Dans la suite des premières interviews portant sur le volontariat international en entreprise et en administration (VIE/VIA), le Petit Journal a pu s’entretenir avec Yann Frollo de Kerlivio, directeur de Business France pour la zone ASEAN-Océanie, qui a évoqué les objectifs et avantages des VIE, tant pour les jeunes diplômés que pour les entreprises souhaitant s’implanter à l’étranger.


LPJ : En quoi le dispositif VIE contribue-t-il au rayonnement économique de la France dans la région ASEAN ?
Le VIE contribue au rayonnement économique de la France, d’abord en aidant les entreprises à renforcer leur présence sur ces marchés, qui sont très dynamiques. Il crée aussi des passerelles entre les talents français et les écosystèmes locaux.
Sur certaines fonctions, des entreprises nous le disent : c’est important d’avoir un Français, soit pour faire le lien culturel avec les équipes marketing en France, par exemple, soit parce que l’on est sur un secteur sensible comme la cybersécurité. Après, bien sûr, il faut que la fonction corresponde à la mission. Je ne dis pas que toutes les fonctions dans toutes les entreprises doivent être confiées à un VIE, qu’il soit français ou européen (le dispositif est ouvert aux jeunes femmes et hommes, de moins de 29 ans, de l’Espace économique européen). C’est une analyse à faire, une réflexion commune entre l’entreprise française et sa filiale sur place.
C’est aussi un bon moyen de soutenir les PME et ETI françaises dans leur stratégie d’internationalisation au Vietnam, en Asie du Sud-Est, ou même en Océanie (au-delà de l’Australie, nous avons quelques VIE aux Vanuatu, aux Fidji ou dans les îles Salomon).
Et puis cela permet aussi de valoriser une expertise française. Les jeunes VIE que nous accueillons aujourd’hui, ce sont les talents à l’international de demain. Ils sont présents sur tous les secteurs d’avenir : transition énergétique, numérique, santé... On parlait d’informatique, de cybersécurité.
C’est donc une vraie richesse. Et pour beaucoup d’entreprises, le VIE représente un vivier de futurs collaborateurs parce que beaucoup sont recrutés. Ils peuvent rester dans une logique de mobilité internationale, soit en demeurant sur place, soit en allant ailleurs, ou encore en rentrant en France, mais tout en conservant cette culture de l’international. Et ils pourront repartir avec cette grande expérience-là.
LPJ : Comment Business France travaille-t-il avec les entreprises françaises pour les inciter à recruter des VIE ? Quels sont les accompagnements et les outils proposés ?
Il y a deux cibles : les jeunes et les entreprises. C’est bien d’avoir beaucoup de candidats (nous en avons quelque 70 000), mais il faut qu’il y ait des postes derrière.
Nous avons donc une démarche à la fois en France et à l’étranger. En France, nous menons des actions auprès des jeunes, dans les écoles, les universités, et aussi auprès des entreprises, soit en direct, soit à travers des événements. On peut citer le forum VIE à Paris, qui est le grand événement national, chaque année début octobre. Il permet de se faire rencontrer les jeunes et les entreprises. Mais il y a aussi des événements régionaux. Par exemple, il y en a eu un récemment à Lille, lors des Export Days, à la mi-juin. L’objectif est de mettre en avant des profils VIE auprès d’entreprises françaises.
À l’étranger, notre démarche est surtout tournée vers les entreprises. Nous discutons avec les filiales françaises pour leur présenter la formule VIE, leur expliquer comment il elle fonctionne, leur répondre sur le coût, le process, le profil et les fonctions, avant de relancer celles qui en ont déjà eu, “pour raviver la flamme”.
Enfin, nous utilisons les Grands Prix VIE, que nous organisons une fois par an - ou tous les deux ans selon les pays. Ce sont des événements organisés avec le soutien essentiel des Conseillers du commerce extérieur, mais aussi de l’Ambassade ou du Consulat. Cela permet de mettre en valeur les VIE, de communiquer sur les réseaux sociaux, et de valoriser ce dispositif français unique au monde.
LPJ : Quel rôle joue le VIE dans la stratégie d’implantation des entreprises françaises à long terme dans la région ASEAN, notamment dans les filiales en développement ? Avez-vous des exemples concrets où un jeune en VIE a été recruté à l’issue de sa mission ?
Oui, nous avons des exemples. Beaucoup de jeunes sont recrutés à la fin de leur mission, parfois même avant pour quelques-uns.
Globalement, le VIE est souvent au cœur même d’une stratégie d’implantation ou d’ancrage dans un pays donné. Il permet trois choses. D’abord, de tester un marché, créer un réseau. Notamment avec les VIE régionaux, qui sont basés à Singapour, à Bangkok, ou même à Hô Chi Minh-Ville, par exemple. Ils développent un réseau sur toute la région, avec des partenaires privés ou publics selon les secteurs.
