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LIVRE - Les enfants de la troisième culture

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 2 octobre 2014

 

La Troisième Culture est la culture de synthèse entre la culture du pays d'origine et celle des différents pays d'accueil. Après avoir l'avoir étudiée durant plusieurs années, Cécile Gylbert a compris à quel point elle influençait sa famille d'expatriés au long cours. Elle a souhaité non seulement partager son expérience, mais surtout donner à d'autres parents francophones les clés du décodage de cette Troisième Culture dans son livre, leur permettant ainsi de mieux guider leurs enfants expatriés, pour que ces derniers deviennent à leur tour des adultes épanouis.

Lepetitjournal.com : Que recouvre le terme "Enfant de troisième culture"?

Cécile Gylbert :
C'est une notion développée dans les années 50 par la Dr Ruth Unseems puis étudiée dans les années 1980 par le Dr David Pollock et la Dr Ruth Van Reken. Leur définition des enfants de la Troisième culture est la plus précise et la plus complète : "Un Enfant de Troisième Culture (ETC) est une personne qui a passé une partie importante de ses années de croissance dans une culture autre que celle de ses parents. Elle développe des relations avec chacune de ces cultures et s'identifie dans une certaine mesure avec elles, mais elle ne se considère pourtant pas comme faisant intégralement partie d'elles. Même si différents éléments de chaque culture s'assimilent à son expérience et influencent son système de valeurs et son mode de vie, son sentiment d'appartenance va vers ceux qui ont un vécu semblable au sien."

Comme toute culture elle crée des liens dans un groupe. Ce groupe, c'est celui des enfants ayant passé leur enfance à l'étranger. Ils ont une histoire différente, un parcours toujours personnel mais se retrouvent dans cette culture mosaïque. Un enfant français élevé au Brésil aura davantage en commun avec un Américain qui a passé son enfance en Inde qu'avec un Français "de France".

Est-ce une appellation qui convient à tous les enfants expatriés ?

La Troisième culture est l'interaction de deux facteurs : le changement culturel récurrent et la mobilité géographique. C'est le fait de vivre dans un monde multiculturel et sans cesse en mouvement qui permet à un enfant de forger SA Troisième Culture, une culture personnelle mais qu'il partagera pourtant avec les autres ETC.

Tous les enfants expatriés ne sont pas exposés de la même façon à la Troisième Culture. En effet, tout dépendra de l'âge de l'expatriation, de sa durée et de l'exposition à la culture du pays d'accueil. Un enfant de deux ans qui part vivre 3 ans en Chine n'aura pas la même exposition culturelle qu'un enfant de 12 ans. Par ailleurs, un enfant qui vivra une seule expatriation sera moins marqué par la Troisième Culture qu'un enfant qui aura vécu dans plusieurs pays différents.

On peut dire que tous les enfants expatriés s'approchent de la Troisième Culture mais que tous ne l'intègrent pas au même niveau. On distingue clairement ceux qui ont habité dans plusieurs  pays de ceux qui ont vécu une seule expérience d'expatriation, si enrichissante soit elle.

Pensez-vous que vivre longtemps à l'étranger altère forcément notre sentiment d'appartenance à la culture française ?

Si vivre une seule expérience en expatriation altère notre sentiment d'appartenance à la culture française (et cela se vérifie au moment du retour), que dire de plusieurs expatriations! Les multi-expatriés le savent bien, il arrive un moment ou, adultes, nous nous sentons nous éloigner progressivement de notre culture d'origine. Nous ne pensons plus français, nous n'agissons plus français mais plutôt de façon transculturelle. Et pourtant, en tant qu'adultes, nous avons des bases culturelles françaises solides!

Pour ceux qui passent leur enfance à l'étranger, ces bases sont plus instables, la France représente souvent le pays des vacances, celui de la famille mais rarement le leur. Le sentiment d'appartenance est certainement l'un des défis les plus difficiles à relever pour les enfants de la Troisième Culture. Ils se sentent de "partout et nulle part" à la fois. Si cela peut apparaitre comme un atout dans notre monde globalisé, il n'en reste pas moins que se pose le problème des racines. Si les ETC détestent plus que tout la question "d'où es-tu?", ce n'est pas un hasard!

Quels sont les avantages conférés par cette troisième culture aux enfants ?

Les ETC développent de nombreuses compétences. Ils savent s'adapter à leur environnement de façon remarquable, on les appelle souvent "caméléons culturels". Ils ont une ouverture d'esprit très large. Ils savent qu'il n'existe pas une seule façon de faire les choses, une seule façon de penser, ils sont naturellement capables d'envisager une situation selon plusieurs perspectives. Ils ont une vision globale et élargie du monde qui les entoure.
Ils sont doués d'une acuité particulière pour découvrir rapidement les  points communs entre plusieurs personnes ou plusieurs situations. Ils sont souvent bilingues voire multilingues dès leur plus jeune âge.
La Troisième Culture leur confère également une grande tolérance vis-à-vis de la diversité. Ils ont des amis de plusieurs nationalités et le monde extérieur ne se limite pas pour eux à un reportage. Ils sont souvent différents de leur entourage, savent gérer cette différence et donc accepter celle des autres.

