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MANUEL SANCHEZ – "La DorMeuse Duval est une « dramédie » qui montre la réalité rugueuse du monde ouvrier"

Écrit par Lepetitjournal Francfort
Publié le 2 avril 2017, mis à jour le 3 avril 2017

Sorti le 22 février en France, le film la DorMeuse Duval, tourné dans les Ardennes, sera présenté en avant-première le 5 avril au Filmforum Höchst à Francfort. Son réalisateur Manuel Sanchez, rencontré à Paris en mars, présente ce qu'il appelle une "dramédie" jouée par des acteurs au charisme redoutable comme Dominique Pinon, Marina Tomé, Delphine Depardieu ou encore Pascal Turmo. Lepetitjournal.com/francfort lui a tendu le micro pour en savoir davantage sur les coulisses de la réalisation d'un film à petit budget qui a surtout vu le jour grâce à un capital humain exceptionnel.

Manuel Sanchez
(Photo Valérie Keyser lepetitjournal.com/francfort)

Adaptation libre du roman de Franz Bartelt "Les Bottes Rouges", le film "La DorMeuse Duval" tourné dans les Ardennes, s'est entouré d'acteurs dont la filmographie laisse rêveur. Dominique Pinon, une "gueule" du cinéma français, a déjà exprimé son immense talent dans des films tels que "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", "Delicatessen" ou encore "Un long dimanche de fiançailles". Marina Tomé découverte dans Tatie Danielle n'a cessé de jouer et d'enchanter le public comme dans "Le péril jeune" ou "Les Rois Mages", Pascal Turmo, acteur de théâtre, connu pour ses apparitions dans la série télé "Plus belle la vie" a été révélé au cinéma dans "Omar m'a tuer". Quant à Delphine Depardieu, fille du producteur Alain Depardieu - le frère de Gérard Depardieu - elle a non seulement hérité de la fibre théâtrale et cinématographique familiale mais vient d'être nommée le 29 mars au Molière de la Révélation féminine avec Le Dernier Baiser de Mozart d'Alain Teulié. Entretien avec Manuel Sanchez.

Lepetitjournal.com/francfort : vous avez réalisé jusqu'ici deux longs-métrages : les Arcandiers en 1991, film qui a reçu plusieurs récompenses dont la nomination aux Césars du cinéma en 1992 ainsi que la DorMeuse Duval 25 ans après. Qu'avez-vous fait pendant tout ce temps ?

Manuel Sanchez : (Rires). Après "Les Arcandiers", une comédie qui a très bien marché, j'ai continué à réaliser et produire mais dans un tout autre domaine. J'étais responsable d'une société de communication, je réalisais des films institutionnels pour les entreprises et puis, au bout de quelques années, j'en ai eu assez, je voulais faire autre chose. Je suis de formation littéraire initialement, passionné de littérature et d'écriture, et j'ai repris le chemin de l'université pour étudier le droit à Reims. Puis le producteur de cinéma, Alain Depardieu, m'a alors incité à reprendre la production de films et l'écriture de scénarios un peu avant 2005. Cependant pour des raisons personnelles, le projet de long-métrage sur lequel j'ai travaillé à cette époque n'a pas abouti. J'ai continué à faire tourner ma société et pour les besoins du film "La DorMeuse Duval", j'ai créé en 2013, la société de production "Quizaz".

Comment est née l'idée de réaliser le film "La DorMeuse Duval" ?

Après avoir longtemps vécu à Paris, mon épouse et co-scénariste Muriel Harrar et moi-même avons décidé de nous installer dans les Ardennes pour écrire un scénario inspiré de la vie de Madame Rimbaud. J'ai relu tous les poèmes d'Arthur Rimbaud qui habitait à Charleville dans les Ardennes. Je suis particulièrement fasciné par deux très beaux poèmes "Le dormeur du val" qui dénonce les horreurs de la guerre et par "Ophélie", qui reprend le thème d'Hamlet, dont l'héroïne délaissée, se noie de désespoir. J'ai aussi découvert le roman "Les Bottes Rouges" de Franz Bartelt empreint d'images poétiques et débordant d'humour. L'histoire se déroule en paysage ardennais et met en scène un journaliste d'un quotidien local. Son voisin et ami, Basile Matrin, magasinier d'usine marié à Rose, va voir sa vie basculer à l'arrivée dans le village et à l'usine de Maryse, une jeune actrice dont les rêves parisiens se sont brisés. L'idée d'un scénario mêlant les poèmes de Rimbaud et l'histoire du roman s'est alors mise en place.

