Everywhere All at Once.
Retour sur le parcours de celui qui a été contraint d'abandonner sa carrière de comédien pendant près de quarante ans, à cause du manque de rôles pour les acteurs asiatiques à Hollywood.
L’enfance de l'acteur vietnamien Ke Huy Quan
Ke Huy Quan est né à Saigon en 1971. Il vit dans une maison traditionnelle à Cho Lon, entouré de ses 8 frères et sœurs (il est le septième). Sa mère gère une boutique et son père une fabrique de sacs plastique, tous deux sont d’origine chinoise.
Alors qu'il n'a que 4 ans, l'armée populaire vietnamienne s'empare de la ville, qui devient dans le même temps communiste. Sa famille doit alors s’exiler : après un premier échec, lui, son père et cinq des enfants rejoignent Hong Kong, tandis que sa mère et les trois autres membres de la fratrie sont envoyés en Malaisie. Il est séparé, à sept ans, de son plus proche frère et « ami » David, ce qui deviendra le traumatisme de sa vie.
La fuite est organisée de nuit, par bateau, avec 3.000 autres personnes. Arrivés en Chine, ils y restent pendant un mois avant d'avoir accès à un camp de réfugiés. Ce n'est que quatre ans plus tard, ayant émigré aux États-Unis, que la famille est à nouveau réunie.
L’arrivée de Ke Huy Quan aux Etats-Unis
A Los Angeles, il trouve ses marques dans le quartier où il vit – Chinatown. Mais il subit, comme les autres “boat people”, des moqueries et insultes xénophobes, et vit dans la pauvreté. Il obtient malgré tout l'asile politique et la nationalité étasunienne.
A 12 ans, il accompagne son petit frère David à une audition et lui donne quelques conseils pour l'occasion. Le directeur de casting l'invite alors à passer lui aussi un essai. C'est ainsi qu'il se fait repérer pour le rôle de « Short Round » (Demi-Lune en français) dans Indiana Jones et le Temple maudit.
Son anglais encore hésitant n'est pas un obstacle pour Steven Spielberg, qui lui propose un nouveau rendez-vous à l'issue duquel il l'enverra au Sri Lanka pour cinq mois de tournage. Ke Huy Quan, en dépit des accusations de racisme et de sexisme du film, n'en garde que de bons souvenirs : Harrison Ford lui apprenant à nager, la gentillesse de l'équipe, « les rires et la paix ».
L'année suivante, l'enfant devenu star multiplie les prestations : Together We Stand, Sois prof et tais-toi, Les Contes de la crypte... et Les Goonies.
Les premiers pas du jeune comédien en tant que Jonathan Ke Quan
Le succès de ces productions offre à Ke Huy Quan l'argent et « l'espoir » nécessaires à pour acheter une maison à sa famille, recouvrir une part de leurs dettes et se projeter dans des études supérieures. Il parvient à intégrer un cursus « d'art cinématographique » à l'université de Californie du Sud puis de Manchester au Royaume-Uni.
Pendant son adolescence, le jeune comédien rencontre tout de même, selon ses propres mots, des « problèmes majeurs d’identité ». Par souci d'intégration, il accepte ainsi à contre-cœur de changer son nom en « Jonathan Ke Quan ». Cela ne lui permet toutefois pas d'empêcher le ralentissement de sa carrière.
La vingtaine de Ke Huy Quan, un passage à vide
La vingtaine de Ke Huy Quan est un passage à vide du point de vue professionnel. À Hollywood dans les années 1980-90, les rôles auxquels il peut prétendre sont très peu nombreux et systématiquement stéréotypés.
Une dernière audition pour un rôle insignifiant, qui le confronte à des dizaines d'autres acteurs asiatiques, le fait renoncer à sa vocation. Il décide de travailler en tant qu'assistant réalisateur et chorégraphe de cascades, et de se convaincre que le jeu ne lui plaît plus.
En 2023, enfin : la reconnaissance pour Ke Huy Quan
En 2018, la série Crazy Rich Asians fait office pour Ke Huy Quan d'électrochoc : il décide de « croire à nouveau en ses rêves » après avoir failli « abandonner le sien ».
Il prend le risque de contacter un agent et se révèle rapidement le candidat parfait pour Everything Everywhere All at Once.
« Quand je me suis placé devant la caméra, je me suis senti vivant. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est un sentiment que je n'avais pas eu depuis des décennies », affirme t-il.
Après une nouvelle période difficile pendant la pandémie, où les finances autant que les emplois se font rares, le film sort enfin et les critiques positives sont au rendez-vous. Sa performance est saluée et le mène à être nominé, puis choisi pour remporter le 95ème Oscar pour un meilleur second rôle.
Que souhaiter à Ke Huy Quan aujourd’hui ? Il répond lui-même :
« Tu sais, j'avais l'habitude d'appeler mon agent tous les trois ou six mois, et je lui disais : hey, est-ce qu'il y a quelque chose pour moi ? Et la réponse était toujours la même : je suis désolée, il n'y a rien mais je continue à chercher. Donc j'espère que quand j'appellerai mon agent à l'avenir il me donnera une réponse différente ! (rires) »
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