Le Petit Journal de Hanoï vous emmène à la rencontre du photographe Éric Sanger Monteros. Cet autodidacte a consacré quinze années de sa vie à photographier l’eau sous toutes ses formes, aux frontières de l’abstraction. Il exposera à Hanoï en octobre prochain. En attendant la confirmation des dates exactes, voici un entretien intime avec cet artiste et son obsession pour les mille visages de l’eau. « Sur l’eau, on photographie tout l’univers : le fond de la rivière, la surface, le soleil, la végétation… tout y est. »
Des toiles aux mille reflets, comme si Éric Sanger Monteros parvenait à capturer l’éclat fugace du soleil frappant l’eau. Cet automne, l’artiste exposera pour la première fois au Vietnam. Le Petit Journal de Hanoï vous invite à découvrir en amont le regard singulier de ce photographe autodidacte, passionné par un sujet en apparence simple, mais d’une richesse infinie : l’eau.
« Je ne photographie que le réel »
Né en 1960 à Neuilly-sur-Seine, Éric Sanger Monteros n’a jamais cessé de créer. Il consacre parfois des années entières à explorer une idée, une sensation, un thème. Sa démarche s’inscrit dans le temps long, dans une forme de fidélité au regard. Fugace, insaisissable sans se mouiller, presque inaccessible tant elle change de forme à chaque instant. Jetez un pavé dans une mare, et vous obtiendrez mille tableaux différents. « Si vous photographiez un bâtiment, il y a peu de points de vue. Vous êtes obligé de vous placer devant, d’attendre le petit matin ou le soleil couchant, d’essayer certains angles ou détails, puis rapidement, vous avez fait le tour. Ce n’est pas vivant », commente Éric.
« La France fait partie du Vietnam, et le Vietnam fait partie de la France »
À la limite de l’abstraction, flirtant parfois avec le fractal, Éric qualifie son art de vivant.
« Je ne photographie que le réel », précise-t-il. Cela se ressent aussi dans son approche de la retouche, qu’il utilise avec parcimonie. « Photoshop ne crée pas l’émotion. Elle doit être portée par la photo d’origine. » Lorsqu’il parle de sa future collaboration avec la Chau & Co Art Gallery à Hanoï, il est enthousiaste : « La France fait partie du Vietnam, et le Vietnam fait partie de la France. Il y a une histoire commune. C’est un pays jeune dans l’esprit, dynamique. Quand on propose une idée, les gens disent ‘génial’, pas ‘ce n’est pas possible’. »
La complexité de l’eau : une obsession photographique
Depuis plus de quinze ans, Éric s’est concentré sur un seul et même sujet : l’eau. Un choix qui, loin de le limiter, est devenu pour lui un territoire d’exploration sans fin. « L’eau, c’est vivant. Ce n’est jamais la même chose. Si vous me donnez un mètre carré d’eau, je peux faire des photos toute une journée. C’est suffisamment vaste pour nourrir toute une vie. » Lorsqu’il observe l’eau, selon lui il observe un tout ; « Sur l’eau, on photographie tout l’univers : le fond de la rivière, la surface, le soleil, la végétation… tout y est. Ce qui est fabuleux, c’est que cela fait quinze ans que je m’acharne sur le sujet de l’eau, mais je n’en ai toujours pas fait le tour », s’exclame-t-il. Reflets, brillance, textures, mouvements… Ses clichés révèlent l’eau sous toutes ses formes. Loin d’une approche technique ou naturaliste, Éric cherche à provoquer une émotion immédiate. La frontière entre le réel et l’abstraction s’estompe.
« À force de rester, d’attendre, de regarder avec attention, les choses finissent par apparaître. Des détails qu’on ne voyait pas au début. »
« Ce qui est génial avec l’eau, c’est d’en observer le mouvement et d’en extraire les formes les plus élégantes. L’eau échappe à l’étiquette immédiate. On ne peut pas dire “voilà ce que c’est”. Alors, on se laisse aller. » Il confie que lorsqu’il emmène des amis sur les sites où il travaille, la surprise est souvent au rendez-vous : « Les gens me disent : “Je vois les photos, je vois l’eau, je ne comprends pas comment vous avez vu ça, ni comment vous avez fait ces clichés.” » Et d’ajouter : « À force de rester, d’attendre, de regarder avec attention, les choses finissent par apparaître. Des détails qu’on ne voyait pas au début. » Il ne prémédite pas ses intentions artistiques. Il vit l’instant, se laissant guider par une impulsion, presque instinctive. « Quand je suis derrière l’appareil, c’est comme si je n’existais plus. C’est très intuitif. »
La réponse d’Éric peut surprendre lorsqu’on lui demande ce qu’il fait d’une bonne photo : « Je la jette. Une bonne photo, ce n’est pas une photo qu’on garde. Soit elle est vraiment sublime, et on ressent une émotion immédiate, soit elle est simplement “bonne”, et dans ce cas, on comprend trop bien pourquoi elle l’est. Alors on retravaille, on cherche à aller plus loin, à faire quelque chose d’époustouflant. » L’homme, perfectionniste, n’en est pas moins humble.
Amoureux de la nature
Parfois, son travail dépasse le cadre traditionnel de la photographie pour s’incarner dans d’autres formes, comme le textile. C’est ainsi qu’est née une collection de foulards conçus à partir de ses clichés. « Un foulard, on le regarde à dix centimètres. Donc il faut une netteté parfaite sur toute la surface. » À partir de fragments d’images, il compose des motifs kaléidoscopiques qu’il décline ensuite sur de la soie. Les textures photographiques rencontrent les moirés du tissu dans un dialogue subtil. Selon lui, un peu à la manière de l’eau, le foulard se tend, se détend, se déploie avec souplesse. À chaque mouvement, il prend une nouvelle forme, comme une rivière qui épouse les contours de sa berge.

« Le soyeux de la photo se combine avec celui de la soie. Ça crée des effets fascinants. » En parallèle de son travail sur l’eau, Éric s’intéresse aussi à la nature, aux forêts d’hiver, aux branchages. Il photographie les couches, les profondeurs, les flous, les transparences. « La poésie d’une photo se situe souvent dans le flou. Le net ne sert que de cadre. » Éric défend une photographie ouverte, dans laquelle le regard du spectateur joue un rôle central. « Dans les flous, chacun voit ce qu’il veut. Comme dans un livre. Une personne va dire “j’y vois un jouet”, une autre “un visage”, une troisième va parler des couleurs… Et tout est vrai. »

Une collaboration inattendue a également marqué son parcours : la rencontre entre ses photographies et la musique du compositeur Philippe Hersant. Un jour, son cousin, chef d’orchestre, lui glisse que ses images résonnent d’une manière singulière lorsqu’elles sont accompagnées des compositions de Hersant. « De fil en aiguille, on a commencé à travailler là-dessus. Et effectivement, la musique de Philippe Hersant fonctionne très bien avec mes images. Quand on voit les deux ensembles, cela génère une poésie assez bouleversante. Plus forte que la musique seule, plus forte que la photo seule. Ça décuple les émotions », se souvient-il.
Pour lui, cette exposition au Vietnam sera une nouvelle expérience, qui fera sans doute germer de nouvelles idées créatives. La ville de Hanoï est un véritable terrain de jeu pour les artistes : le regard d’un passant, un visage dans une marée de scooters, une boutique à la devanture surannée, un cri dans la foule… tout devient source d’inspiration. Le Petit Journal de Hanoï vous tiendra informé du passage d’Éric dans le pays.
Pour découvrir l’ensemble de ses créations et ses foulards, rendez-vous sur :
https://www.ericsangermonteros.com/
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