Fraîchement arrivé en septembre, Jean-Christophe Paris, le nouveau Consul général de France à Dubaï et dans les Émirats du Nord, partage sa vision dynamique et ambitieuse pour la communauté française. Dans un entretien enrichissant, il dévoile son engagement à renforcer les liens entre la France et les Émirats, avec un objectif clair : rendre les Français fiers de l’influence et des réalisations de leur pays dans la région.
Un entretien dynamique et enrichissant avec Monsieur Jean-Christophe Paris, notre nouveau Consul général de France à Dubaï et dans les Émirats du Nord, qui a pris ses fonctions en septembre dernier, avec l’envie de « rendre les Français fiers de ce que la France accomplit ici aux Émirats », et de « faire gagner l’équipe France ». Il se réjouit de pouvoir approfondir aux Émirats arabes unis sa connaissance du Moyen-Orient, sa pratique de la langue arabe et d’aller à la rencontre de l’ensemble de la communauté française qu’il qualifie de très accueillante, entreprenante et pleine d’énergie.
Lepetitjournal.com/dubaï : Ce n’est pas votre premier poste au Moyen-Orient, qu’avez-vous retiré de votre poste en Irak, et qu’est-ce qui attise votre curiosité dans cette nouvelle région du Moyen-Orient ?
Jean-Christophe Paris : Justement, c’est bien quelque chose que l’on comprend au fur et à mesure, c’est qu’il n’y a pas un seul Moyen-Orient, comme il n’y a pas une seule Europe ou une seule Afrique. L’Irak est un pays très diversifié en termes de populations, de religions, et de géographies ; c’est un pays complexe. Ce que je retrouve ici aux Émirats arabes unis, c’est l’importance des valeurs familiales, des traditions, de la culture et des relations commerciales mais ce sont fondamentalement des pays très différents bien que voisins au sens large. Par exemple, la composition sociale est très différente dans ces deux pays avec en particulier un poids inversé des communautés nationales et expatriées. C’est une vraie chance de pouvoir approfondir cette connaissance et de ne pas rester en surface et dans les généralités, mais au contraire, de bien comprendre toutes les complexités d’une région aussi riche et stratégique, entre l’Occident et l’Orient.
Un trait, une caractéristique de Dubaï qui vous a frappé dès votre arrivée ?
Ce que je trouve le plus fascinant ici c’est la volonté de se projeter résolument dans l’avenir, dans un développement durable à 360 degrés, que ce soit dans les domaines du transport, de l’énergie, des mathématiques quantiques ou de l’intelligence artificielle : saviez-vous par exemple que RTA et DEWA travaillent sur des modélisations de flux en recourant à l’IA pour pouvoir anticiper et répondre de façon plus efficace aux besoins de leurs usagers ? C’est un spectacle quotidien impressionnant de voir cette mégalopole ultra-moderne et qui se développe à une vitesse galopante, en repoussant toujours le désert, avec à l’horizon une population autour des 6 millions d’habitants d’ici 2040.
Le rôle de la France dans cette course à l’avenir ?
Les Français ont un rôle crucial à jouer dans cette perspective : nous apportons notre expertise reconnue dans de nombreux domaines clés de ce développement, comme par exemple les grandes infrastructures de transport. Je pense évidemment à l’extension du métro de Dubaï ou au projet de transport urbain par câble : les entreprises françaises – que je soutiens avec énergie - sont déjà mobilisées pour présenter leurs offres. Sans oublier les ports de Dubaï et d’Abou Dabi et le développement de l’aéroport Dubaï World Center - Al Maktoum prévu pour être le plus grand du monde, où tout l’écosystème français aéroportuaire est prêt à s’investir. Les opportunités ne manquent pas et mon objectif est très clair, c’est de faire gagner « l’équipe France », faire le lien avec les autorités pour promouvoir nos entreprises, participer à la coordination des différents acteurs du monde des affaires et les organismes qui les représentent comme Business France, la Chambre de commerce et d’industrie France-Emirats, les Conseillers du commerce extérieur.
Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur dans le domaine de la Francophonie ?
Nous sommes encore portés par l’énergie du sommet de l’organisation internationale de la Francophonie qui s’est tenu à Villers-Cotterêts le mois dernier ; un moment important pour la promotion de la langue française. Aux Émirats, nous comptons près de 15 000 apprenants du français comme langue étrangère dans les écoles émiriennes et 12 000 inscrits dans les écoles françaises. À Dubaï, j’aimerais créer un réseau des consuls généraux francophones ; et comme j’ai travaillé par le passé en Afrique, je voudrais travailler plus particulièrement avec plusieurs pays africains qui sont représentés ici et aussi avec ceux du Maghreb. Je souhaite faire la promotion, à travers un tel groupe, de nos valeurs communes comme la paix, les droits de l’Homme, la démocratie, la diversité culturelle et linguistique et créer une dynamique enrichissante à travers ce réseau unique.
Vous êtes polyglotte, vous venez de mentionner vos cours de perfectionnement d’arabe et maîtrisez des langues complexes comme le swahili, d’où vient cette passion ?