Ensuite, préparer l’ouverture d’un bureau local. Il y a des jeunes qui sont envoyés pour cela. Mais attention : nous insistons pour qu’ils soient accueillis dans un cadre formel. S’ils arrivent dans un pays où l’entreprise n’a pas encore de bureau, ils ne peuvent pas travailler seuls de chez eux, et doivent donc être hébergés dans une structure : nous avons des partenaires référencés pour cela.
Et enfin, il ne faut pas négliger l’aspect interculturel. Un jeune VIE peut passer jusqu’à six mois en France avant de partir. Certaines entreprises utilisent ce temps pour lui permettre de mieux connaître la maison-mère, les produits, les process… Et une fois sur place, il peut transmettre tout cela aux équipes locales, jouer un rôle de lien.
LPJ : En tant que directeur régional, notez-vous des différences majeures dans la mobilisation des VIE d’un pays ASEAN à un autre ? Par exemple, entre Singapour, la Thaïlande, l’Indonésie et le Vietnam ?
Oui, bien sûr. Il y a des différences, notamment en fonction des secteurs. C’est logique : chaque pays a ses spécificités économiques.
À Singapour, par exemple, on retrouve beaucoup le domaine de la finance, des services, de la tech, les sièges régionaux. Il y a environ un millier de filiales françaises dans la cité-Etat, c’est beaucoup (et près de 2000 dans toute l’ASEAN). Il y a donc une très grande diversité de postes.
En Thaïlande, les VIE sont essentiellement déployés sur les secteurs de l’industrie, de l’automobile, de l’agroalimentaire, du tourisme et de l’énergie. En Indonésie, c’est plutôt le développement durable, l’infrastructure, l’énergie. Et au Vietnam, ce sont les services, l’ingénierie, le BTP, l’agroalimentaire, la distribution et la santé qui prédominent. La diversité économique des pays se retrouve donc bien dans les postes proposés aux VIE.
LPJ : Si l’on se projette dans une décennie, comment envisagez-vous le développement du dispositif VIE ? Selon vous, quelle place pourrait-il occuper dans les mobilités professionnelles de demain, et comment devra-t-il s’adapter aux changements économiques, technologiques ou géopolitiques en cours ?
Je pense que le rôle du VIE va continuer de grandir. Nous sommes dans une économie globalisée, avec de grands bouleversements : des tensions géopolitiques, des transitions technologiques dans tous les secteurs.
Il y aura de plus en plus de missions à fort impact, avec des vraies responsabilités pour les jeunes talents, et les jeunes d'aujourd'hui s'adaptent très vite et ont une vraie sensibilité à l’interculturel, aux langues. Je suis sûr qu’avec leurs compétences (notamment en numérique, en innovation, en adaptabilité), ils vont savoir répondre à tous ces défis.
Le monde devient plus complexe, mais le VIE reste un levier fort, à la fois pour le rayonnement de la France, pour ses entreprises et pour les carrières des jeunes attirés par l’international. A ce titre, le Club VIE réunit l’ensemble des anciens volontaires du programme tout comme que ceux en cours de mission et il est actif au Vietnam.
LPJ : Pouvez-vous nous parler des EFE ?
Les EFE, ce sont les Entreprises de Français de l’Étranger. Un dispositif assez récent a été mis en place il y a deux-trois ans pour qu’elles puissent être utilisatrices de la formule VIE. Il s’agit d’entreprises de droit local créées à l’étranger par des Français, mais qui n’ont pas de lien capitalistique avec une entreprise en France. Ces entrepreneurs nous disaient : “Nous aussi, nous participons au rayonnement de la France, mais d’une autre manière. Pourquoi ne pourrait-on pas accéder au VIE ?”.
Il y a eu une réflexion, et un modèle a été trouvé.
EFE International a ainsi été créée à l’initiative conjointe des Conseillers du Commerce Extérieur de la France (CCE) et de CCI France International.
En effet, pour qu’une entreprise puisse avoir recourt à un VIE, il faut qu’elle soit de droit français. C’est la base du contrat avec l’État, via Business France, afin de profiter des avantages de la formule.
EFE International contractualise donc avec Business France afin de porter le dispositif VIE pour le compte des EFE. Le jeune volontaire est, quant à lui, hébergé dans l’EFE sur place. Ce process se rapproche de ce qui est fait pour les entreprises françaises qui n’ont pas encore de filiale locale. La maison-mère porte le dispositif et le VIE est hébergé par une structure tierce dans le pays d’accueil. Cela fonctionne bien avec, aujourd’hui, au Vietnam, une quinzaine de VIE hébergés de cette façon sur les 75 en poste actuellement.
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