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Les minorités ethniques racontées par Réhahn à l’école Boule et Billes

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Le photographe Réhahn à la rencontre des enfants de l'école Boule et Billes (Binh Thanh).
Écrit par Loanne Jeunet
Publié le 21 janvier 2020, mis à jour le 21 janvier 2020

Le photographe Réhahn a rencontré mardi 14 janvier les élèves de l’école primaire Boule et Billes (Binh Thanh). L’occasion d’aborder avec eux son travail de photographe et leur faire découvrir les minorités ethniques du Vietnam qu’il connaît bien. 

« C’est quoi les minorités ethniques ? »

La question a été posée à la première classe de CP-CE1. Assis en tailleur tout près de Réhahn, devant l’écran qui va projeter ses photos, les enfants ont déjà pu prendre connaissance de son travail : certains de ses clichés sont exposés dans la cour de l’école depuis quelques jours. Pour le photographe de renommée internationale, l’objectif est simple : rendre accessible aux élèves l’information sur les minorités ethniques qui peuplent le Vietnam, à travers ses captures. Avec des mots simples, pédagogiques. « Les minorités ethniques, c’est comme des tribus d’Indiens, compare Réhahn, ce sont des gens peu nombreux qui vivent dans des villages, des vallées, des montagnes, où il fait très froid et où il neige, parfois jusqu’à 1600 mètres d’altitude. »

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"TUYET" © Réhahn Photography 

Ces minorités ethniques dont parle Réhahn, il les a toutes rencontrées ; sur le papier, elles sont 54 à vivre dans le pays… ! Pendant 9 ans, l’artiste parcourt le pays à moto, à la découverte des Cham, des Black Thai, des Hmong, des Co Tu, des La Chi, Phu La, Lo Lo, Pa Then etc. Parmi ses oeuvres cultes qui ont fait le tour du monde, la fillette Cham An Phuoc et son regard cristallin, Tuyet de l’ethnie Black Thai avec son chapeau conique, en couverture de son livre Children of Vietnam, ou encore Hidden Smile qui met en scène sa muse : Madame Xong, une femme âgée de 73 ans à l’époque où la photo a été prise et dont les traces du temps ont marqué les angles de son visage sans pour autant altérer son air espiègle. Cette photo a été offerte au Président français Emmanuel Macron par le Secrétaire du parti vietnamien en 2018 pour symboliser les 45 années de relations diplomatiques. 

« Quelles sont vos photos préférées ?

- Celui qui est dans la neige ! Celle avec sa mamie ! Moi, j’aime tout ! Moi aussi j’aime tout ! »

Celui qui est dans la neige, c’est en fait un petit garçon de l’ethnie La Chi dont le visage mutin émerge d’un nuage de coton. Celle avec sa mamie fait référence au portrait complice de Nhi, 4 ans et sa grand mère (« Nhi and grandma ») de la tribu Flower Lolo.

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"NHI AND GRANDMA" © Réhahn Photography 

Avant de pouvoir immortaliser ces visages de tous les âges et ces scènes de vie uniques, Réhahn a dû créer un lien de confiance avec ces tribus. Il a donc entrepris à chaque fois de se présenter au chef du village, étape essentielle pour mieux comprendre les codes, l’histoire et la culture de l’ethnie qu’il visitait, parfois méfiante envers les étrangers. « Au début, les enfants avaient peur de moi, raconte Réhahn. Puis au bout d’une heure ou deux, ils prenaient confiance, s’approchaient. Je pouvais commencer à prendre des photos. Lorsqu’ils se voient pour la première fois, ils ont peur, ne se reconnaissent pas. Puis ils finissent par adorer ça et veulent tout le temps être pris en photo. »