La diplomatie est un métier de passion, il faut profondément aimer l’altérité, avoir envie de comprendre l’autre et savoir se mettre à sa place. Être capable de comprendre que nos valeurs et nos systèmes de pensée diffèrent car les autres ne pensent pas comme nous. Et lorsque vous allez à la rencontre de l’autre, connaître sa langue, sa culture, sa religion et les grandes dynamiques sociétales auxquelles il est confronté, c’est vraiment très précieux. Mon voyage vers la langue arabe a débuté il y a près de 25 ans par l’apprentissage du swahili qui est la langue la plus parlée en Afrique subsaharienne et qui a été pour moi une porte d’entrée au Quai d’Orsay ; puis je l’ai complété avec l’amharique, autre langue sémitique parlée sur les hauts plateaux abyssins, pour arriver finalement à la langue arabe en Irak. L’arabe est en quelque sorte un retour aux sources puisque cette langue forme un tiers du swahili. D’ailleurs, la côte est-africaine a connu dès le VII ème siècle plusieurs vagues d’émigration de la péninsule arabique, et se promener dans Al Seef c’est retrouver un peu de Lamu, Paté et Zanzibar, la même architecture des villes et des ports, et un peu la même culture.
Vos premières impressions sur Dubaï ?
Je n’ai pas eu vraiment de choc à proprement parler en arrivant à Dubaï puisque j’ai déjà vécu et travaillé dans de grandes mégalopoles nord-américaines, et cette énergie est similaire : toutes les possibilités d’une ville-monde, son rythme effréné, ses embouteillages, je ne me suis pas senti déphasé. Mais la différence ici, à mon sens, c’est que l’on est résolument tourné vers la croissance et l’avenir.
On ne vient pas aux Émirats arabes unis et plus particulièrement à Dubaï par hasard. On vient avec un projet, une envie, et cette dynamique entrepreneuriale se ressent partout
: de l’enthousiasme, de la bonne humeur, de la bienveillance, et des gens qui se projettent dans la durée avec confiance. Et surtout, j’ai été très chaleureusement accueilli et cela m’a beaucoup touché.
Quelques mots sur ce que vous avez appris de notre communauté ?
Nous comptons 30 000 Français inscrits au consulat mais en réalité nous sommes beaucoup plus ! On estime la communauté française - qui croît tous les jours - à environ 50 000 personnes sur l’ensemble du territoire : aujourd’hui, deux petits Français naissent chaque jour, un mariage est conclu tous les jours, et nous célébrons un mariage au consulat toutes les semaines ! C’est une communauté bien établie dans la durée, bien structurée et organisée, qui fait preuve d’un dynamisme remarquable, avec toutes les caractéristiques des Français expatriés : le monde des affaires, les entrepreneurs, les associations, les grands groupes du CAC 40, les ETI et PME, le monde de la culture, les agents de l’Etat aussi.
J’aimerais rappeler toutefois que si les Emirats sont une terre d’opportunités et d’épanouissement, il faut impérativement respecter la législation locale.
De même, il faut bien se renseigner sur les conditions de vie ou de travail avant de se venir s’y installer : parler à minima l’anglais, venir avec un contrat de travail en bonne et due forme, s’inscrire au consulat pour que nous puissions faire notre travail correctement et offrir le meilleur service à la communauté. Vous savez notre équipe est dimensionnée pour 30 000 Français et pas pour 50 000. Donc inscrivez-vous au consulat, c’est capital !
D’ici un an où aimeriez-vous en être dans votre mandat ?
J’aimerais accompagner de la meilleure façon possible l’augmentation de la communauté française en lui offrant un service public de qualité, réactif et efficace. Bien sûr, je prends en marche le train conduit par mes prédécesseurs qui me permettent de travailler aujourd’hui dans les meilleures conditions possibles. Mais nous avons procédé à des réorganisations internes et les premiers résultats positifs se font déjà sentir : nous avons un service plus réactif,
nous avons doublé les rendez-vous disponibles pour les démarches administratives si bien que les délais d’attente ont été drastiquement réduits, nous répondons à plus 1500 emails par semaine en moins de 48h
les actes d’état civil sont désormais transcrits en moins de deux semaines…Nous avons également avec l’équipe du consulat qui ne compte pas ses heures, dynamisé et simplifié la communication, en particulier sur le site internet et sur les réseaux sociaux. Et j’invite d’ailleurs l’ensemble de vos lecteurs et lectrices à nous suivre !
Je souhaite aussi que la communauté française joue le jeu de son côté en respectant le fonctionnement du consulat général.
En effet, aujourd’hui, il y a près de 20% de rendez-vous qui ne sont pas honorés ; de nombreux Français ne viennent pas et ne nous préviennent même pas.
Ce n’est simplement pas acceptable et cela pénalise en réalité toute la communauté car le rendez-vous est tout simplement perdu. Il faut travailler ensemble à faire baisser ce chiffre. Voilà, dans un an, je souhaite que nous n’ayons plus à souffrir de la non-comparution de nos compatriotes !
Enfin, je veux vraiment valoriser le travail de toute l’équipe du consulat. Ce n’est pas de la simple administration de tous les jours. Au contraire, à mes yeux, c’est l’un des plus beaux métiers qu’offre le Quai d’Orsay : celui d’être en contact direct avec le public et de rendre un vrai service au quotidien. Et je peux vous dire qu’ils le font avec brio. Et de mon côté, comme je l’ai fait dans mes précédents postes, je souhaite aller sur le terrain au contact de toute la communauté et du monde des affaires pour développer les synergies en leur sein, des autorités et des grandes familles émiriennes et des principales communautés étrangères aux Emirats, renforcer le lien avec les associations françaises, et mener aussi sur une diplomatie féministe. Pour moi, une journée passée au bureau est une journée de perdue, montrer encore et toujours qu’on fait attention à nos compatriotes, qu’on les soutient, qu’on les valorise. Tout l’intérêt du poste de Consul général est d’avoir une vision transversale, globale, à travers l’ensemble de la communauté, les entreprises, les écoles, le sport, l’art. Naviguer à travers toutes les sphères d’une communauté et d’une société est passionnant.
Mon plus grand souhait d’ici un an ? Que les gens soient fiers de ce que la France et les Français font ici aux Émirats arabes unis !