C'est en quelque sorte une version un peu remaniée du roman ?

C'est une adaptation libre du roman "Les Bottes rouges", fidèle à l'esprit de l'ouvrage mais pas à l'histoire. Le film est drôle pour ses dialogues mais tragique pour ses situations. Il se concentre sur la disparition de Maryse Duval. C'est ce que j'appelle une "dramédie".

Alain Depardieu, co-producteur et Manuel Sanchez, réalisateur, producteur, distributeur de "La DorMeuse Duval".
(Photo Valérie Keyser lepetitjournal.com/francfort)

Le titre "La DorMeuse Duval" est un clin d'?il au poème de Rimbaud, "Le dormeur du val". C'est apparemment aussi un jeu de mot avec le fleuve qui coule dans les Ardennes ?

Exactement, le titre fait écho au poème "Le dormeur du val", le M écrit en majuscule fait référence à la Meuse qui coule dans les Ardennes où se déroule le scénario et Duval, c'est le nom de famille de Maryse dans le film ? pas dans le livre -, la jeune femme qui abandonne ses projets de comédienne à Paris et revient dans son village pour travailler à l'usine. La DorMeuse Duval, c'est Delphine Depardieu mais c'est aussi le nom d'une bière, fabriquée localement au houblon sauvage des Ardennes afin d'assurer la promotion du film. Il n'y a pas qu'en Allemagne qu'on boit de la bière, dans les Ardennes, aussi ! (Rires).

Comment s'est fait le choix des acteurs ?

Pour le rôle de Basile Matrin, le magasinier idéaliste, j'ai pensé à Dominique Pinon qui est un ami depuis 30 ans. Je l'avais rencontré la première fois lors d'un Festival du court-métrage à Clermont-Ferrand dont il composait le jury. Il avait remarqué un de mes courts-métrages. En 1991, je lui ai proposé de jouer dans la comédie "Les Arcandiers" où il incarnait Bruno, un jeune dés?uvré qui convainc ses deux amis de partir au Brésil. C'est un très bon acteur qui a joué dans des films cultes comme "Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain" ou "Delicatessen" connus au-delà des frontières. Delphine Depardieu, je l'ai remarquée dans un documentaire d'Alain Depardieu, j'ai d'ailleurs découvert qu'Alain avait une fille (Rires), charmante de surcroît, dont j'ai apprécié la voix et la présence à l'écran. Pour Marina Tomé, un extrait du film "Ceci est mon corps", m'a tout de suite convaincu que c'était elle qu'il nous fallait dans le rôle de Rose Matrin. Quant à Pascal Turmo, je l'ai remarqué dans le court-métrage "Le vent des regrets" dans lequel il interprétait le rôle d'un avocat d'un homme condamné pour parricide joué par Alain Depardieu. Je l'ai rencontré seulement la veille du tournage de "La DorMeuse Duval" pour lui proposer le rôle du journaliste car nous venions d'avoir la défection d'un des acteurs. Le hasard et la spontanéité font parfois bien les choses. Pour les autres rôles, je me suis entouré d'acteurs que je connais bien et qui font partie de mon environnement comme Toni Labrizzi (le professeur de piano) et Charles Schneider (le père de Maryse Duval). J'ai aussi eu la joie d'accueillir sur le tournage Didier Kaminka et Pierre-Lou Rajot.

"La DorMeuse Duval" est un film à petit budget et pourtant le film est d'une grande qualité tant au niveau de la mise en scène, du choix et du jeu des acteurs et de leur grande sincérité que des images. Comment avez-vous financé le film ?

