Qui n’a pas encore entendu parler du CBD ? Le nouvel ingrédient passé rapidement de sulfureux à miraculeux, et que l’on trouve sous mille formes partout en Europe… Mais si l’on est un peu curieux et que l’on aime choisir ses produits de soin avec discernement, il est facile de comprendre, comme avec tout produit naturel, que seule la vraie qualité prime : culture, récolte, traitement et dosage, tout doit répondre à de hauts standards pour tenir ses promesses. Yann Moujawaz, justement, a su voir dans cet « or vert » le véhicule d’une aventure qui a l’humain et le soin à cœur, et qui reflète un lien unique et prolifique entre une mère inspirante et son fils entrepreneur.
Lepetitjournal.com/dubai : Quel est le parcours professionnel qui vous a amené aujourd’hui à Dubaï à lancer Juana Skin, ce projet très innovant autour du soin ?
Yann Moujawaz : Mon parcours académique est très classique : l’université à Saint-Gall dont je garde un super souvenir et la London School of Economics, et puis une carrière de consultant et de conseil en particulier auprès du Boston Consulting Group. Je ne me pose pas la question de revenir travailler dans le Moyen Orient, c’est une évidence pour moi, j’y ai des racines, des attaches multiples, et c’est une région ultra dynamique, je m’y suis senti attiré tout naturellement et j’ai bien fait ! J’ai adoré toutes les opportunités qui se sont présentées, tout ce que j’ai pu entreprendre, j’ai construit des banques digitales, fait des IPO au Japon, acheté des îles, c’était vraiment un peu fou et incroyable !
D’où vous est venue l’idée de vous intéresser au soin, et aux vertus du CBD ?
J’ai toujours eu une fibre entrepreneuriale, couplée à un ADN de thérapeute (mon père est médecin chirurgien). Durant ma dernière année à la LSE je dois présenter un projet d’entreprise qui soit à la fois profitable et qui respecte les contraintes de l’écoresponsabilité. Notre sponsor est Jacques Attali, à travers son groupe de réflexion sur l’économie positive. Bon c’est passionnant…mais je n’ai pas d’idée (rires) Je réfléchis autour des thèmes de la responsabilité, l’écologie, la frugalité… et mes pensées me portent vers ma mère, et la façon dont elle a toute sa vie pris soin de nous en fabriquant ses propres produits de soins, et parfois des remèdes pour nos petits maux d’enfants. Ma mère est née à Alep, dans une famille qui possédait des oliveraies. De ces champs d’oliviers on tirait bien sûr une huile incroyable et surtout le fameux savon d’Alep : un produit très simple, avec trois ingrédients, sans cosmétiques, colorants, conservateurs, silicone, parfum… sans aucun ajout au fond ! Mais à forte valeur thérapeutique. Ma mère préparait à la maison toutes sortes de recettes de soin, et c’était toujours son premier réflexe en cas de petite maladie, avant de passer à l’allopathie (et pourtant notre père était médecin !). Et non seulement elle faisait ses préparations elle-même, mais en plus elle s’attachait à utiliser au maximum chaque ressource naturelle : pelures de fruits, pépins, écorce, rien n’est jeté, et même parfois des ingrédients un peu fous comme par exemple les fins squelettes des hippocampes échoués sur la plage, qu’elle allait ramasser tôt le matin pour les réduire en poudre et bénéficier de leur incroyable apport en minéraux.
Donc de cette éthique de vie je retiens beaucoup de choses : elle utilise les produits au maximum et parfois recycle de façon exponentiellement bénéficiaire des éléments qui seraient jetés. Son coût de revient avoisine le zéro, et la transformation qu’elle fait subir à ces produits démultiplie leur valeur de façon spectaculaire en soins ultra qualitatifs. J’ai mon idée : je vais présenter mon projet sur « comment utiliser le naturel pour des produits de soin esthétiques efficaces et écoresponsables ».
Et je gagne la compétition – ce qui est déjà fou en soi - et l’effet est immédiat. Une maison international de skincare de luxe suisse me contacte tout de suite, un groupe industriel français de produits cosmétiques m’attendait carrément à l’hôtel, et cette effervescence m’inquiète… j’appelle ma mère (rires). Et je décide de prendre du recul et d’être patient : j’ai besoin de me faire les dents, avant de me développer, si je ne veux pas me faire avaler tout cru justement… La meilleure école pour cela c’est le conseil : pour moi c’est clair, il faut que je prenne le temps de faire les choses correctement, comme je les imagine, sans précipitation.
Vous allez donc mettre cette idée en sommeil et travailler dans le conseil pas mal d’années : qu’en retirez-vous ?
J’apprends évidement énormément, et j’expérience aussi directement dans mon métabolisme le prix du stress, je prends plus de 150 avions par an, la pression est forte, les enjeux parfois immenses, au niveau étatique… Mon corps finit par me présenter la facture : on doit m’opérer d’urgence de la vésicule biliaire. C’est un déclic mais le projet a mûri depuis longtemps : je me mets à étudier sérieusement les vertus thérapeutiques du CBD, et je me rends compte que c’est la pièce manquante de mon projet d’origine, la clé qui va me permettre de démarrer.
Il va falloir beaucoup vous expliquer j’imagine : éduquer le public ?
