Édition Francophonie

Peter Hominuk, la voix lucide et combative de la francophonie ontarienne

Née il y a plus de cent ans, l’AFO s’est métamorphosée au fil des décennies pour devenir un acteur incontournable de la francophonie minoritaire au Canada. Son directeur général, Peter Hominuk, mène un combat quotidien pour structurer, représenter et projeter une communauté diverse et dynamique. Rencontre avec un stratège discret mais déterminé, à l’heure où l’AFO s’apprête à lancer de nouveaux États généraux pour réinventer ses structures.

Peter HominukPeter Hominuk
Peter Hominuk, Directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario
Écrit par Bertrand de Petigny
Publié le 3 avril 2025, mis à jour le 4 avril 2025

 

 

Une institution centenaire aux racines militantes

« Mon organisme est né en 1910, d’un militantisme francophone assumé », rappelle Peter Hominuk. Depuis, l’AFO a connu plusieurs mutations, notamment en 2006, lorsqu’elle devient l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario pour mieux refléter la diversité contemporaine.

Aujourd’hui, elle fédère des centaines d’organismes — locaux, régionaux ou provinciaux —, des institutions publiques et même des individus, tous unis autour d’un objectif commun : faire vivre le fait français dans un environnement souvent peu réceptif.

 

 

 

Trois piliers pour une action structurée

Représentation politique, concertation communautaire et renforcement des capacités : tels sont les trois mandats fondamentaux de l’AFO. « On veut amplifier la voix de nos membres, pas parler à leur place », insiste Hominuk. Pour cela, l’organisme a mis en place des outils permanents : congrès annuel, tables sectorielles, consultations régulières… mais surtout un Plan stratégique communautaire tous les cinq ans, avec une vision sur dix. Un effort d’anticipation rare dans le paysage associatif.

 

 

 

Le Plan stratégique communautaire de l'AFO

 

 

 

Des livres blancs pour parler d’égal à égal

Pour peser dans les rapports de force avec les gouvernements, l’AFO produit régulièrement des livres blancs documentés : sur les femmes, la santé, l’économie ou encore les médias. « À mon arrivée, on manquait cruellement de données probantes. Désormais, on a des faits, des chiffres, des recommandations solides. »

Le livre blanc sur l’économie franco-ontarienne a ainsi permis de mettre en lumière une réalité méconnue : 30 000 entreprises bilingues contribuent 80 milliards de dollars par an au PIB de l’Ontario. Un changement de narratif stratégique.

 

 

 

Une vision internationale réaffirmée

Longtemps cantonnée à des enjeux locaux ou provinciaux, la francophonie ontarienne revendique aujourd’hui sa place à l’international. En 2016, l'Ontario est devenu membre de l’OIF, et l’AFO y voit une opportunité : « On a milité pendant des années pour que notre province rejoigne l’OIF. C’est essentiel que les Franco-Ontariens rayonnent aussi à l’échelle mondiale », affirme Hominuk. Un comité dédié aux affaires internationales a été mis sur pied, et les liens avec les autres francophonies, notamment celles des Amériques, se resserrent.

 

 

 

États généraux : un tournant stratégique

À l’automne, l’AFO lancera des États généraux pour interroger en profondeur ses structures, ses priorités et son avenir. « La pandémie a fragilisé nos organismes. Il est temps de repenser notre fonctionnement, d’écouter les communautés, et de construire collectivement l’avenir », explique le directeur général. L’exercice, confié à une firme indépendante, s’étalera sur un an et mobilisera tous les secteurs — de la petite enfance à l’économie, de l’immigration à la culture.

 

 

 

Une démographie sous tension

Le poids démographique des francophones est en recul en Ontario, oscillant entre 4,8 % et 5 %, contre 6,3 % en 1971. « Si on veut revenir au niveau des années 70, il faudrait maintenir un taux d’immigration francophone à 20 % pendant 20 ans », affirme Hominuk. En parallèle, les taux de natalité et d’assimilation compliquent l’équation. « L’enjeu, c’est aussi l’intégration. Il ne suffit pas de compter les nouveaux arrivants, il faut les accueillir, les écouter, leur faire une place. »

 

 

 

 

 

 

Un militantisme à visage humain

Né à Welland, dans la région de Niagara, d’une mère canadienne-française et d’un père d’origine ukrainienne, Peter Hominuk incarne cette hybridité identitaire propre à l’Ontario. Il revendique une expérience de terrain dans les mouvements de jeunesse et une profonde connaissance du maillage communautaire. « Certains de mes membres fonctionnent avec 12 millions par an, d’autres tournent uniquement grâce à des bénévoles. C’est un écosystème complexe, qu’il faut soutenir avec doigté. »


 

 

Construire l’avenir, mais pas seul


Alors que l’AFO entre dans une nouvelle phase de réflexion collective, son directeur général poursuit un chantier aussi politique qu’humain : renforcer les liens, documenter les réalités, faire exister une francophonie minoritaire vivante et ambitieuse. Reste à savoir si les partenaires institutionnels — provinciaux, fédéraux et internationaux — seront au rendez-vous pour accompagner ce nouvel élan.

 

 

 

 

 

 

 

Article réalisé en collaboration avec le RIMF, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie

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