Petit budget ? Tout est relatif. Le film dont je suis aussi bien réalisateur, producteur et distributeur revient à 700.000 euros mais vu la qualité du film, la distribution de comédiens de talent, c'est un film qui aurait dû coûter 2,5 millions d'euros. Les acteurs et techniciens ont tous accepté de très petits salaires avec beaucoup d'enthousiasme pour que le projet puisse voir le jour. Le film a été tourné durant l'été 2015 en cinq semaines en décors naturels à Nouzonville dans une petite ville ouvrière de la vallée de la Meuse, et 1 % à Bouillon à la frontière belge. Le film produit par la société Quizaz n'a reçu aucune aide du CNC, le Centre National de la Cinématographie. C'est uniquement grâce au financement participatif, au soutien des collectivités territoriales, des régions et du département mais aussi grâce à des financements privés qu'il a pu sortir sur grand écran.

Vous portez un regard terriblement humaniste sur le monde ouvrier. Chaque personnage est drôle, mais aussi parfois cynique ou médiocre et pourtant profondément attachant, de la femme qui se dit trompée, simule la dépression et veut se venger à l'ancien prêtre professeur de piano qui joue les escrocs. "Les Arcandiers" sorti en 1991 met en scène des jeunes dés?uvrés et sans le sou qui essaient de sortir de leur condition misérable. Pourquoi ces choix ?

Je suis moi-même issu d'un milieu ouvrier, mon père était ouvrier dans les pays de la Loire et je connais bien ce monde-là. Je suis d'ailleurs un ouvrier, un artisan du cinéma.
La Meuse, c'est la vallée du fer, des forges, des fonderies. Avec Muriel Harrar, on a voulu introduire dans mon dernier long-métrage ce monde ouvrier propre aux Ardennes. "La DorMeuse Duval" montre la réalité parfois rugueuse de ce monde ouvrier.

Sa sortie en salle en France s'est faite le 22 février dernier. Avez-vous déjà des échos positifs ?

Oui et non. Je n'ai pas encore eu accès à l'ensemble des statistiques de fréquentation, en tout cas en ce qui concerne les salles de cinéma en province. Je sais en revanche que le public est nombreux à Paris au Lucernaire où il a été diffusé à sa sortie et les retours sont très encourageants, les spectateurs semblent beaucoup apprécier.

Est-ce parce que les comédies françaises ont le vent en poupe en Allemagne que vous avez choisi d'y distribuer votre dernier film ?

Oui le public allemand est en effet très réceptif aux films français et notamment aux comédies qui marchent d'ailleurs très bien outre-Rhin. "Bienvenue chez les Ch'tis" et "Les Intouchables" notamment, ont été classés parmi les premiers au box-office de l'Allemagne. Il y a aussi un public francophone et très francophile en Allemagne. Aussi, j'ai moi-même appris l'allemand et même si mes connaissances sont aujourd'hui quelque peu rouillées, je suis sensible à ce qui se fait outre-Rhin.

Les dialogues sont parfois très crus et très imagés dans le film. Pensez-vous que le public allemand sera réceptif à l'humour noir du film ?

Il est vrai que l'humour n'est pas le même d'un pays à l'autre. Nous avons fait appel à des traducteurs, Rosanna Ruo et Cédric Samson, qui ont travaillé en binôme sur les sous-titres allemands. Nous avons aussi une version avec des sous-titres en anglais mais aussi en espagnol pour pouvoir distribuer le film en Europe. J'ai supervisé les sous-titres espagnols en ce qui me concerne. Ce qui est important, plus que traduire les dialogues, c'est de restituer l'idée, les émotions, trouver des équivalents dans les différentes langues pour retranscrire le plus fidèlement possible les passages cocasses.

Vous présentez le film en avant-première à Francfort le 5 avril. Comptez-vous le présenter aussi dans d'autres villes en Allemagne ?

Oui absolument ! J'aimerais d'ailleurs pouvoir réaliser des co-productions avec des sociétés de production allemandes. Nous espérons en tout cas conquérir le public allemand le 5 avril au Filmforum Höchst de Francfort avant le Festival de Cannes 2017 !

Interview réalisée par Valérie Keyser (www.lepetitjournal.com/francfort), lundi 3 avril 2017

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Extrait du film de Manuel Sanchez "La DorMeuse Duval". Co-producteurs : Alain Depardieu, Jeremy Banster, Marylise Den Hollander. Crédits photos et affiche du film "Quizaz".

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Publié le 2 avril 2017, mis à jour le 3 avril 2017

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