Le plus important oui, c’est la partie éducative : le cannabis est une molécule anti-inflammatoire et antidouleur qui est connue et utilisée depuis plus de 6000 ans. Avicène le mentionne dans son Qanûn (le Livre de Médecine), on le trouve aussi sur des papyrus perses datant de 3000 ans avant JC, et les premières ordonnances le mentionnant en font usage pour aider les femmes dans les douleurs de l’accouchement.
Ce qu’on sait moins c’est qu’il possède aussi des valeurs thérapeutiques pour la peau. Le principe actif a donc des valeurs anti-inflammatoires, antioxydantes, et hydratantes, par exemple il traite quasi-miraculeusement certains eczémas, et sans aucune contre-indications ni effet secondaire….
Comment expliquer qu’avec tant de vertus il ait si mauvaise réputation, qu’on confonde encore le principe du THC et du CBD ?
Peu de gens savent que dans les années ‘30, au moment de la grande prohibition, les lobbies de l’alcool et du tabac ont cherché à diaboliser et médiatiser les soi-disant nocivités du cannabis : il leur fallait un bouc émissaire pour détourner l’attention des effets ravageurs de leurs propres produits. Une campagne publique est menée en rebaptisant la plante « marijuana » et en accusant les immigrants mexicains de l’avoir importée illégalement aux US, puis en la faisant enregistrer par la redoutable FDA sous la même catégorie que les substances hallucinatoires et hyper addictives comme la cocaïne et le LSD… On doit sa sortie de ce purgatoire artificiel aux travaux extraordinaire du Dr Raphael Mechoulam dans les années ‘60, qui va isoler les endocannabinoïdes... La première personne que je convaincs de ces vertus c’est ma mère, que j’embarque dans l’aventure.
Juana c’est elle ?
Oui, absolument : sans elle, son éthique, son inspiration, son travail l’idée n’aurait pas vu le jour. Notre projet pour l’instant c’est une ligne de soin de la peau, mais mon objectif c’est d’initier un mouvement de fond, un mouvement de bien-être général, et le CBD c’est le véhicule idéal pour cela.
Que diriez-vous aux « CBD sceptiques » ?
Je dirais que c’est la seule vraie alternative naturelle qui peut prouver une très haute efficacité quantifiable et mesurable, en raison de sa compatibilité exceptionnelle avec le système physiologique qui est le nôtre. La santé, ou en tout cas ce vers quoi nous devrions tendre, c’est un état d’homéostasie : un état d’équilibre, auquel notre corps parvient naturellement grâce aux endocannabinoïdes, et le seul principe actif (naturel !) capable d’effectuer la même fonction, ce sont les phytocannabinoïdes du CBD. Aucune autre molécule, même chimiquement fabriquée, ne parvient à ce résultat. Ce sont des résultats médicalement prouvés et certifiés, et c’est ce qui me conforte dans ma conviction personnelle qu’il ne s’agit pas d’une simple mode ou tendance comme il peut y en avoir dans le monde du soin, mais d’un changement structurel profond et fondamental qui s’amorce.
Et puis bien sûr répéter que le CBD n’a aucune chance de provoquer une addiction ! J’aime bien utiliser la métaphore du raisin : grâce à ce fruit on peu faire du vin certes, mais aussi du jus, et il ne viendrait à l’idée de personne de penser que le jus peut provoquer une ivresse ?! Et puis avec les sous-produits du raisin comme la peau et les pépins, on peut optimiser leurs principes actifs et créer une ligne de soin naturelle et efficace comme l’a fait par exemple la marque Caudalie ! C’est une façon très claire je trouve d’imaginer ce qu’il est possible de faire avec la plante du cannabis…
Vous êtes passionné, qu’est-ce qui vous enthousiasme autant dans cette expérience, cette aventure qui commence ?
Cette aventure – car c’en est une - m’a vraiment montré la valeur des choses : la santé ça n’a pas de prix, travailler sur un projet pareil avec ma mère, lui montrer la valeur de ce qu’elle a toujours défendu, lui offrir une « deuxième vie » active en lui permettant de faire le bien autour d’elle… ça n’a pas de prix. Le feu qui me porte c’est ça : chaque être humain peut avoir un impact positif, on n’a pas tous besoin de gagner un Nobel pour cela, mais on peut tout faire une différence. C’est cela « vivre de sa passion », le meilleur conseil que Jacques Attali m’ait donné et que j’ai mis longtemps à comprendre…
Comment cela se traduit dans vos produits ?
Nous sommes intransigeants sur la qualité, d’autant plus dans un marché envahi par des producteurs peu scrupuleux qui vont mettre l’étiquette « cbd » avec un produit si faiblement concentré qu’il ne sert à rien, sans parler de la provenance… : nous utilisons uniquement des huiles de grande qualité, issues de terroirs propres, riches, nous postulons pour les certifications bio les plus sévères et strictes, une traçabilité de 100%, etc. De la même façon lorsque nos premiers testeurs ont demandé que nos crèmes soient plus blanches, plus parfumées, nous savions que cela ne pouvait passer que par des arômes et des colorants. Encore une fois grâce à ma mère nous sommes restés fidèles à nos racines et à notre éthique. C’est elle qui m’a rappelé que "notre savon à Alep, il n’est pas très beau, il ne sent pas la vanille, il n’est pas irisé et sa forme est toute simple et un peu bancale… mais il marche ! Il est bon et beau dedans, et c’est ce qui compte".