Et les inconvénients ?

Les défis que doivent relever les enfants de la TC sont réels. Nous, les parents, dans notre vision parfois idyllique de l'enfance hors du commun que nous offrons à nos enfants, n'en sommes pas toujours conscients. Ils font face à une absence d'équilibre culturel, cette base qui donne les points de repères, la stabilité et la sécurité. Gérer plusieurs cultures est extrêmement enrichissant mais, à l'âge où se forme la personnalité, cela peut être terriblement déstabilisant. Etre confronté à la réconciliation des valeurs entre celles de la culture d'origine transmise par les parents et celles des cultures des pays d'accueil est une démarche souvent difficile, notamment à l'adolescence.

Ils font face également au challenge de l'identité. Qui suis-je? D'où suis-je? Dans un groupe d'enfants de leur âge, ils hésitent souvent entre se fondre dans la masse et donc ressembler le plus possible aux autres (quitte à renier certains traits de leur personnalité) ou bien insister sur leur différence. Dans les deux cas, il ne s'agit pas d'une attitude naturelle. Se positionner vis-à-vis des autres (Français ou locaux) dicte une démarche qui leur demande un effort.

Ils manquent de connaissance sur leur culture d'origine, ce qui leur est rarement pardonné, notamment lors du retour en France. Ils n'ont pas mêmes repères de culture populaire, ne connaissent pas le vocabulaire à la mode et pour certains parlent parfois un français laborieux.

Leur adolescence est souvent retardée. Recommencer un processus de connaissance culturelle tous les trois ans les ramène chaque fois à un stade de "débutant". Au lieu d'acquerir les fondements d'une culture, de les intégrer puis d'en appliquer les différents éléments tout au long de leur enfance puis adolescence (comme tout enfant sédentaire), ils doivent sans cesse recommencer ce processus sans avoir toujours le temps d'aller au bout. Ce fait de recommencer à zéro régulièrement retarde leur processus de maturité.

A

l'âge adulte, que deviennent-ils ?

S'ils retirent tous les bénéfices de leur enfance expatriée et savant en relever les défis, les Adultes de la Troisième Culture deviennent des personnes vraiment adaptées à notre mode global.

Parce qu'ils ont grandi dans un environnement multiculturel et dans un univers sans cesse en mouvement, ils ont développé des compétences qui coïncident avec les caractéristiques de nos sociétés actuelles. Les ATC sont doués de capacités d'observation et d'une grande flexibilité intellectuelle. Ils sont capables de penser "out of the box", d'être créatifs et réceptifs à de nouvelles idées. Ils ont souvent des ressources linguistiques supérieures à la moyenne et des aptitudes sociales élevées.

Leurs faiblesses viennent souvent de la mauvaise gestion des transitions durant leur enfance entre leurs différents environnements culturels. Ils ont pu avoir du mal à surmonter leurs chagrins, à gérer les séparations ou encore à s'identifier à leur entourage durant l'enfance. Il en découle souvent une perte de repère dans l'identité, un besoin de changement continuel ou encore des difficultés à vivre dans le présent.

Connaitre les enjeux d'une enfance expatriée est souvent un travail nécessaire pour les Adultes de la Troisième Culture. Cela leur permet de dépasser leurs  inquiétudes pour jouir pleinement des bénéfices qu'elle leur a apportés.

Propos recueillis par Marie-Pierre Parlange (www.lepetitjournal.com) lundi 6 octobre 2014

Cécile Gylbert est consultante en interculturel et mobilité internationale, mariée et mère de trois enfants. Elle a vécu plusieurs expatriations (Équateur, Espagne, Mexique, Chine). Elle vit actuellement au Mexique. Cécile Gylbert est sur le point de publier Le Carnet de Départ, un cahier d'activités destiné aux enfants qui partent en expatriation afin de les aider à gérer les transtions auxquelles ils font face. Elle travaille également sur un ouvrage concernant le retour d'expatriation.

Les enfants de la troisième culture, Cécile Gylbert, 240 pages, Les éditions du Net
ISBN: 978-2-312-02246-8
Distribué par les Editions du Net, FNAC, AMAZON, Dilicom, Kindle, Ebook

Pour en savoir plus, lire aussi l'article de Gersende Attali, Psychologue clinicienne, sur notre édition de Perth.

Retrouvez tous les articles qui traitent de la famille en expatriation dans notre rubrique : www.lepetitjournal.com/expat/famille

logofbinter
Publié le 5 octobre 2014, mis à jour le 2 octobre 2014

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