Emeric, comme d’autres Français expatriés au Vietnam, s’est retrouvé bloqué en France en raison du COVID-19. Loin de sa famille, sans aucune visibilité et prise en charge, il ne sait pas quand est-ce qu’il reverra sa femme et sa fille.
« Mon épouse est toute seule et s’occupe de ma fille de 4 ans que je n’ai pas vue depuis décembre. » Le constat est plus qu’amer pour Emeric, bloqué en France depuis plusieurs mois. « Cela fait plus de 8 ans que je suis expatrié au Vietnam, je vis et travaille à Nha Trang. Je ne rentre pratiquement jamais mais j’étais venu passer les fêtes de fin d’année en France. » Malgré son statut de conjoint, il n’a pas pu bénéficier d’un vol de rapatriement comme son épouse vietnamienne. Les frontières demeurant toujours fermées au Vietnam, hormis pour des catégories d’individus particulières, Emeric n’a d’autre choix que de prendre son mal en patience…
Mais le temps est long, pour lui qui ne voit aucune perspective de retour et se retrouve dans l’impossibilité de travailler et d’aider sa famille. « Ma femme et moi travaillons ensemble, mais elle est désormais toute seule pour s’occuper de notre fille et de notre commerce. Financièrement, cela nous pose des problèmes. » Cerise sur le gâteau, son visa de conjoint a expiré.
« (…) personne ne parle du cas des Français de l’étranger qui ne peuvent pas regagner leur pays d’expatriation. »
Face à une telle situation, il a fait des pieds et des mains pour entrer en contact avec les institutions de référence. « Le 1er juillet, j’ai eu une lueur d’espoir avec la réponse de l’ambassade de France à Hanoi. On m’a demandé plusieurs papiers, passeport, tout en me précisant qu’aucune date de retour n’était prévue pour le Vietnam. Depuis, plus rien. »
Le consulat général de France à Saigon l’a réorienté vers l’ambassade du Vietnam à Paris, au grand dam d’Emeric, qui ne sait plus à quel saint se vouer : « Ça devrait être au consulat de contacter l’ambassade », affirme-t-il, désabusé. De dépit, il a fini par écrire au ministère des Affaires étrangères. Réponse : ce n’est pas de son ressort, mais plutôt celui de l’ambassade du Vietnam en France. « Je comprends que la situation est difficile et que je ne suis pas le seul. Mais je trouve hallucinant que personne ne parle du cas des Français de l’étranger qui ne peuvent pas regagner leur pays d’expatriation, pointe-t-il. L’Etat français a parlé d’un fonds d’urgence pour les expatriés ; certes ce n’est pas une urgence mais c’est quand même une situation délicate sur laquelle je voudrais alerter. »
Etienne, retraité à Vũng Tàu, a également été séparé de sa moitié, rentrée en France en mars dernier pour raison familiale. Naturellement, sa femme n’a pas pu revenir après la fermeture des frontières vietnamiennes. « Je suis célibataire depuis le 2 mars ! Mais le plus grave, jusqu’à quand ? » désespère-t-il. À moins de se décider à prendre un billet d’avion pour la France, Etienne ne risque pas de la revoir avant un bon moment.
En Thaïlande, le témoignage de Guillaume fait écho aux précédents. Il a pris l’avion le 16 mars de Saigon où il habite, pour l’île de Koh Samui. Il s’estime tout de même chanceux d’être bloqué dans un tel endroit, et se félicite d’avoir emporté avec lui son ordinateur pour pouvoir continuer à travailler. Mais l’incertitude de l’avenir se profile à l’horizon : son amnistie de visa prendra fin le 31 juillet. « La Thaïlande souhaite faire le ménage concernant les étrangers bloqués à cause du COVID, déplore-t-il. Je vais devoir partir mais je ne sais pas où, je n’ai aucune idée de quoi faire, mon amie à Saigon trouve le temps long, confie-t-il encore. Je reste optimiste parce que je n’ai pas le choix, et je tente de ne pas me projeter à plus d’un jour; mais quand j’y pense, je stresse. »
Emeric, Etienne et Guillaume font partie de ces Français de l’étranger qui se sont retrouvés piégés à cause de la crise sanitaire de COVID-19, et dont le nombre est encore impossible à déterminer à l’heure actuelle. En attendant, Emeric tente d’entrer en contact avec d’autres compagnons d’infortune. Par cette démarche, il espère médiatiser leur situation. Il souhaiterait en particulier que les institutions françaises au Vietnam prennent réellement en compte leur problématique et que les Français dans son cas puissent bénéficier d’un vol de rapatriement spécial. « En tant qu’expat’, je voudrais qu’on puisse rentrer dans les premiers avions. La quarantaine à ma charge, je suis prêt à la faire. Nous ne sommes pas des touristes ! », martèle-t-il.