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Sophie Bulbulyan, chorégraphe: "les actions artistiques ont un impact"

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Écrit par Marie-Pierre Parlange
Publié le 14 mars 2018, mis à jour le 4 octobre 2022

Sophie Bulbulyan est animée par la conviction profonde que des activités artistiques ou sportives peuvent avoir un impact sur la société en permettant à leurs acteurs de se sentir humains. C’est sans doute dans cette certitude qu’elle trouve la force de monter des projets fous, mêlant des danseurs valides et d’autres atteints de handicap lourd, de différentes nationalités, sur les scènes d’Europe où sous la mer.

 

Professeur d’éducation physique pendant 18 ans à Villiers-le-Bel, en zone d’éducation prioritaire, Sophie côtoie des jeunes en grande précarité, fragiles socialement. Sa passion pour la danse l’amène à monter en 2004 l’association DK-Bel avec son amie Corinne Faure-Grise. L’idée est de pouvoir continuer à accompagner ces élèves pour monter des projets artistiques, autour de la danse urbaine. En 2010, Sophie s’installe à Athènes et décide de consacrer tout son temps à sa passion, la Compagnie, qu’elle continue à gérer à distance. Devenue Compagnie de danse professionnelle, DK-Bel a accueilli depuis environ soixante-dix danseurs en situation de handicap (infirmes à motricité cérébrale) et des danseurs valides de tout âge. En Grèce, Sophie décide très vite de tendre la main à ce pays plongé dans des difficultés économiques et sociales sans précédent : « Je me demandais : que peut-on faire pour les Grecs ? Comment leur donner de l’optimisme ? »

De ses rencontres avec des musiciens grecs et notamment le compositeur Trifon Koutsourelis nait la pièce chorégraphique "ANAMESA MAS" (Entre Nous en grec) composée de 17 danseurs de Villiers-le-Bel dont 5 en situation de handicap lourd. Face à l’émotion et l’enthousiasme du public, le Lycée Franco-Hellénique Eugène Delacroix propose d'en créer un Festival européen. C’est ainsi qu’en 2013, pendant 5 jours, 500 jeunes Européens (Français, Grecs et Hongrois), en situation de handicap ou non, se retrouvent autour de la pratique artistique amateur et professionnelle. Une parade de rue est organisée de places en places dans chaque ville où le festival est organisé. « L’idée d’Anamesa mas, c’est l’inclusion. On dit aux jeunes : « Viens comme tu es, quels que soient les chemins d’où tu viens, il peut y avoir une entité ». Depuis, l’initiative a été reconduite en Hongrie en partenariat avec le Lycée Gustave Eiffel de Budapest puis en France, où il est organisé en partenariat avec 4 villes d'Ile de France et 5 pays participants : France, Grèce, Hongrie, Liban, Portugal. La prochaine édition aura lieu en 2018 à Lisbonne.

Spectacles, ateliers, tables rondes, l’objectif est d’arriver à déclencher le partage, l’empathie, l’ouverture à l’autre, quelque soient les difficultés. Le spectacle Kyma que Sophie prépare en parallèle, avec 4 danseurs grecs et 3 danseurs de DK-BEL (3 danseurs sur les 7 en situation de handicap) a le même objectif : « Faire évoluer les mentalités et permettre d’avoir un regard neuf sur le monde du handicap. Ce sont les moteurs de notre action ».

Un ballet de bulles sous l’eau

Les projets les plus fous ne font pas peur à Sophie.  En 2016, le premier spectacle chorégraphique sous-marin en bouteille au monde, Drops of Breath, voit le jour sur les rivages grecs. Quarante personnes à cinq mètres de profondeur assistent à une danse sous l'eau, « un projet exigeant d'un point de vue physique, logistique, économique et humain. Trois des quinze performeurs de cette pièce étaient des personnes en situation de handicap (infirmes à motricité cérébrale - mal voyante) et trois étaient des enfants ». La magie opère.



La simultanéité de performance sous l’eau et de l’arrivée massive des migrants trouble beaucoup la chorégraphe : « Tout à coup, la crise migratoire était au bas de chez moi. Je me suis promise de parler de ceux qui traversent la Méditerranée ». Elle recueille des familles chez elle, fait du bénévolat auprès d’eux : « le contact, même virtuel, est très important. Il y a une telle colère, ils sont perdus, l’oisiveté est terrible. Ils peuvent très vite basculer du mauvais côté si on ne les regarde pas. » L’idée du Beaming Project jaillit alors, afin de créer un réseau de jeunes Européens réel et virtuel qui défend les valeurs d’accueil, d’empathie et de partage en lien avec les jeunes réfugiés mineurs non accompagnés d'Athènes. En 2017, une centaine de jeunes Français, Grecs et réfugiés dont 30 mineurs non accompagnés sont impliqués dans ce beau projet, soutenu par Erasmus Plus.
 

Peu de moyens


Chacune de ces expériences est un réel défi, avec au départ très peu de moyens financiers et humains. Sur tous les fronts, Sophie se bat, mais se dit pourtant « frustrée de ne pouvoir faire davantage encore, faute de ressources financières et humaines suffisantes, tellement les besoins pour ces jeunes adolescents stoppés aux portes de l'Europe en Grèce sont énormes ». Infatigable, elle met en place une petite ONG, WILCOME - Sophie Bulbulyan, pour faire aboutir des micro-projets ciblés sur les besoins des personnes qu’elle connaît personnellement : un artiste Irakien qui veut exposer, un jeune qui souhaite passer son diplôme de plongée…
 

Sophie Bulbulyan
Interpréter les émotions des réfugiés

Sophie prépare pour juin la pièce 3000 et Quelques... en référence aux 3789 migrants disparus en mer en 2017 (chiffre officiel UNHCR): un duo de danseurs professionnels interprètera les émotions que peuvent ressentir les réfugiés pendant leur périple forcé. Si elle déborde d’idées et d’énergie, elle avoue être parfois « un peu fatiguée » de mener tant de projets de front. Mais le jeu en vaut la chandelle : « Je vis, sans aucun doute, mes plus grandes émotions, lorsque je constate que la vie de ces jeunes en difficulté évolue, parfois même est bouleversée de façon positive, comme si une réconciliation avec la vie s'opérait, sans pour autant penser que le chemin de la difficulté est terminé ».

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