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Hanoi Hannah : La voix de la guerre refait surface sur TikTok

Un extrait audio de Hanoi Hannah, figure de la radio nord-vietnamienne pendant la guerre du Vietnam, est devenu viral sur TikTok. Cette soudaine popularité réveille les mémoires d’une guerre médiatique, où les ondes devenaient des champs de bataille. Une voix singulière, entre résistance culturelle et stratégie psychologique, aujourd’hui redécouverte par une jeunesse curieuse.

Hannah hanoiHannah hanoi
Crédit Nghiên cứu Quốc tế
Écrit par Lepetitjournal.com de Hanoi
Publié le 9 juin 2025, mis à jour le 10 juin 2025

"How are you, GI Joe? It seems to me that most of you are poorly informed about the going of the war..." (Comment ça va, GI Joe ? Il me semble que la plupart d’entre vous êtes mal informés sur le déroulement de la guerre…). Ces mots, soufflés dans un anglais impeccable, résonnent aujourd’hui avec étrangeté dans les oreillettes d’une génération qui n’a pas connu la guerre du Vietnam. Sur TikTok, un extrait de la voix célèbre connue sous le nom de "Hanoi Hannah" est devenu viral, attirant des centaines de milliers de vues, de commentaires et de partages fascinés.

Ce retour soulève une question : qui était vraiment Hanoi Hannah ? Et pourquoi, en 2025, cette voix oubliée du XXe siècle résonne-t-elle dans les fils d’actualité ?

 

Une voix contre une armée

 

Trịnh Thị Ngọ, née en 1927 à Hanoi dans une famille lettrée, fut la voix de la radio nord-vietnamienne pendant le conflit. Animatrice vedette de la Voice of Vietnam, elle émettait sous le pseudonyme “Thu Huong” (Parfum d’automne) à destination des soldats américains. Chaque jour, trois émissions leur étaient consacrées, rédigées par le ministère de la Défense.

Trinh y déployait une voix posée, presque maternelle, pour semer le doute, évoquer les inégalités sociales aux États-Unis, parler des révoltes de Detroit ou de la fatigue morale des troupes. Elle citait les noms des soldats tués, diffusait des chansons folk anti-guerre, ou les prises de parole d’acteurs du mouvement pacifiste américain. « Defect, GI. It is a very good idea to leave a sinking ship. You know you cannot win this war. » (Déserte, GI. C’est une très bonne idée de quitter un navire en train de couler. Tu sais que tu ne peux pas gagner cette guerre).

 

Une stratège et une femme de culture

 

Trinh Thi Ngo n’était pas une militante aveugle. Née dans le quartier colonial de Hanoi, fille d’un père avocat francophile et d’une mère férue de littérature, elle grandit dans une atmosphère cultivée et ouverte sur le monde. Elle étudia l’anglais avec passion, fascinée par la culture américaine, et notamment par le cinéma hollywoodien qu’elle découvrait dans les salles obscures de la capitale. Elle avouait avoir vu plus de vingt fois Autant en emporte le vent, fascinée par le personnage de Scarlett O’Hara.

En 1955, elle rejoignit la radio d’État, convaincue que l’information, bien utilisée, pouvait servir son pays. Son pseudonyme radiophonique, Thu Huong, fut choisi pour évoquer la douceur et la mélancolie : deux traits que l’on retrouvait dans son ton posé, bien loin de l’image caricaturale de la propagandiste agressive. Elle travailla aux côtés de journalistes internationaux pro-vietnamiens, comme l’Australien Wilfred Burchett, qui l’initia à l’art du récit politique.

On a souvent débattu de son impact. Le journaliste Don North, qui l’a rencontrée, parlait d’une influence "minimale", en raison d’une faible portée des ondes. Pourtant, de nombreux soldats écoutaient avec attention ses émissions, parfois avec légèreté, parfois avec trouble. Sa voix était familière, et à ce titre, elle s’inscrivait dans un espace mental où l’intime se mêlait à la guerre.

 

Une vidéo virale ravive la mémoire

 

TikTok, aujourd’hui, redonne à entendre ce souffle du passé. Le contraste est saisissant : le ton calme de Trinh Thi Ngo face aux montages visuels frénétiques de la plateforme. Mais ce revival dit quelque chose d’essentiel. Il rappelle que les grandes figures de l’histoire vietnamienne ne sont pas figées dans les manuels. Elles vivent encore dans les médias, les images, les sons.

 

 

Exemple de publication utilisant l'audio d'archive d'Hanoi Hannah. 

 

Trinh Thi Ngo, loin d’être une simple relayeuse de propagande, fut une femme de radio. Et comme beaucoup de journalistes, elle choisit les mots pour traverser les silences. Il y avait, dans sa voix, quelque chose de l’intelligence sensible du Vietnam : la stratégie, oui, mais aussi la dignité.

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