Le patrimoine ethnique du Vietnam menacé 

Accompagné d’une amie qui parlait vietnamien, Réhahn a beaucoup appris auprès des ethnies minoritaires, et tente de faire comprendre aux enfants de l’école Boule et Billes le fossé matériel et culturel qui les sépare. « Ce sont des enfants de familles très pauvres, leur explique-t-il devant la photographie d’un jeune garçon conduisant un vélo en bois, ils doivent trouver d’autres moyens pour s’amuser. Ici, le papa de ce petit garçon lui a fabriqué un vélo. D’autres aiment se baigner dans la rivière, danser, ou encore jouer dans la boue toute la journée

- Ils se baignent tous nus ? Ils n’ont pas peur ? Ils ne se font pas gronder ? »

La candeur des enfants fait sourire Réhahn. « Ils n’ont pas l’accès à la piscine, ils n’ont jamais vu non plus d’ordinateurs, de tablettes, ni d’appareil photo. Qui a une tablette ? » Dans la classe, les trois-quarts lèvent la main, et voient le monsieur faire la grimace. « Vous savez, mon fils a aussi  une tablette, qu’il n’a pas le droit de trop utiliser. Un jour, je suis parti avec lui dans une tribu, sans tablette. Lui aussi a joué avec les enfants des minorités, à cache-cache dans l’eau, dans la boue ! Et quand on est revenu de ce voyage, il a compris qu’on pouvait s’amuser sans tablette. » 

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Accrochés aux murs de la classe, des paniers en bambou utilisés par certaines tribus pour transporter des marchandises et un beau costume traditionnel. Ce dernier attirail symbolique, véritable vitrine de leur identité, a tendance à se perdre. Et pour cause : certains vêtements - comme ceux de la tribu Lo Lo - demandent tellement d’ouvrage, que leur fabrication dure un an pour un seul costume. De plus, les procédés de production naturels et complètement artisanaux ne sont pas pour accélérer le processus : certains costumes - ceux des H’mong, par exemple -, sont faits avec du chanvre, et les couleurs tirées d’arbres ou de plantes, comme l’indigo. Plus facile alors d’aller directement au marché où l’on peut s’en procurer à seulement 10€. « Dans 10 ans, il se peut qu’on ne voie plus de costumes, car les enfants veulent s’habiller comme les Vietnamiens des villes, ajoute Réhahn avec une pointe d’amertume. Je veux garder en mémoire les costumes avant que cela se perde ! » Ainsi, il a entamé, en parallèle de son travail de documentation photographique, la collection de chaque costume, auprès des chefs de chaque minorité. Ces costumes sont exposés aux côtés de ses oeuvres dans son musée, Precious Heritage Art Gallery, gratuit et accessible à tous, qu’il a inauguré en 2017 à Hoi An où il habite. 

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"3 LITTLE RED HMONG LAUGH" © Réhahn Photography

Aujourd’hui, Réhahn apporte un soutien financier à toutes les familles et les enfants qu’il a photographiés, dans le cadre de son projet Giving back, l’idée d’un travail collaboratif entre le photographe et le sujet. Grâce à la vente de ses clichés dont les prix s’envolent pour certains jusqu’à plusieurs milliers de dollars, l’artiste peut s’engager auprès de ceux qui l’ont aidé à se faire un nom dans la photographie, contribuer à améliorer leur qualité de vie tout en préservant le déclin culturel de leur ethnie. 

« Réhahn, je peux avoir un autographe ? » Les CM1 - CM2 se succèdent par petits groupes, en attendant la précieuse dédicace : ils n’oublieront pas le travail de Réhahn de sitôt. Et si les élèves de l’école Boule et Billes voyaient les photos des enfants des minorités dans la cour sans qu’elles ne leur évoquent beaucoup, ce ne sera plus le cas à partir de maintenant. 

 

Precious Heritage Art Gallery 

26 Đường Phan Bội Châu, Cẩm Châu, Hội An, Quảng Nam

Entrées gratuites pour tous

Horaires : 8h-20h du lundi au vendredi 

Fermé le samedi / 10h-17h le dimanche 

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