Alors que le Vietnam ambitionne de devenir un modèle régional en matière d’agriculture durable et à faibles émissions, les experts alertent sur la difficulté de généraliser les pratiques écologiques. Si des provinces comme Dong Thap montrent la voie, les obstacles restent nombreux.


Dans la province de Dong Thap, au cœur du delta du Mékong, les rizières et les vergers se transforment peu à peu en laboratoires d’une nouvelle agriculture. Lors d’un atelier organisé début octobre par le ministère de l’Agriculture, la FAO et le WWF, les acteurs locaux ont présenté plusieurs projets d’agroécologie intégrant culture, élevage et préservation des ressources naturelles. Ces initiatives, qui misent sur la diversification, la valorisation des déchets organiques et l’usage raisonné de l’eau, illustrent la volonté du pays d’adapter son agriculture au changement climatique tout en améliorant les revenus ruraux.
Des modèles fragmentés
Mais si l’agroécologie progresse dans certaines zones pilotes, sa diffusion à l’échelle nationale reste difficile. Selon les données présentées par Bui Hoai Nam, de l’Institut de planification et de conception agricoles, 275 modèles d’agriculture écologique ont été développés dans le pays depuis 2010, dont près des deux tiers au cours des cinq dernières années, période marquée par l’engagement du Vietnam à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pourtant, plus de 60% de ces projets reposent sur des fonds d’aide publique au développement, tandis que les investissements domestiques et privés demeurent modestes.
Les experts réunis lors de la rencontre s’accordent sur un constat : ces modèles restent fragmentés, de petite taille et efficaces. Si plusieurs localités ont réussi à bâtir des cadres politiques favorables, la mise en œuvre technique sur le terrain se heurte à des difficultés persistantes. Sols dégradés, raréfaction de l’eau, pertes post-récolte élevées et logistique insuffisante freinent les ambitions. À cela s’ajoute une faible coordination entre les niveaux central et local, qui rend la transition inégale d’une région à l’autre.
L’agroécologie, une vision sociale et environnementale
Pour Christopher Howe, représentant du WWF International, l’agroécologie ne doit pas être perçue comme une simple technique agricole, mais comme une démarche de restauration des écosystèmes et de cohésion sociale. Selon lui, c’est une forme d’agriculture régénératrice, qui permettrait de transformer des paysages dégradés en refuges pour la biodiversité. De son côté, Dao The Anh, directeur adjoint de l’Académie vietnamienne des sciences agricoles, y voit une occasion pour les métiers agricoles de retrouver toute leur dignité tout en renforçant la résilience des générations futures face aux dérèglements climatiques.
Sur le plan économique, les perspectives existent. Le représentant de la FAO au Vietnam, Vinod Ahuja, rappelle que la demande mondiale pour les produits agricoles écologiques dépasse 30 milliards de dollars par an. Mais la réussite, prévient-il, passera par des investissements cohérents sur toute la chaîne de valeur, depuis la production jusqu’à la commercialisation. Car même si plusieurs modèles pilotes affichent des profits et une réduction des coûts, ils échouent encore à être reproduits à grande échelle.
Vers une stratégie nationale de long terme
Les acteurs du secteur appellent ainsi à un renforcement du cadre légal et des incitations publiques : allégements fiscaux, soutien financier, formation technique ou encore développement d’un réseau national de vulgarisation agricole. Tous insistent sur la nécessité d’une stratégie de long terme, capable de fédérer l’État, les entreprises et les citoyens autour d’un même objectif.
Sur le même sujet







