Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

ENTRETIEN - Abdou Diouf : "La francophonie, une même vision du monde"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 27 septembre 2006, mis à jour le 13 novembre 2012

Dans un entretien exclusif accordé à notre journal en ligne, Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie (OIF), détaille les enjeux du Sommet de la Francophonie qui s'ouvre demain en Roumanie (27-28 sept). Selon lui, "la langue française n'est pas en déclin dans le monde", et le concept de francophonie, "vrai lieu de débats, de discussions et d'échanges"demeure "attractif". A Bucarest, il souligne que "c'est toute la dimension européenne de la Francophonie qui sera mise à l'honneur"

Abdou Diouf, ancien chef d'Etat du Sénégal, actuel secrétaire général de la Francophonie (photo courtoisie OIF)

Lepetitjournal.com : Quels sont les principaux enjeux du Sommet de Bucarest ?
Abdou Diouf :
Ce sommet est incontestablement placé sous les couleurs européennes. D'abord parce que c'est la première fois qu'un Sommet de la Francophonie se tient en Europe centrale et orientale, dans cette région qui compte énormément de francophones et qui est la zone naturelle d'élargissement de la Francophonie et de l'Union européenne. Ce rendez-vous politique majeur est ensuite un appel à une Europe qui se renforce et qui s'agrandit avec l'entrée prochaine de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union européenne. Nous aurons alors treize pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie représentés dans les institutions européennes ! A Bucarest, c'est toute la dimension européenne de la Francophonie qui sera mise à l'honneur pendant ces deux jours.

Lepetitjournal.com : Pourquoi le sommet se tient-il en Roumanie ?
Abdou Diouf :
 La Roumanie était candidate depuis longtemps. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont entériné ce choix à Ouagadougou, lors de notre dernier sommet au Burkina Faso, parce que la Roumanie occupe une place très importante au sein de la Francophonie, qu'elle a rejoint dès 1991 en tant qu'observateur. Les Roumains connaissent depuis longtemps les valeurs humanistes portées par la langue française. En Roumanie, le français fait partie intégrante du patrimoine culturel.

Lepetitjournal.com : À Bucarest, de nouveaux pays feront acte de candidature pour rejoindre l'organisation. La Francophonie ne court-elle pas le risque de perdre son identité ?
Abdou Diouf :
 Pas du tout ! Notre identité est bien ancrée, tout à fait claire pour chacun de nos membres. La Francophonie, c'est non seulement une langue en partage, mais aussi une même vision du monde. Je trouve personnellement qu'il est très positif que de nouveaux pays veuillent nous rejoindre : cela prouve que la Francophonie est attractive ! Cela démontre que nos messages, les valeurs pour lesquelles nous nous battons, sont partagés par d'autres. Cela prouve enfin que la langue française n'est pas en déclin dans le monde. Au sein de notre organisation, nous avons des Etats et des gouvernements membres et des observateurs. Les nouvelles candidatures sont souvent issues de pays qui souhaitent devenir observateur, ce qui nécessite moins d'obligations et leur confère moins de droits. 
 
Lepetitjournal.com : Au delà de sa dimension culturelle, pensez-vous que la Francophonie ait un rôle politique à jouer ?
Abdou Diouf :
 Elle joue déjà un rôle politique ! Quand elle use de son influence et de son poids pour obtenir l'adoption de la Convention sur la diversité culturelle à l'Unesco, quand elle soutient les positions des pays africains dans le dossier du coton à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), quand elle coopère avec l'Union européenne, les Nations Unies ou le Commonwealth, quand elle intervient dans la résolution ou la sortie de crise de ses pays membres, quand elle se bat pour le respect de la démocratie et des Droits de l'Homme dans son espace, la Francophonie est de plain-pied dans l'action politique ! En Haïti, en République centrafricaine, au Togo, aux Comores : dans tous ces dossiers, comme dans d'autres, nous avons démontré que nous étions une force politique capable de peser.

Lepetitjournal.com : Comment la Francophonie doit-elle intervenir dans la mondialisation ?
Abdou Diouf :
 Nous sommes pour une mondialisation maîtrisée, plus équilibrée, plus juste, plus humaine. Nous vivons dans un monde où la pauvreté progresse, où les inégalités s'accroissent, où les identités sont malmenées et où l'on assiste à une montée en puissance des terrorismes, de la haine et de la violence, du repli sur soi. Des enceintes telles que la Francophonie sont le lieu où on peut recréer un multilatéralisme positif, suscitant des coopérations et des coordinations plutôt que des antagonismes. C'est un vrai lieu de débats, de discussions et d'échanges.

Lepetitjournal.com : En quoi la langue française est-elle toujours un produit d'avenir ?
Abdou Diouf :
 Parce qu'elle est, avec l'anglais, la seule langue parlée sur les cinq continents ! Parce que près de 200 millions de personnes parlent le français dans le monde. Au niveau international, nous oeuvrons sans relâche pour faire respecter l'utilisation du français dans les organisations internationales où elle est langue officielle : aux Nations Unies, à l'Union africaine, à l'Union européenne et même au Comité international olympique ! Depuis plusieurs années, l'OIF a développé une politique linguistique active de renforcement des compétences de travail en français des fonctionnaires et diplomates européens. Par exemple, en Roumanie, nous finançons des cours de français pour 1.300 cadres spécialisés dans les questions européennes.
 
Lepetitjournal.com : Dans quels pays francophones avez-vous personnellement vécu ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
Abdou Diouf :
 Au Sénégal, qui est mon pays, et en France, où je réside depuis 2000. La première fois que je suis venu à Paris, c'était en 1957. J'étais lauréat de la Faculté de Droit et on m'avait donné une bourse de vacances pour découvrir la France. Quelques années plus tard, j'ai intégré la dernière promotion de l'Ecole nationale de la France d'Outre mer d'où je suis sorti en 1960. Je garde d'excellents souvenirs des ces années d'études à Paris : c'était une vie exaltante, riche en rencontres et en événements.
Propos recueillis par Betty RUBY. (
www.lepetitjournal.com) 27 septembre 2006

En savoir plus
http://www.francophonie.org/bucarest

logofbinter
Publié le 27 septembre 2006, mis à jour le 13 novembre 2012

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions