Le bodhrán (se prononce quelque chose comme « bowrone ») est une percussion, un instrument de musique irlandais utilisé lors de sessions de musique traditionnelle.
Aurélie du blog RACONTE-MOI L'IRLANDE nous dresse le portrait de Ben March, dans le comté de Clare, à l’ouest de l’Irlande, qui fabrique ces bodhráns avec passion.
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Le comté de Clare est connu pour trois choses : les falaises de Moher, le parc national du Burren, et… la musique ! Plus particulièrement, la musique traditionnelle irlandaise.
Le soleil baissait tranquillement derrière son duvet nuageux, face à moi, en cette douce et belle soirée de septembre. J’avais quitté Ennis depuis une demi-heure, et la voiture roulait plein ouest, la lumière feutrée m’obligeant tout de même à baisser le pare-soleil et porter mes lunettes noires. A mesure que j’approchais de mon lieu de rendez-vous, la route prenait son effet entonnoir, comme souvent en Irlande lorsque l’on s’aventure dans la campagne, par les chemins de traverse. D’abord une nationale avec une belle ligne blanche au milieu (signe d’une « belle route » en Irlande), tout en virages et montagnes russes, où l’eau vous surprend à ruisseler en travers au détour d’une courbe serrée, ces nationales qui rendent ma fille malade dès l’instant où on les emprunte. Je pensais à elle ce soir-là derrière mon volant, et étais bien contente qu’elle ne soit pas avec moi, parce que je savais que déjà en quittant Ennis, le mal du transport l’aurait prise, et il m’aurait vite fallu m’arrêter fréquemment, ajoutant un bon tiers à la durée du trajet. Telles sont mes vadrouilles irlandaises avec ma fille (je vous assure que j’ai tout essayé, mais rien n’y fait !).
Quittant la nationale, je prenais une route de campagne qui montait, où les marquages au sol étaient remplacés par des nids de poules, bosses et cabosses. Deux kilomètres avant d’arriver, je bifurquai sur la droite, pour me retrouver sur une route encore plus étroite, de celles que l’on appelle ici « boreen » en gaélique, celles où la nature reprend ses droits, où l’herbe transperce le goudron et pousse au milieu, laissant sur les côtés les traces de l’unique véhicule qui peut l’emprunter. Car oui, sur ces routes-là, on ne se croise pas. Elles sont pourtant à double sens, je vous assure !
C’est donc sur l’une de ces routes que mon GPS me guidait, pour aller rencontrer Ben, la personne qui avait accepté d’être interviewée pour représenter le comté de Clare dans le cadre de mon Tour d’Irlande en 32 interviews (une par comté). Ben m’avait d’ailleurs donné son Eircode, ce genre de code postal mis en place il y a quelques années seulement et relié à chaque habitation de la République d’Irlande :
– C’est en général avec ça que les gens me trouvent sur le GPS.
Effectivement, sans cela, son adresse ne sert à rien pour les étrangers qui veulent le trouver, tant il est perdu dans la campagne (j’ai un respect infini pour les facteurs de cette île, si vous saviez !).
Le GPS me mène sur une allée privée, en haut d’une colline surplombant un immense lac, et qui débouche sur un cottage auquel tient compagnie un petit atelier en pierre, juste à côté. Deux chiens aboient derrière la petite fenêtre du cottage, dont un jeune border colley aux yeux bleus. J’aperçois à travers la large fenêtre panoramique de son atelier celui que je devine être Ben. Il m’a entendue arriver et sort m’accueillir. Les épaules larges et la barbe bien fournie, gentillesse, douceur et humilité confondues sont les premières impressions qui se dégagent de ce visage cinquantenaire aux yeux gris.
– Tu veux un thé ? M’accueille-t-il chaleureusement après que nous nous soyons présentés.
Il m’invite à le suivre dans son atelier. Je suis aux anges, et je pense que j’aurais pu éclairer cette petite pièce tant mes yeux scintillaient d’émerveillement !
C’est que Ben n’est pas n’importe qui… Ben est un « bodhrán maker », un fabricant de bodhrán, un artisan qui fait de ses mains ce tambour irlandais utilisé pour accompagner d’autres instruments lors de sessions de musique traditionnelle irlandaise !
Dans la pièce, l’odeur de poussière et de bois mélangés propre aux ateliers, peut-être aussi un peu de verni, si je renifle bien. J’adore ! Artisan, artiste… même racine étymologique.
Ben vit ici depuis une dizaine d’années. Ce cottage était pour lui avant, pendant une vingtaine d’années, une maison de vacances, à l’origine une vieille demeure irlandaise qu’il a rénovée. Car il a habité un peu partout : 25 ans à Dublin, mais aussi en Angleterre, au Pays-de-Galles, en France, aux Etats-Unis, au Canada.
– C’est la circulation qui m’a fait fuir Dublin ! Trop de circulation !
– C’est sûr, tu n’as pas ce problème ici !
– Ha ! Ha ! Non ! Peut-être un tracteur, dès fois, mais c’est tout !
Ben est menuisier de métier, alors le travail du bois, il connaît.
– Si je pouvais vivre de la fabrication de bodhráns à l’année, je le ferais ! Mais malheureusement ce n’est pas possible, la demande n’est pas assez forte, et c’est seulement un travail à temps partiel. Le reste du temps, je suis menuisier.
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