Oubliez tout ce que vous pensiez savoir sur les courses de chameaux. À Dubaï, Aude Derflinger, Française audacieuse au parcours singulier, a troqué sa carrière dans l’immobilier et la restauration pour les pistes de sable, où elle s’est imposée comme chamelière professionnelle. Entre entraînements à l’aube, compétitions haletantes et liens tissés avec ses montures d’un jour, elle incarne une nouvelle génération de passionnés, prêts à s’immerger pleinement dans une tradition émirienne ancestrale. Rencontre avec une femme qui avance là où peu osent mettre les pieds : dans le désert, le vent dans le dos, et un turban sur la tête.


Qui a dit que les courses de chameaux étaient réservées aux Bédouins? Certainement pas Aude Derflinger, une Française au parcours aussi atypique qu’inspirant, qui a troqué les talons pour les bottes de jockey. Entre deux entraînements dans les dunes de Dubaï et une course à dos de dromadaire lancée à vive allure, cette aventurière au grand cœur nous embarque dans son univers singulier, fait de sable, de vitesse et de passion. Pas franchement le loisir du dimanche pour tout le monde, mais pour Aude, c’est devenu un art de vivre et un sacré défi qu’elle relève haut la main. Rencontre avec une femme qui n’a pas froid aux yeux… ni au turban !
Lepetitjournal.com/dubai : Depuis combien de temps es-tu installée à Dubaï? Quel est ton parcours?
Aude Derflinger : Je suis arrivée à Dubai en Février 2021 pour gérer les grands comptes chez OTIS, avec des contrats impressionnants dans toute la zone GCC, on parle notamment de palais présidentiels, d’aéroports et même de la Burj Khalifa ! Depuis novembre 2024, j’ai rejoint l’aventure Homer Lobster en tant que responsable du développement de la marque à Dubai. La dernière boutique vient d’ailleurs d’ouvrir à Nad Al Sheba !
Peux-tu nous raconter ce qui t’a amenée à devenir chamelière à Dubaï ?
J’ai toujours eu à cœur de m’impliquer dans la culture locale des pays où je vis. Après un début d’adaptation un peu corsé aux Émirats, mes parents m’ont lancé un défi un peu fou en Novembre 2021 : intégrer un groupe d’expatriés passionnés de courses de dromadaires… et gagner ! À l’époque, c’est la Chine qui raflait tous les podiums. Mon objectif ? Mettre le drapeau français à l’honneur dans les dunes. J’ai donc commencé les entraînements fin Août 2022 et j’ai couru ma première compétition en Octobre de la même année.
En quoi consiste exactement ton activité de chamelière au quotidien ? Y-a-t-il une journée type ou est-ce toujours différent?
Mes débuts étaient très intensifs : quatre entraînements par semaine, avec 45 minutes à une heure vers Al Ain. Départ de la ferme à 6h du matin ou 16h l’après-midi, selon les jours. Les week-ends, j’étais en selle matin et soir, plus un ou deux jours en semaine. Aujourd’hui, je m’entraîne au moins deux fois par semaine, avec des balades de deux heures pour mettre les dromadaires en condition. On effectue aussi une à deux courses d’essai avant les vraies compétitions.
Les prix à la clé ? À Dubai, on peut remporter entre 50K et 20K AED. À Abu Dhabi, ça monte jusqu’à 100K AED ! Les prix sont à partager avec le propriétaire à 50/50.
Travailler avec des dromadaires demande une vraie connexion avec l’animal : comment crées-tu ce lien avec eux ?
Je ne monte jamais le même dromadaire deux fois. Je découvre ma monture seulement une heure avant la course. L’enjeu, c’est de comprendre rapidement son comportement, ses réactions, ses changements de rythme. Un vrai exercice d’écoute… et de feeling ! Pendant la course, je leur parle en français, une manière de créer un lien : les dromadaires sont donc trillingues ici (rires!)
Comment la communauté locale perçoit-elle ton activité en tant que Française dans un domaine aussi emblématique de la culture émirienne?
Au début, ce n’était pas simple. Il y avait la barrière de la langue, la nouveauté d’une expatriée sur les pistes… Mais le groupe auquel j’ai été intégrée avait l’habitude de travailler avec des profils venus d’ailleurs. Pour vraiment m’imprégner de la culture, j’ai fait deux semaines de trek en mode bédouine à la frontière entre l’Arabie Saoudite et Dubai : 550 à 900 km à dos de dromadaire, dans un groupe de 35 personnes. Une expérience inoubliable.
Les locaux sont surpris au départ, et ravis de savoir que je m’épanouis dans cette discipline. La communauté Emirati est toujours très fière de savoir qu'on apprécie leur culture à travers mon statut d’ambassadrice !
As-tu été bien accueillie dans cet univers? As-tu rencontré des défis particuliers en tant qu’expatriée?
Les débuts ont été un peu rudes. Il faut apprendre en observant, deviner sans qu’on vous explique. Certains entraîneurs ne parlent pas un mot d’anglais. Tout passe par les gestes, le regard, le langage du corps. Mais avec le temps, j’ai gagné leur confiance. Aujourd’hui, je fais partie de la famille.
As-tu une anecdote marquante ou un moment inoubliable à partager ?
Une fois, j’ai mal fixé ma selle. L’entraîneur m’a lancé un cinglant : "Va regarder ta télé !" Autant dire que je ne me suis pas laissée faire. C’est aussi ça, apprendre à s’affirmer dans un univers masculin et codé.
Mais le moment le plus fort reste mon trek avec un dromadaire blessé. J’ai pleuré, et elle aussi ! Les Bédouins m’ont dit : “Ça y est, tu es devenue une vraie bédouine, tu es connectée à ton animal.” C’était puissant.
Quels sont tes projets futurs ? Souhaites-tu développer ton activité, transmettre ton savoir ou explorer d’autres aspects du monde des chameaux ?
J’ai plein d’idées en tête ! D’abord, acheter mon propre dromadaire, c’est un sacré investissement (comptez entre 30 000 et 40 000 €).
Ensuite, créer une communauté autour de ce sport méconnu, et pourquoi pas une marque de vêtements inspirée de cet univers.
Je suis aussi capitaine de l’équipe de France au sein de la Fédération Française des Chameaux, présidée par Olivier Philipponneau. Mon rôle ? Développer les courses internationales côté français, avec l’objectif, ambitieux mais sérieux, de faire entrer la discipline aux JO de 2032 !
Pour l’instant, je cours uniquement aux Émirats et je fais partie du Hamdan Heritage Center. Mais on espère bien que la course s’ouvrira bientôt à d’autres pays du Golfe.
Sur le même sujet
